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CONTINUATION DU MÊME SUJET.

Quand un peuple a de bonnes mœurs, les lois deviennent simples. Platon1 dit que Rhadamanthe, qui gouvernoit un peuple extrêmement religieux, expédioit tous les procès avec célérité, déférant seulement le serment sur chaque chef. Mais, dit le même Platon, quand un peuple n'est pas religieux, on ne peut faire usage du serment que dans les occasions où celui qui jure est sans intérêt, comme un juge et des témoins.

1. Des lois, livre XII (M.)

2. Ibid. (M.)

COMMENT LES LOIS SUIVENT LES MOEURS.

Dans le temps que les mœurs des Romains étoient pures, il n'y avoit point de loi particulière contre le péculat. Quand ce crime commença à paroître, il fut trouvé si infàme, que d'être condamné à restituer1 ce qu'on avoit pris, fut regardé comme une grande peine: témoin le jugement de L. Scipion 2.

1. In simplum. (M.)

2. Tite-Live, liv. XXXVIII, c. I. (M.)

CONTINUATION DU MEME SUJET.

Les lois qui donnent la tutelle à la mère ont plus d'attention à la conservation de la personne du pupille; celles qui la donnent au plus proche héritier ont plus d'attention à la conservation des biens. Chez les peuples dont les mœurs sont corrompues, il vaut mieux donner la tutelle à la mère. Chez ceux où les lois doivent avoir de la confiance dans les mœurs des citoyens, on donne la tutelle à l'héritier des biens, ou à la mère, et quelquefois à tous.

les deux.

Si l'on réfléchit sur les lois romaines, on trouvera que leur esprit est conforme à ce que je dis. Dans le temps où l'on fit la loi des Douze Tables, les mœurs à Rome étoient admirables. On déféra la tutelle au plus proche parent du pupille, pensant que celui-là devoit avoir la charge de la tutelle, qui pouvoit avoir l'avantage de la succession'. On ne crut point la vie du pupille en danger, quoiqu'elle fût mise entre les mains de celui à qui sa mort devoit être utile. Mais, lorsque les mœurs changèrent à Rome, on vit les législateurs changer aussi de façon de penser. « Si, dans la

1. On donnait la tutelle au plus proche parent par les màles; comment l'aurait-on donné à la mère, en un temps où toutes les femmes étaient soumises à une tutelle perpétuelle ?

substitution pupillaire, disent Caïus et Justinien, le testateur craint que le substitué ne dresse des embûches au pupille, il peut laisser à découvert la substitution vulgaire 3, et mettre la pupillaire dans une partie du testament qu'on ne pourra ouvrir qu'après un certain temps. » Voilà des craintes et des précautions inconnues aux premiers Romains.

1. Instit., liv. II, tit. vi, § 2; la compilation d'Ozel, à Leyde, 1658. (M.) 2. Instit., liv. II, de pupil. substit., § 3. (M.)

3. La substitution vulgaire est : Si un tel ne prend pas l'hérédité, je lui substitue, etc. L pupillaire est : Si un tel meurt avant sa puberté, je lui substitue, etc. (M.)

CONTINUATION DU MÊME SUJET.

La loi romaine donnoit la liberté de se faire des dons avant le mariage; après le mariage elle ne le permettoit plus. Cela étoit fondé sur les mœurs des Romains, qui n'étoient portés au mariage que par la frugalité, la simplicité et la modestie, mais qui pouvoient se laisser séduire par les soins domestiques, les complaisances et le bonheur de toute une vie.

La loi des Wisigoths1 vouloit que l'époux ne pût donner à celle qu'il devoit épouser, au delà du dixième de ses biens, et qu'il ne pût lui rien donner la première année de son mariage. Cela venoit encore des mœurs du pays. Les législateurs vouloient arrêter cette jactance espagnole, uniquement portée à faire des libéralités excessives dans une action d'éclat.

Les Romains, par leurs lois, arrêtèrent quelques inconvénients de l'empire du monde le plus durable, qui est celui de la vertu : les Espagnols, par les leurs, vouloient empêcher le mauvais effet de la tyrannie du monde la plus fragile, qui est celle de la beauté.

1. Liv. III, tit. 1, § 5. (M.)

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