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regarde comme un prodige de vertu, de fe trouver feul dans un appartement reculé avec une femme, fans lui faire violence.

CHAPITRE IX.

Liaifon du gouvernement domeftique avec le politique.

Ddes citoyens eft bornée, égale,

ANS une république, la condition.

douce, modérée; tout s'y reffent de la liberté publique. L'empire fur les femmes n'y pourroit pas être fi bien exercé; & lorsque le climat a demandé cet empire, le gouvernement d'un feul a été le plus convenable. Voilà une des raifons qui a fait que le gouvernement populaire a toujours été difficile à établir en orient.

Au contraire, la fervitude des femmes est très-conforme au génie du gouvernement defpotique, qui aime à abufer de tout. Auffi a-t-on vu dans tous les temps, en Afie, marcher d'un pas égal la fervitude domeftique & le gouvernement defpotique.

Dans un gouvernement où l'on de

mande fur-tout la tranquillité, & où la fubordination extrême s'appelle la paix, il faut enfermer les femmes; leurs intrigues feroient fatales au mari. Un gouvernement qui n'a pas le temps d'examiner la conduite des fujets, la tient pour fufpecte, par cela feul qu'elle paroît & qu'elle fe fait fentir.

Suppofons un moment que la légéreté d'efprit & les indifcrétions, les goûts & les dégoûts de nos femmes, leurs paffions grandes & petites, fe trouvaffent tranfportées dans un gouvernement d'orient, dans l'activité & dans cette liberté où elles font parmi nous; quel eft le pere de famille qui pourroit être un moment tranquille ? Par-tout des gens fufpects, par-tout des ennemis; l'état feroit ébranlé, on verroit couler des flots de fang.

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Principe de la morale de l'orient.

ANS le cas de la multiplicité des femmes, plus la famille ceffe d'être une, plus les lois doivent réunirà - un centre ces parties détachées; & plus

les intérêts font divers, plus il eft bon que les lois les ramenent à un intérêt.

Cela fe fait fur-tout par la clôture. Les femmes ne doivent pas feulement être féparées des hommes par la clôture de la maison; mais elles en doivent encore être féparées dans cette même clôture, en forte qu'elles y faffent comme une famille particuliere dans la famille. De là dérive pour les femmes toute la pratique de la morale, la pudeur, la chafteté, la retenue, le filence, la paix la dépendance, le refpect, l'amour; enfin une direction générale de fentimens à la chofe du monde la meilleure par fa nature, qui eft l'attachement unique à fa famille.

Les femmes ont naturellement à remplir tant de devoirs qui leur font propres, qu'on ne peut affez les féparer de tout ce qui pourroit leur donner d'autres idées, de tout ce qu'on traite d'amufemens, & de tout ce qu'on appelle des affaires.

On trouve des moeurs plus pures dans les divers états d'orient, à proportion que la clôture des femmes y eft plus exacte. Dans les grands états, il y a néceffairement de grands feigneurs. Plus

ils ont de grands moyens, plus ils font en état de tenir les femmes dans une exacte clôture, & de les empêcher de rentrer dans la fociété. C'eft pour cela que, dans les empires du Turc, de Perfe, du Mogol, de la Chine & du Japon, les mœurs des femmes font admirables.

On ne peut pas dire la même chofe des Indes, que le nombre infini d'ifles, & la fituation du terrain, ont divifées en une infinité de petits états, que le grand nombre des caufes que je n'ai pas le temps de rapporter ici rendent defpotiques.

Là, il n'y a que des miférables qui pillent, & des miférables qui font pillés. Ceux qu'on appelle des grands, n'ont que de très-petits moyens; ceux que l'on appelle des gens riches, n'ont guere que leur fubfiftance. La clôture des femmes n'y peut être auffi exacte; l'on n'y peut pas prendre d'auffi grandes précautions pour les contenir; la corruption de leurs moeurs y eft inconcevable.

C'eft-là qu'on voit jufqu'à quel point les vices du climat, laiffés dans une grande liberté, peuvent porter le dé

fordre. C'est-là que la nature a une force, & la pudeur une foibleffe qu'on ne peut comprendre. A Patane (a), la lubricité (b) des femmes eft fi grande, que les hommes font contraints de fe faire de certaines garnitures pour fe mettre à l'abri de leurs entreprises. Selon M. Smith (c), les chofes ne vont pas mieux dans les petits royaumes de Guinée. Il femble que, dans ces pays-là, les deux fexes perdent jufqu'à leurs propres lois.

(a) Recueil des voyages qui ont fervi à l'établiffement de la compagnie des Indes, tom. II, partie II, pag. 196.

(b) Aux Maldives, les peres marient leurs filles à dix & onze ans; parce que c'eft un grand péché, difent-ils, de leur laiffer endurer néceffité d'hommes. Voyages de François Pyrard, chap. XII. A Bantam, fi-tôt qu'une fille a treize ou quatorze ans, il faut la marier, fi l'on ne veut qu'elle mene une vie débordée Recueil des voyages qui ont fervi à l'établissement de la compagnie des Indes, pag. 348.

(c) Voyage de Guinée, feconde partie, pag. 192 de la traduction. » Quand les femmes, dit-il, ren» contrent un homme, elles le faififfent, & le mena" cent de le dénoncer à leur mari, s'il les méprise. "Elles fe gliffent dans le lit d'un homme, elles le » réveillent; & s'il les refufe, elles le menacent de fe laiffer prendre fur le fait «<.

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