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moins groffis y forment de moindres barrieres.

La puiffance doit donc être toujours defpotique en Afie. Car fi la fervitude n'y étoit pas extrême, il fe feroit d'abord un partage que la nature du pays ne peut pas fouffrir.

En Europe, le partage naturel forme plufieurs états d'une étendue médiocre, dans lefquels le gouvernement des lois n'eft pas incompatible avec le maintien de l'état au contraire, il y eft fi favorable, que fans elles, cet état tombe dans la décadence, & devient inférieur à tous les autres.

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C'est ce qui y a formé un génie de liberté, qui rend chaque partie très-dif ficile à être fubjuguée & foumife à une force étrangere, autrement que par les lois & l'utilité de fon commerce.

Au contraire, il regne en Afie un efprit de fervitude qui ne l'a jamais quit tée, & dans toutes les hiftoires de ee pays, il n'eft pas poffible de trouver un feul trait qui marque une ame libre on n'y verra jamais que l'héroïfme de la fervitude.

CHAPITRE VII.

De l'Afrique & de l'Amérique.

Vorrar que je

OILA ce que je puis dire fur l'Afie & fur l'Europe. L'Afrique eft dans un climat pareil à celui du midi de l'Afie, & elle est dans une même servitude. L'Amérique (a) détruite & nouvellement repeuplée par les nations de l'Europe & de l'Afrique, ne peut guere aujourd'hui montrer fon propre génie : mais ce que nous favons de fon ancienne hiftoire eft très-conforme à nos principes.

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CHAPITRE VIII.

De la capitale de l'Empire.

NE des conféquences de ce que nous venons de dire, c'eft qu'il eft important à un très-grand prince de bien choifir le fiege de fon empire. Celui qui

(a) Les petits peuples barbares de l'Amérique font appellés Indios bravos, par les Espagnols bien plus difficiles à foumettre que les grands empires du Mexique & du Pérou,

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le placera au midi courra rifque de per dre le nord; & celui qui le placera au nord, confervera aifément le midi. Je ne parle pas des cas particuliers: la mécanique a bien fes frottemens, qui fouvent changent ou arrêtent les effets de la théorie; la politique a auffi les fiens.

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LIVRE

XVIII.

Des Lois dans le rapport qu'elles ont avec la nature du terrain.

CHAPITRE

PREMIER.

Comment la nature du terrain influe fur

les lois.

A bonté des terres d'un pays y éta blit naturellement la dépendance. Les gens de la campagne qui y font la principale partie du peuple, ne font pas fi jaloux de leur liberté: ils font trop occupés & trop pleins de leurs affaires particulieres. Une campagne qui regorge de biens, craint le pillage, elle craint une armée. « Qui eft-ce qui forme le bon parti, difoit Cicéron à Atticus (a)? » Seront-ce les gens de commerce & » de la campagne? à moins que nous » n'imaginions qu'ils font oppofés à la » monarchie, eux, à qui tous les gou» vernemens font égaux, dès-lors qu'ils » font tranquilles ».

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(a) Livre VIL

Ainfi le gouvernement d'un feul fe trouve plus fouvent dans les pays fertiles, & le gouvernement de plufieurs dans les pays qui ne le font pas, ce qui eft quelquefois un dédommagement.

La ftérilité du terrain de l'Attique y établit le gouvernement populaire; & la fertilité de celui de Lacédémone, le gouvernement aristocratique. Car, dans ces temps-là, on ne vouloit point dans la Grece du gouvernement d'un feul : or le gouvernement ariftocratique a plus de rapport avec le gouvernement d'un feul.

Plutarque (a) nous dit que la fédition Cilonienne ayant été appaifée à Athenes, la ville retomba dans fes anciennes diffentions, & fe divifa en autant de partis qu'il y avoit de fortes de territoires dans les pays de l'Attique. Les gens de la montagne vouloient à toute force le gouvernement populaire.; ceux de la plaine demandoient le gouvernement des principaux; ceux qui étoient près de la mer, étoient pour un gouvernement mêlé des deux.

(a) Vie de Solon.

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