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CHAPITRE VIL
Des ouvrages des hommes.

ES hommes, par leurs foins & par

LE

de bonnes lois, ont rendu la terre plus propre à être leur demeure. Nous voyons couler des rivieres là où étoient des lacs & des marais : c'eft un bien que la nature n'a point fait, mais qui est entretenu par la nature. Lorsque les Perfes (a) étoient les maîtres de l'Afie, ils permettoient à ceux qui ameneroient de l'eau de fontaine en quelque lieu qui n'auroit point été encore arrofé, d'en jouir pendant cinq générations; & comme il fort quantité de ruiffeaux du mont Taurus, ils n'épargnerent aucune dépenfe pour en faire venir de l'eau. Aujourd'hui, fans favoir d'où elle peut venir, on la trouve dans fes champs & dans fes jardins.

Ainfi, comme les nations deftru&trices font des maux qui durent plus qu'elles, il y a des nations industrieufes qui font des biens qui ne finiffent pas même avec elles.

(a) Polybe, liv. X

CHAPITRE

VII L

Rapport général des lois.

IES lois ont un très-grand rapport

avec la façon dont les divers peuples fe procurent la fubfiftance. Il faut un code de lois plus étendu pour un peuple qui s'attache au commerce & à la mer, que pour un peuple qui fe contente de cultiver fes terres. Il en faut un plus grand pour celui-ci, que pour un peutple qui vit de fes troupeaux. Il en faut un plus grand pour ce dernier, 'que pour un peuple qui vit de fa chaffe,

CHAPITRE IX.
Du terrain de l'Amérique,

CE qui fait qu'il y a tant de nations

fauvages en Amérique, c'eft que la terre y produit d'elle-même beaucoup de fruits dont on peut fe nourrir. Si les femmes y cultivent autour de la cabane un morceau de terre, le maïs y vient d'abord. La chaffe & la pêche achevent de mettre les hommes dans l'abondance.

De plus, les animaux qui paiffent,

comme les boeufs, les buffles, &c. y réuffiffent mieux que les bêtes carnaffieres. Celles-ci ont eu de tout temps l'empire de l'Afrique.

Je crois qu'on n'auroit point tous ces avantages en Europe, fi l'on y laiffoit la terre inculte; il n'y viendroit guere que des forêts, des chênes & autres arbres ftériles.

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Du nombre des hommes, dans le rapport avec la maniere dont ils fe procurent la Subfiftance.

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UAND les nations ne cultivent pas les terres, voici dans quelle proportion le nombre des hommes s'y trouve. Comme le produit d'un terrain inculte eft au produit d'un terrain cultivé; de même le nombre des fauvages dans un pays, eft au nombre des labou reurs dans un autre: & quand le peuple qui cultive les terres, cultive auffi les Carts, cela fuit des proportions qui demanderoient bien des détails.

Ils ne peuvent guere former une grande nation. S'ils font pafteurs, ils

ont befoin d'un grand pays, pour qu'ils puiffent fubfifter en certain nombre: s'ils font chaffeurs, ils font encore en plus petit nombre; & forment, pour vivre, une plus petite nation.

Leur pays eft ordinairement plein de forêts; & comme les hommes n'y ont point donné de cours aux eaux, il eft rempli de marécages, où chaque troupe fe cantonne & forme une petite nation.

CHAPITRE XI.

Des peuples fauvages, & des peuples

barbares.

L y a cette différence entre les peuples fauvages & les peuples barbares, que les premiers font de petites nations difperfées, qui, par quelques raifons particulieres, ne peuvent pas fe réunir, au

lieu

que les barbares font ordinairement de petites nations qui fe peuvent réunir. Les premiers font ordinairement des peuples chaffeurs; les feconds, des peuples pafteurs. Cela fe voit bien dans le nord de l'Afie. Les peuples de la Sibé rie ne fauroient vivre en corps, parce qu'ils ne pourroient fe nourrir les Tar

tares peuvent vivre en corps pendant quelque temps, parce que leurs troupeaux peuvent être raffemblés pendant quelque temps. Toutes les hordes peu vent donc fe réunir; & cela fe fait lorf qu'un chef en a foumis beaucoup d'autres: après quoi, il faut qu'elles faffent de deux chofes l'une, qu'elles fe féparent, ou qu'elles aillent faire quelque grande conquête dans quelque empire du midi.

CHAPITRE

XII.

Du droit des gens, chez les peuples qui ne cultivent point les terres.

ES peuples ne vivant pas dans un terrain limité & circonfcrit, auront entre eux bien des fujets de querelle; ils fe difputeront la terre inculte, comme, parmi nous, les citoyens fe difputent les héritages. Ainfi ils trouveront de fré quentes occafions de guerre pour leurs chaffes, pour leurs pêches, pour la nourriture de leurs beftiaux, pour l'enlèvement de leurs efclaves; & n'ayant point de territoire, ils auront autant de chofes à régler par le droit des gens, qu'ils en auront peu à décider par le droit civil

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