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DU COMMERCE DES ANCIENS.

Les trésors immenses de1 Sémiramis, qui ne pouvoient avoir été acquis en un jour, nous font penser que les Assyriens avoient eux-mêmes pillé d'autres nations riches, comme les autres nations les pillèrent après.

L'effet du commerce sont les richesses; la suite des richesses, le luxe; celle du luxe, la perfection des arts. Les arts, portés au point où on les trouve du temps de Sémiramis, nous marquent un grand commerce déjà établi.

Il y avoit un grand commerce de luxe dans les empires d'Asie. Ce seroit une belle partie de l'histoire du commerce que l'histoire du luxe; le luxe des Perses étoit celui des Mèdes, comme celui des Mèdes étoit celui des Assyriens.

Il est arrivé de grands changements en Asie. La partie de la Perse qui est au nord-est, l'Hyrcanie, la Margiane, la Bactriane, etc., étoient autrefois pleines de villes florissantes qui ne sont plus; et le nord de cet empire, c'est-à-dire l'isthme qui sépare la mer Caspienne du

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1. Diodore, liv. II. (M.)

2. Diodore, liv. II, c. vII, VIII, IX. (M.)

3. Voyez Pline, livre VI, c. xvi; et Strabon, liv. XI. (M.)

4. Strabon, liv. XI. (M.)

Pont-Euxin, étoit couvert de villes et de nations qui ne sont plus encore1.

que

Eratosthène et Aristobule tenoient de Patrocle 3 2 les marchandises des Indes passoient par l'Oxus dans la mer du Pont. Marc Varron nous dit que l'on apprit, du temps de Pompée dans la guerre contre Mithridate, que l'on alloit en sept jours de l'Inde dans le pays des Bactriens, et au fleuve Icarus, qui se jette dans l'Oxus; que par là les marchandises de l'Inde pouvoient traverser la mer Caspienne, entrer de là dans l'embouchure du Cyrus; que de ce fleuve il ne falloit qu'un trajet par terre de cinq jours pour aller au Phase, qui conduisoit dans le Pont-Euxin. C'est sans doute par les nations qui peuploient ces divers pays, que les grands empires des Assyriens, des Mèdes, et des Perses, avoient une communication avec les parties de l'Orient et de l'Occident les plus reculées.

Cette communication n'est plus. Tous ces pays ont été dévastés par les Tartares, et cette nation destructrice les habite encore pour les infester. L'Oxus ne va

1. C'est-à-dire qui ont également disparu.

2. Strabon, liv. XI. (M.)

3. L'autorité de Patrocle est considérable, comme il paroit par un récit de Strabon, liv. II. (M.)

4. Dans Pline, liv. VI, c. xvII. Voyez aussi Strabon, liv. XI, sur le trajet des marchandises du Phase au Cyrus. (M.)

5. Il faut que, depuis le temps de Ptolomée, qui nous décrit tant de rivières qui se jettent dans la partie orientale de la mer Caspienne, il y ait eu de grands changements dans ce pays. La carte du czar ne met de ce côté-là que la rivière d'As rabat; et celle de M. Bathalsi, rien du tout. a. (M.)

a A. B. rédigent ainsi cette note: De là vient que ceux qui nous ont décrit ces pays depuis les Tartares, les ont entièrement défigurés. La carte de la mer Caspienne, faite de nos jours par les ordres du czar Pierre ler, a découvert les erreurs énormes de nos cartes modernes sur la figure de la mer Caspienne, et elle se trouve conforme à ce que les anciens en avoient dit. Voyez Pline, liv. VI, chap. xII.

plus à la mer Caspienne : les Tartares l'ont détourné pour des raisons particulières1; il se perd dans des sables arides.

Le Jaxarte, qui formoit autrefois une barrière entre les nations policées et les nations barbares, a été tout de même détourné par les Tartares, et ne va plus jusqu'à la mer.

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Seleucus Nicator forma le projet de joindre le PontEuxin à la mer Caspienne. Ce dessein, qui eût donné bien des facilités au commerce qui se faisoit dans ce temps-là, s'évanouit à sa mort. On ne sait s'il auroit pu l'exécuter dans l'isthme qui sépare les deux mers. Ce pays est aujourd'hui très-peu connu; il est dépeuplé et plein de forêts. Les eaux n'y manquent pas, car une infinité de rivières y descendent du mont Caucase; mais ce Caucase, qui forme le nord de l'isthme, et qui étend des espèces de bras au midi, auroit été un grand obstacle, surtout dans ces temps-là, où l'on n'avoit point l'art de faire des écluses.

