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ont dit que Néron avoit ôté le droit du vingt-cinquieme des efclaves qui fe vendoient (a); il n'avoit pourtant fait qu'ordonner que ce feroit le vendeur qui le payeroit, au lieu de l'acheteur: ce réglement qui laiffoit tout l'impôt, parut l'ôter.

Il y a deux royaumes en Europe où l'on a mis des impôts très-forts fur les boiffons: dans l'un le braffeur feul paye le droit ; dans l'autre, il eft levé indifféremment fur tous les fujets qui confomment. Dans le premier, perfonne ne fent la rigueur de l'impôt; dans le fecond, il eft regardé comme onéreux: dans celui-là, le citoyen ne fent que la liberté qu'il y a de ne pas payer; dans celui-ci, il ne fent que la néceffité qui l'y oblige.

D'ailleurs, pour que le citoyen paye, il faut des recherches perpétuelles dans fa maison. Rien n'eft plus contraire à la liberté : & ceux qui établiffent ces fortes d'impôts, n'ont pas le bonheur d'avoir à cet égard rencontré la meilleure forte d'adminiftration.

(a) Veigal quinta & vicefimæ venalium mancipio. rum remiffum fpecie magis quàm vi; quia cùm venditor pendere juberetur in partem pretii, emptoribus accrefcem bat. Tacite, annales, liv. XIII.

CHAPITRE VIII.
Comment on conferve l'illufion.

Por

OUR que le prix de la chofe & le droit puiffe fe confondre dans la tête de celui qui paye, il faut qu'il y ait quelque rapport entre la marchandife & l'impôt, & que, fur une denrée de peu de valeur, on ne mette pas un droit exceffif. Il y a des pays où le droit excede de dix-fept fois la valeur de la marchandise. Pour lors, le prince ôte l'illufion à fes fujets : ils voient qu'ils font conduits d'une maniere qui n'eft pas raifonnable; ce qui leur fait fentir leur fervitude au dernier point.

D'ailleurs, pour que le prince puiffe lever un droit fi difproportionné à la valeur de la chofe, il faut qu'il vende lui-même la marchandise, & que le peuple ne puiffe l'aller acheter ailleurs; ce qui eft fujet à mille inconvéniens.

La fraude étant dans ce cas très-lucrative, la peine naturelle, celle que la raifon demande, qui eft la confifcation de la marchandise, devient incapable de l'arrêter; d'autant plus que cette mar

chandise eft pour l'ordinaire d'un prix très-vil. Il faut donc avoir recours à des peines extravagantes, & pareilles à cellès que l'on inflige pour les plus grands crimes. Toute la proportion des peines eft ôtée. Des gens qu'on ne fauroit regarder comme des hommes méchans, font punis comme des fcélérats; ce qui eft la chofe du monde la plus contrai re à l'efprit du gouvernement modéré.

J'ajoute que plus on met le peuple en occafion de frauder le traitant, plus on enrichit celui-ci, & on appauvrit celuilà. Pour arrêter la fraude, il faut donner aux traitans des moyens de vexations extraordinaires, & tout eft perdu.

CHAPITRE IX.

D'une mauvaise forte d'impôt.

ous parlerons en paffant, d'un impôt établi dans quelques états fur les diverfes claufes des contrats civils. Il faut pour se défendre du traitant, de grandes connoiffances, ces chofes étant fujettes à des difcuffions fubtiles. Pour lors, le traitant, interprete des réglemens du prince, exerce un pouvoir

arbitraire fur les fortunes. L'expérience a fait voir qu'un impôt fur le papier fur lequel le contrat doit s'écrire, vaudroit beaucoup mieux.

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Que la grandeur des tributs dépend de la nature du gouvernement.

L

Es tributs doivent être très-légers dans le gouvernement defpotique. Sans cela, qui eft-ce qui voudroit prendre la peine d'y cultiver les terres ? & de plus, comment payer de gros tributs, dans un gouvernement qui ne fupplée par rien à ce que le fujet a donné?

?

Dans le pouvoir étonnant du prince, & l'étrange foibleffe du peuple, il faut qu'il ne puiffe y avoir d'équivoques fur rien. Les tributs doivent être fi faciles à percevoir, & fi clairement établis qu'ils ne puiffent être augmentés ni diminués par ceux qui les levent : une portion dans les fruits de la terre, une taxe par tête, un tribut de tant pour cent fur les marchandifes, font les feuls convenables.

Il eft bon, dans le gouvernement

defpotique, que les marchands ayent une fauve-garde perfonnelle, & que l'ufage les faffe refpecter: fans cela ils feroient trop foibles dans les difcuffions qu'ils pourroient avoir avec les officiers du prince.

CHAPITRE XI.
Des peines fifcales.

une chofe particuliere aux

C'peines fifcales, que contre la prati

que générale, elles font plus féveres en Europe qu'en Afie. En Europe, on confifque les marchandifes, quelquefois même les vaiffeaux & les voitures; en Afie, on ne fait nì l'un ni l'autre. C'est qu'en Europe, le marchand a des juges qui peuvent le garantir de l'oppreffion; en Afie, les juges defpotiques feroient eux-mêmes les oppreffeurs. Que feroit le marchand contre un bacha qui auroit réfolu de confifquer fes marchandises?

C'eft lavexation qui fe furmonte ellemême, & fe voit contrainte à une certaine douceur. En Turquie, on ne leve qu'un feul droit d'entrée ; après quoi, tout le pays eft ouvert aux marchands.

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