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les Américains efclaves des Efpagnols; outre qu'ils fumoient du tabac, & qu'ils ne fe faifoient pas la barbe à l'Espagnole. Les connoiffances rendent les hommes doux ; la raison porte à l'humanité : il n'y a que les préjugés qui y faffent

renoncer.

J'AI

CHAPITRE IV. Autre origine du droit de l'efclavage. 'AIMEROIS autant dire que la religion donne à ceux qui la profeffent un droit de réduire en fervitude ceux qui ne la profeffent pas, pour travailler plus aifément à fa propagation.

Ce fut cette maniere de penfer qui encouragea les deftructeurs de l'Amérique dans leurs crimes (a). C'eft fur cette idée 'ils fonderent le droit de rendre tant

qu' de peuples efclaves; car ces brigands, qui vouloient abfolument être brigands & chrétiens, étoient très-dévots.

Louis XIII (b) fe fit une peine extrême de la loi qui rendoit efclaves les Negres

(a) Voyez l'hiftoire de la conquête du Mexique, par Solis; & celle du Pérou, par Garcilaffo de la Vega. (b) Le P. Labat, nouveau voyage aux ifles de l'Amérique, tome IV, pag. 114, 1722, în-12.

de fes colonies: mais, quand on lui eut bien mis dans l'efprit que c'étoit la voie la plus fure pour les convertir, il y confentit.

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CHAPITRE V.

De l'efclavage des Negres.

I j'avois à foutenir le droit que nous avons eu de rendre les Negres efclaves, voici ce que je dirois:

Les peuples d'Europe ayant exterminé ceux de l'Amérique, ils ont dû mettre en esclavage ceux de l'Afrique pour s'en fervir à défricher tant de terres.

Le fucre feroit trop cher, fi l'on ne faifoit travailler la plante qui le produit par des efclaves.

Ceux dont il s'agit font noirs depuis les pieds jufqu'à la tête; & ils ont le nez fi écrafé, qu'il eft prefqu'impoffible de les plaindre.

On ne peut fe mettre dans l'efprit que Dieu, qui eft un Etre très-fage, ait mis une ame, fur-tout une ame bonne, dans un corps tout noir.

Il est fi naturel de penfer que c'eft la couleur qui conftitue l'effence de l'hu

manité, que les peuples d'Afie qui font des eunuques, privent toujours les noirs du rapport qu'ils ont avec nous d'une façon plus marquée.

On peut juger de la couleur de la peau par celle des cheveux, qui, chez les Egyptiens, les meilleurs philofophes du monde, étoient d'une fi grande conféquence, qu'ils faifoient mourir tous les hommes roux qui leur tomboient entre les mains.

Une preuve que les Negres n'ont pas le fens commun, c'eft qu'ils font plus de cas d'un collier de verre, que de l'or, qui, chez les nations policées, est d'une fi grande conféquence.

Il eft impoffible que nous fuppofions que ces gens-là foient des hommes; parce que fi nous les fuppofions des hommes, on commenceroit à croire que nous ne fommes pas nous-mêmes chrétiens.

De petits efprits exagerent trop l'injuftice que l'on fait aux Africains. Car fi elle étoit telle qu'ils le difent, ne feroitil pas venu dans la tête des princes d'Europe, qui font entre eux tant de conventions inutiles, d'en faire une générale en faveur de la miféricorde & de la pitié

CHAPITRE V I.

Véritable origine du droit de l'esclavage. Left temps de chercher la vraie origine du droit de l'esclavage. Il doit être fondé fur la nature des choses: voyons s'il y a des cas où il en dérive.

Dans tout gouvernement defpotique, on a une grande facilité à se vendre; l'esclavage politique y anéantit en quelque façon la liberté civile.

M. Perry (a) dit que les Mofcovites fe vendent très-aifément : j'en fais bien la raison, c'eft que leur liberté ne vaut rien.

A Achim, tout le monde cherche à fe vendre. Quelques-uns des principaux feigneurs (6) n'ont pas moins de mille efclaves, qui font des principaux marchands, qui ont auffi beaucoup d'efclaves fous eux, & ceux-ci beaucoup d'autres on en hérite, & on les fait trafiquer. Dans ces états, les hommes libres, trop foibles contre le gouvernement,

(a) Etat préfent de la grande Russie, par Jean Perry, Paris, 1717, in-12.

(b) Nouveau voyage autour du monde par Guil Laume Dampierre, tome III, Amfterdam, 1711.

cherchent à devenir les efclaves de ceux qui tyrannisent le gouvernement.

C'eft-là l'origine jufte, & conforme à la raifon, de ce droit d'efclavage trèsdoux que l'on trouve dans quelques pays; & il doit être doux, parce qu'il eft fondé fur le choix libre qu'un homme, pour fon utilité, fe fait d'un maître; ce qui forme une convention réciproque entre les deux parties.

CHAPITRE

VII.

Autre origine du droit de l'efclavage.

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OICI une autre origine du droit de l'esclavage, & même de cet efclavage cruel que l'on voit parmi les hommes.

Il y y a des pays où la chaleur énerve le corps, & affoiblit fi fort le courage, que les hommes ne font portés à un devoir pénible que par la crainte du châtiment l'efclavage y choque donc moins la raifon; & le maître y étant auffi lâche à l'égard de fon prince, que. son esclave l'est à fon égard, l'esclavage civil y eft encore accompagné de l'ef

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