On pourroit croire que Séleucus vouloit faire la jonction des deux mers dans le lieu même où le czar Pierre I' l'a faite depuis, c'est-à-dire dans cette langue de terre où le Tanaïs s'approche du Volga; mais le nord de la mer Caspienne n'étoit pas encore découvert.

Pendant que, dans les empires d'Asie il y avoit un commerce de luxe, les Tyriens faisoient par toute la terre un commerce d'économie. Bochard a employé le premier

1. Voyez la relation de Genkinson, dans le Recueil des voyages du Nord, t. IV. (M.)

2. Je crois que de là s'est formé le lac Aral. (M.)

3. Claude César, dans Pline, liv. VI, c. xI. (M.)

4. Il fut tué par Ptolomée Ceranus. (M.)

5. Voyez Strabon, liv. XI. (M.)

6. Samuel Bochart, savant orientaliste français, 1599-1664. Ses œuvres ont été réunies en trois volumes in-fo. Leyde, 1712.

livre de son Chanaan à faire l'énumération des colonies qu'ils envoyèrent dans tous les pays qui sont près de la mer; ils passèrent les colonnes d'Hercule, et firent dest établissements 1 sur les côtes de l'Océan.

Dans ces temps-là, les navigateurs étoient obligés de suivre les côtes, qui étoient, pour ainsi dire, leur boussole. Les voyages étoient longs et pénibles. Les travaux de la navigation d'Ulysse ont été un sujet fertile pour le plus beau poëme du monde 2, après celui qui est le premier de tous 3.

Le peu de connoissance que la plupart des peuples avoient de ceux qui étoient éloignés d'eux, favorisoit les nations qui faisoient le commerce d'économie. Elles mettoient dans leur négoce les obscurités qu'elles vouloient : elles avoient tous les avantages que les nations intelligentes prennent sur les peuples ignorants.

L'Égypte, éloignée par la religion et par les mœurs de toute communication avec les étrangers, ne faisoit guère de commerce au dehors: elle jouissoit d'un terrain fertile et d'une extrême abondance. C'étoit le Japon de ces temps-là; elle se suffisoit à elle-même.

Les Égyptiens furent si peu jaloux du commerce du dehors, qu'ils laissèrent celui de la mer Rouge à toutes les petites nations qui y eurent quelque port. Ils souffrirent que les Iduméens, les Juifs et les Syriens y eussent des flottes. Salomon employa à cette navigation des Tyriens qui connoissoient ces mers.

1. Ils fondèrent Tartèse, et s'établirent à Cadix. (M.)

2. L'Odyssée.

3. L'Iliade.

4. A. B. Les Égyptiens furent si peu jaloux du commerce, qu'ils laissèrent, etc.

5. Liv. III des Rois, c. ix, v. 26; Paralip., liv. II, c. vi, v. 17. (M.)

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Josephe dit que sa nation, uniquement occupée de l'agriculture, connoissoit peu la mer aussi ne fut-ce que par occasion que les Juifs négocièrent dans la mer Rouge. Ils conquirent, sur les Iduméens, Elath et Asiongaber, qui leur donnèrent ce commerce: ils perdirent ces deux villes, et perdirent ce commerce aussi.

Il n'en fut pas de même des Phéniciens : ils ne faisoient pas un commerce de luxe : ils ne négocioient point par la conquête leur frugalité, leur habileté, leur industrie, leurs périls, leurs fatigues, les rendoient nécessaires à toutes les nations du monde.

Les nations voisines de la mer Rouge ne négocioient que dans cette mer et celle d'Afrique. L'étonnement de l'univers à la découverte de la mer des Indes, faite sous Alexandre, le prouve assez. Nous avons dit qu'on porte toujours aux Indes des métaux précieux, et que l'on n'en rapporte point: les flottes juives qui rapportoient par la mer Rouge de l'or et de l'argent, revenoient d'Afrique, et non pas des Indes.

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Je dis plus cette navigation se faisoit sur la côte orientale de l'Afrique; et l'état où étoit la marine pour lors, prouve assez qu'on n'alloit pas dans des lieux bien

reculés.

Je sais que les flottes de Salomon et de Jozaphat ne revenoient que la troisième année; mais je ne vois pas

1. Contre Appion. (M.)

2. A. B. Avant Alexandre les nations voisines, etc.

3. A. B. Faite sous ce conquérant.

4. Au chap. I de ce livre (M). A. B. : J'ai dit qu'on porte, etc.

5. La proportion établie en Europe entre l'or et l'argent peut quelquefois faire trouver du profit à prendre dans les Indes de l'or pour de l'argent; mais c'est peu de chose. (M.) Cette note n'est pas dans A. B.

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