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leurs, destructeurs, pour ne pas paroître conquérants, ruinèrent Carthage et Corinthe; et, par une telle pratique, ils se seroient peut-être perdus, s'ils n'avoient pas conquis toute la terre. Quand les rois de Pont se rendirent maîtres des colonies grecques du Pont-Euxin, ils n'eurent garde de détruire ce qui devoit être la cause de leur grandeur.

1. Dans les Considérations sur les causes de la grandeur des Romains. (M.) Le chapitre vi est consacré à Mithridate.

DU GENIE DES ROMAINS POUR LA MARINE.

Les Romains ne faisoient cas que des troupes de terre, dont l'esprit étoit de rester toujours ferme, de combattre au même lieu, et d'y mourir. Ils ne pouvoient estimer la pratique des gens de mer, qui se présentent au combat, fuient, reviennent, évitent toujours le danger, emploient souvent la ruse, rarement la force. Tout cela n'étoit point du génie des Grecs', et étoit encore moins de celui des Romains.

Ils ne destinoient donc à la marine que ceux qui n'étoient pas des citoyens assez considérables pour avoir place dans les légions : les gens de mer étoient ordinairement des affranchis.

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Nous n'avons aujourd'hui ni la même estime pour les troupes de terre, ni le même mépris pour celles de mer. Chez les premières l'art est diminué; chez les secondes il est augmenté: or, on estime les choses à proportion du degré de suffisance qui est requis pour les bien faire.

1. Comme l'a remarqué Platon, liv. IV des Lois. (M.)

2. Polybe, liv. V. (M.)

3. Voyez les Considerations sur les causes de la grandeur des Romains, etc., c. iv. (M.)

4. Ibid. (M.)

5. Sup. XX, XXII, note 3.

DU GENIE DES ROMAINS POUR LE COMMERCE.

On n'a jamais remarqué aux Romains de jalousie sur le commerce. Ce fut comme nation rivale, et non comme nation commerçante, qu'ils attaquèrent Carthage. Ils favorisèrent les villes qui faisoient le commerce, quoiqu'elles ne fussent pas sujettes: ainsi ils augmentèrent, par la cession de plusieurs pays, la puissance de Marseille. Ils craignoient tout des barbares, et rien d'un peuple négociant. D'ailleurs, leur génie, leur gloire, leur éducation militaire, la forme de leur gouvernement, les éloignoient du commerce.

Dans la ville, on n'étoit occupé que de guerres, d'élections, de brigues et de procès; à la campagne, que d'agriculture; et dans les provinces, un gouvernement dur et tyrannique étoit incompatible avec le commerce.

Que si leur constitution politique y étoit opposée, leur droit des gens n'y répugnoit pas moins. « Les peuples, dit le jurisconsulte Pomponius ', avec lesquels nous n'avons ni amitié, ni hospitalité, ni alliance, ne sont point nos ennemis: cependant, si une chose qui nous appartient tombe entre leurs mains, ils en sont propriétaires, les hommes

1. Leg. 5, S. 2, ff. de captivis. (M.)

libres deviennent leurs esclaves; et ils sont dans les mêmes termes à notre égard. »

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Leur droit civil n'étoit pas moins accablant. La loi de Constantin, après avoir déclaré bâtards les enfants des personnes viles qui se sont mariées avec celles d'une condition relevée, confond les femmes qui ont une boutique 1 de marchandises avec les esclaves, les cabaretières, les femmes de théâtres, les filles d'un homme qui tient un lieu de prostitution, ou qui a été condamné à combattre sur l'arène. Ceci descendoit des anciennes institutions des Romains.

Je sais bien que des gens pleins de ces deux idées : l'une, que le commerce est la chose du monde la plus utile à un État, et l'autre, que les Romains avoient la meilleure police du monde, ont cru qu'ils avoient beaucoup encouragé et honoré le commerce; mais la vérité est qu'ils y ont rarement pensé 2.

1. Quæ mercimoniis publice præfuit. Leg. 1, cod. de natural liberis. (M.) 2. C'est à l'abbé de Saint-Pierre que s'adresse cette réfutation.

COMMERCE DES ROMAINS AVEC LES BARBARES.

Les Romains avaient fait de l'Europe1, de l'Asie et de l'Afrique, un vaste empire: la foiblesse des peuples et la tyrannie du commandement unirent toutes les parties de ce corps immense. Pour lors, la politique romaine fut de se séparer de toutes les nations qui n'avoient pas été assujéties la crainte de leur porter l'art de vaincre fit négliger l'art de s'enrichir. Ils firent des lois pour empêcher tout commerce avec les Barbares. «Que personne, disent Valens et Gratien, n'envoie du vin, de l'huile ou d'autres liqueurs aux Barbares, même pour en goûter. Qu'on ne leur porte point de l'or 3, ajoutent Gratien, Valentinien et Théodose, et que même ce qu'ils en ont, on le leur ôte avec finesse.» Le transport du fer fut défendu sous peine de la vie.

Domitien, prince timide, fit arracher les vignes dans la Gaule, de crainte sans doute que cette liqueur n'y

1. A. B. Les Romains firent de l'Europe, etc.

2. Leg. ad Barbaricum, cod. quæ res exportari non debeant. (M.) 3. Leg. 2, cod. de commerc. et mercator. (M.)

4. Leg. 2, quæ res exportari non debeant.

5. Procope, Guerre des Perses, liv. I. (M.) Suétone, Domitien, c. vii, parle de toutes les provinces, et suppose une toute autre intention à l'Empereur. Ad summam quondam ubertatem vini, frumenti vero inopiam

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