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au labourage par cet acte public & folennel.

De plus, l'empereur eft informé chaque année du laboureur qui s'eft le plus diftingué dans fa profeffion; il le fait mandarin du huitieme ordre.

Chez les anciens Perfes (a), le huitieme jour du mois nommé Chorrem-ruz » les rois quittoient leur fafte pour manger avec les laboureurs. Ces inftitutions font admirables pour encourager l'agriculture.

CHAPITRE IX.
Moyens d'encourager l'induftrie.

JE

ferai voir, au livre XIX, que les nations pareffeufes font ordinairement orgueilleufes. On pourroit tourner l'effet contre la caufe, & détruire la pareffe par l'orgueil. Dans le midi de l'Europe, où les peuples font fi frappés par le point d'honneur, il feroit bon de donner des prix aux laboureurs qui auroient le mieux cultivé leurs champs, ou aux ouvriers qui auroient porté plus loin leur induftrie. Cette pratique réuf(a) M. Hyde, religion des Perfes.

Il eft naturel que, là où le vin eft contraire au climat, & par conféquent à la fanté, l'excès en foit plus févérement puni, que dans les pays où l'ivrognerie a peu de mauvais effets pour la perfonne; où elle en a peu pour la fociété; où elle ne rend point les hommes furieux, mais feulement ftupides. Ainfi les lois (a) qui ont puni un homme ivre, & pour la faute qu'il faifoit & pour l'ivreffe n'étoient applicables qu'à l'ivrognerie de la perfonne, & non à l'ivrognerie de la nation. Un Allemand boit par coutume, un Espagnol par choix.

Dans les pays chauds, le relâchement des fibres produit une grande tranfpiration des liquides: mais les parties folides fe diffipent moins. Les fibres, qui n'ont qu'une action très-foible & peu de reffort, ne s'ufent guere ; il faut peu de fuc nourricier pour les réparer : on y mange donc très-peu.

Ce font les différens befoins, dans les différens climats, qui ont formé les différentes manieres de vivre; & ces différentes

(a) Comme fit Pittacus, felon Ariftote, politiq. fiv. II, ch. 111. Il vivoit dans un climat où l'ivrogneris 'eft pas un vice de nation.

différentes manieres de vivre ont formé les diverses fortes de lois. Que, dans une nation, les hommes fe communiquent beaucoup, il faut de certaines lois; il en faut d'autres, chez un peuple où l'on ne fe communique point.

CHAPITRE X I.

Des lois qui ont du rapport aux maladies du climat.

ÉRODOTE (a) nous dit

que les lois

Hdes Juifs fur la lepre ont été tirées

Juifs

de la pratique des Egyptiens. En effet, les mêmes maladies demandoient les mêmes remedes. Ces lois furent inconnues aux Grecs & aux premiers Romains auffi bien que le mal. Le climat de l'Egypte & de la Palestine les rendit néceffaires ; & la facilité qu'a cette maladie à fe rendre populaire, nous doit bien faire fentir la fageffe & la prévoyance de ces lois.

Nous en avons nous-mêmes éprouvé les effets. Les croifades nous avoient apporté la lepre; les réglemens fages (a) Liv. II.

que l'on fit l'empêcherent de gagner maffe du peuple.

la

On voit par la loi (a) des Lombards, que cette maladie étoit répandue en Italie avant les croifades, & mérita l'attention des légiflateurs. Rhotaris ordonna qu'un lépreux, chaffé de fa maifon & relégué dans un endroit particulier, ne pourroit difpofer de fes biens; parce que, dès le moment qu'il avoit été tiré de fa maison, il étoit cenfé mort. Pour empêcher toute communication avec les lépreux, on les rendoit incapables des effets civils.

Je pense que cette maladie fut apportée en Italie par les conquêtes des empereurs Grecs, dans les armées defquels il pouvoit y avoir des milices de la Paleftine ou de l'Egypte. Quoi qu'il en foit, les progrès en furent arrêtés jufqu'au temps des croifades.

On dit que les foldats de Pompée revenant de Syrie, rapporterent une maladie à peu près pareille à la lepre. Aucun réglement, fait pour lors, n'eft venu jufqu'à nous: mais il y a apparence qu'il y en eut, puifque ce mal fut fufpendu jufqu'au temps des Lombards.

(4) Liv. II, tit. 1, §. 3; & tit. 18, §. 1.

Il y a deux fiecles qu'une maladie, inconnue à nos peres, paffa du nouveau monde dans celui-ci, & vint attaquer la nature humaine jufque dans la fource de la vie & des plaifirs. On vit la plupart des plus grandes familles du midi de l'Europe périr par un mal qui devint trop commun pour être honteux, & ne fut plus que funefte. Ce fut la foif de l'or qui perpétua cette maladie : on alla fans ceffe en Amérique, & on en rapporta toujours de nouveaux levains.

Des raifons pieufes voulurent demander qu'on laifsât cette punition fur le crime: mais cette calamité étoit entrée dans le fein du mariage, & avoit déjà corrompu l'enfance même.

Comme il eft de la fageffe des légiflateurs de veiller à la fanté des citoyens, il eût été très-fenfé d'arrêter cette communication par des lois faites fur le plan des lois Mofaïques.

La pefte est un mal dont les ravages font encore plus prompts & plus rapides. Son fiege principal eft en Egypte, d'où elle fe répand par tout l'univers On a fait dans la plupart des états de l'Europe de très-bons réglemens pour l'empêcher d'y pénétrer; & on a ima

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