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Continuation du même fujet.

Es pays fertiles font des plaines, où l'on ne peut rien difputer au plus fort: on fe foumet donc à lui; & quand on lui eft foumis, l'efprit de liberté n'y fauroit revenir; les biens de la campagne font un gage de la fidélité. Mais dans les pays de montagnes, on peut conferver ce que l'on a, & l'on a peu à conferver. La liberté, c'est-à-dire le gouvernement dont on jouit, eft le feul bien qui mérite qu'on le défende. Elle regne donc plus dans les pays montagneux & difficiles, que dans ceux que. la nature fembloit avoir plus favorifés.

Les montagnards confervent un gouvernement plus modéré, parce qu'ils ne font pas fi fort expofés à la conquête. Ils fe défendent aifément, ils font atta¬ qués difficilement; les munitions de guerre & de bouche font affemblées & portées contr'eux avec beaucoup de dépenfe, le pays n'en fournit point. Il est donc plus difficile de leur faire la guerre, plus dangereux de l'entreprendre; &

toutes les lois que l'on fait pour la fureté du peuple y ont moins de lieu.

CHAPITRE III.

Quels font les pays les plus cultivés.

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en

Es pays ne font pas cultivés en raifon de leur fertilité, mais en raifon de leur liberté; & fi l'on divife la terre par la pensée, on fera étonné de voir la plupart du temps des déferts. dans fes parties les plus fertiles, & de grands peuples dans celles où le terrain femble refufer tout.

Il eft naturel qu'un peuple quitte un mauvais pays pour en chercher un meilleur, & non pas qu'il quitte un bon pays pour en chercher un pire. La plupart des invasions se font donc dans les pays que la nature avoit faits pour être heureux : & comme rien n'eft plus près de la dévastation que l'invafion, les meilleurs pays font le plus fouvent dépeuplés, tandis que l'affreux pays du nord refte toujours habité, par la raifon qu'il eft prefqu'inhabitable.

On voit, par ce que les hiftoriens nous disent du paffage des peuples de

la Scandinavie fur les bords du Danube, que ce n'étoit point une conquête, mais feulement une tranfmigration dans des terres défertes.

Ces climats heureux avoient donc été dépeuplés par d'autres tranfmigrations, & nous ne favons pas les chofes tragiques qui s'y font paffées.

« Il paroît par plufieurs monumens » dit Ariftote (a), que la Sardaigne eft » une colonie Grecque. Elle étoit autre>> fois très-riche; & Ariftée, dont on » a tant vanté l'amour pour l'agricul»ture, lui donna des lois. Mais elle a » bien déchu depuis; car les Carthagi»nois s'en étant rendus les maîtres » ils y détruifirent tout ce qui pouvoit » la rendre propre à la nourriture des » hommes, & défendirent, fous peine » de la vie, d'y cultiver la terre ». La Sardaigne n'étoit point rétablie du temps. d'Ariftote; elle ne l'eft point encore aujourd'hui.

Les parties les plus tempérées de la Perfe, de la Turquie, de la Mofcovie & de la Pologne, n'ont pu fe rétablir des dévastations des grands & des petits Tartares.

(4) Qu celui qui a écrit le livre de mirabilibus.

CHAPITRE IV.

Nouveaux effets de la fertilité & de la ftérilité du pays.

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A ftérilité des terres rend les hom→

mes industrieux, fobres, endurcis au travail, courageux, propres à la guerre; il faut bien qu'ils fe procurent ce que le terrain leur refufe. La fertilité d'un pays donne, avec l'aifance, la molleffe, & un certain amour pour la confervation de la vie.

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On a remarqué que les troupes d'Allemagne levées dans des lieux où les paylans font riches, comme en Saxe ne font pas fi bonnes que les autres. Les lois militaires pourront pourvoir à cet inconvénient par une plus févere difcipline.

L

CHAPITRE V.

Des peuples des iles.

Es peuples des îles font plus portés à la liberté que les peuples du continent. Les îles font ordinairement d'une

petite

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petite étendue (a); une partie du peuple ne peut pas être fi bien employée à opprimer l'autre ; la mer les fépare des grands empires, & la tyrannie ne peut pas s'y prêter la main, les conquérans font arrêtés par la mer; les infulaires ne font pas enveloppés dans la conquête, & ils confervent plus aifément leurs lois.

CHAPITRE

VI.

Des pays formés par l'induftrie des

hommes.

L Es pays que l'induftrie des hommes a rendus habitables, & qui ont befoin pour exifter de la même industrie, appellent à eux le gouvernement modéré. Il y en a principalement trois de cette efpece; les deux belles provinces de Kiang-nan & Tche-kiang à la Chine, l'Egypte & la Hollande.

Les anciens empereurs de la Chine n'étoient point conquérans. La premiere chofe qu'ils firent pour s'agrandir, fut celle qui prouva le plus leur fageffe. On vit fortir de deffous les eaux les deux

(a) Le Japon déroge à ceci par fa grandeur & par fa fervitude.

Tome II.

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