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charmes de la jeuneffe dans les femmes, que, dans un âge avancé, un mari fe porte à la bienveillance par le fouvenir de fes plaifirs.

C'est donc une regle générale, que dans tous les pays où la loi accorde aux hommes la faculté de répudier, elle doit auffi l'accorder aux femmes. Il y a plus dans les climats où les femmes vivent fous un efclavage domeftique, il femble que la loi doive permettre aux femmes la répudiation, & aux maris feulement le divorce.

Lorfque les femmes font dans un férail, le mari ne peut répudier pour caufe d'incompatibilité de mœurs : c'eft la faute du mari, fi les moeurs font incompatibles.

La répudiation pour raifon de la ftérilité de la femme ne fauroit avoir lieu que dans le cas d'une femme unique (a): lorfque l'on a plufieurs femmes, cette raifon n'eft pour le mari d'aucune importance.

La loi des Maldives (b) permet de

(a) Cela ne fignifie pas que la répudiation pour raifon de la ftérilité, foit permife dans le chriftianifme. (b) Voyage de François Pyrard. On la reprend plutôt qu'une autre; parce que, dans ce cas, il faut moins de dépenfes.

cette loi n'eût augmenté le nombre des caufes de répudiation établies par Romulus.

La faculté du divorce fut encore une difpofition, ou du moins une conféquence de la loi des douze tables. Car, dès le moment que la femme ou le mari avoit féparément le droit de répudier, à plus forte raifon pouvoient-ils fe quitter de concert, & par une volonté mutuelle.

La loi ne demandoit point qu'on donnât des causes pour le divorce (a). C'est que, par la nature de la chofe, il faut des caufes pour la répudiation, & qu'il n'en faut point pour le divorce; parce que là où la loi établit des caufes qui peuvent rompre le mariage, l'incompatibilité mutuelle eft la plus forte de toutes.

Denys d'Halicarnaffe (b), Valere-Maxime (c), & Aulugelle (d), rapportent un fait qui ne me paroît pas vraifemblable: ils difent que, quoiqu'on eût à Rome la faculté de répudier fa femme, on eut tant de refpect pour les aufpices, que perfonne, pendant cinq cents vingt ( a ) Juftinien changea cela, novel. 117, ch, x. (b) Liv. II.

(c) Liv. II, chap. ty.
(d) Liv. IV, chap. 111.

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ans

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ans (a), n'ufa de ce droit jufqu'à Carvilius Ruga, qui répudia la fienne pour caufe de ftérilité. Mais il fuffit de connoître la nature de l'efprit humain, pour fentir quel prodige ce feroit, que la loi donnant à tout un peuple un droit pareil, perfonne n'en ufât. Coriolan partant pour fon exil, confeilla (6) à fa femme de fe marier à un homme plus heureux que lui. Nous venons de voir que la loi des douze tables, & les mœurs des Romains, étendirent beaucoup la loi de Romulus. Pourquoi ces extenfions, fi on n'avoit jamais fait ufage de la faculté de répudier? De plus, fi les citoyens eurent un tel refpect pour les aufpices, qu'ils ne répudierent jamais, pourquoi les légiflateurs de Rome en eurent-ils moins? Comment la loi corrompit-elle fans ceffe les moeurs?

En rapprochant deux paffages de Plu tarque, on verra difparoître le merveilleux du fait en question. La loiroyale (c) permettoit au mari de répudier dans les

(a) Selon Denys d'Halicarnaffe & Valere-Maxime ; & 523, felon Aulugelle, Auffi ne mettent-ils pas les mêmes confuls.

(b) Voyez le difcours de Véturie, dans Denya d'Halicarnaffe, liv. VIII.

(c) Plutarque, vie de Romulus.

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trois cas dont nous avons parlé. «< Et » elle vouloit, dit Plutarque (a), que » celui qui répudiroit dans d'autres cas, » fût obligé de donner la moitié de fes » biens à fa femme, & que l'autre moi» tié fût confacrée à Cérès ». On pouvoit donc répudier dans tous les cas, en fe foumettant à la peine. Perfonne ne le fit avant Carvilius Ruga (b); « qui » comme dit encore Plutarque (c), ré» pudia fa femme pour cause de ftérilité, >> deux cents trente ans après Romulus »: c'est-à-dire, qu'il la répudia foixante & onze ans avant la loi des douze tables, qui étendit le pouvoir de répudier, & les caufes de répudiation.

Les auteurs que j'ai cités, difent que Carvilius Ruga aimoit fa femme; mais qu'à caufe de faftérilité, les cenfeurs lui firent faire ferment qu'il la répudieroit, afin qu'il pût donner des enfans à la république; & que cela le rendit odieux au peuple. Il faut connoître le génie du peuple Romain, pour découvrir la vraie

(4) Plutarque, vie de Romulus.

(b) Effectivement, la cause de stérilité n'est point portée par la loi de Romulus. Il y a apparence qu'il ne fut point fujet à la confiscation, puifqu'il fuivoit l'ordre des cenfeurs.

(c) Dans la comparaison de Théfée & de Romulus

caufe de la haine qu'il conçut pour Carvilius. Ce n'eft point parce que Carvilius répudia fa femme, qu'il tomba dans la difgrace du peuple: c'eft une chose dont le peuple ne s'embarraffoit pas. Mais Carvilius avoit fait un ferment aux cenfeurs, qu'attendu la ftérilité de fa femme, il la répudieroit pour donner des enfans à la république. C'étoit un joug que le peuple voyoit que les cenfeurs alloient mettre fur lui. Je ferai voir dans la fuite (a) de cet ouvrage les répugnances qu'il eut toujours pour des ré glemens pareils. Mais d'où peut venir une telle contradiction entre ces auteurs? Le voici: Plutarque a examiné un fait & les autres ont raconté une merveille, (4) Au liv. XXIII. chap. xxI.

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