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Hollande, que la nature a faite pour avoir attention sur elle-même, et non pas pour être abandonnée à la noncha lance ou au caprice.

Ainsi, malgré le climat de la Chine, où l'on est naturellement porté à l'obéissance servile, malgré les horreurs qui suivent la trop grande étendue d'un empire, les premiers législateurs de la Chine furent obligés de faire de très-bonnes lois, et le gouvernement fut souvent obligé de les suivre 1.

1. Ce n'est donc pas le climat, mais la forme du gouvernement qui a décidé entre la servitude et la liberté. (Luzac.)

DES OUVRAGES DES HOMMES.

Les hommes, par leurs soins et par de bonnes lois, ont rendu la terre plus propre à être leur demeure. Nous voyons couler les rivières là où étoient des lacs et des marais; c'est un bien que la nature n'a point fait, mais qui est entretenu par la nature. Lorsque les Perses 1 étoient les maîtres de l'Asie, ils permettoient à ceux qui amèneroient de l'eau de fontaine en quelque lieu qui n'auroit point été encore arrosé, d'en jouir pendant cinq générations; et comme il sort quantité de ruisseaux du mont Taurus, ils n'épargnèrent aucune dépense pour en faire venir de l'eau. Aujourd'hui, sans savoir d'où elle peut venir, on la trouve dans ses champs et dans ses jardins.

Ainsi, comme les nations destructrices font des maux qui durent plus qu'elles, il y a des nations industrieuses qui font des biens qui ne finissent pas même avec elles 2.

1. Polybe, liv. X, ch. xxv. (M.)

2. C'est ce qu'on peut dire des Arabes d'Espagne qui laissèrent après eux tout un système d'irrigation qui fait encore aujourd'hui la fortune de Valence, de Grenade et de Murcie.

RAPPORT GÉNÉRAL DES LOIS.

Les lois ont un très-grand rapport avec la façon dont les divers peuples se procurent la subsistance. Il faut un code de lois plus étendu pour un peuple qui s'attache au commerce et à la mer, que pour un peuple qui se contente de cultiver ses terres. Il en faut un plus grand pour celui-ci que pour un peuple qui vit de ses troupeaux. Il en faut un plus grand pour ce dernier que pour un peuple qui vit de sa chasse 1.

1. En d'autres termes, plus un peuple est riche, plus ses besoins sont compliqués, plus il faut de lois pour régler la multiplicité et la diversité des intérêts. Ce n'est pas tant la subsistance que la façon de vivre qui décide du nombre des lois.

DU TERRAIN DE L'AMÉRIQUE.

Ce qui fait qu'il y a tant de nations sauvages en Amérique, c'est que la terre y produit d'elle-même beaucoup de fruits dont on peut se nourrir. Si les femmes y cultivent autour de la cabane un morceau de terre, le maïs y vient d'abord. La chasse et la pêche achèvent de mettre les hommes dans l'abondance 1. De plus, les animaux qui paissent, comme les bœufs, les buffles, etc., y réussissent mieux que les bêtes carnassières. Celles-ci ont eu de tout temps l'empire de l'Afrique 2.

Je crois qu'on n'auroit point tous ces avantages en Europe, si l'on y laissoit la terre inculte; il n'y viendroit guère que des forêts, des chênes et autres arbres stériles.

1. De Paw, dans ses Recherches sur les Américains, t. I, p. 90, fait observer avec raison que dans ce chapitre Montesquieu suppose comme vrai ce qui est faux, et en tire une conclusion démentie par les faits. Les indigènes de l'Amérique du Nord mènent une vie des plus rudes et y sont décimés par la faim. Si la vie eût été aussi facile que le suppose l'auteur de l'Esprit des lois, les peuplades seraient devenues de grands peuples, et l'Amérique serait devenue le siége d'un grand empire.

2. A. B. n'ont pas cette dernière phrase.

DU NOMBRE DES HOMMES

DANS LE RAPPORT AVEC LA MANIÈRE

DONT ILS SE PROCURENT LA SUBSISTANCE.

Quand les nations ne cultivent pas les terres, voici dans quelle proportion le nombre des hommes s'y trouve. Comme le produit d'un terrain inculte est au produit d'un terrain cultivé, de même le nombre des sauvages, dans un pays, est au nombre des laboureurs dans un autre; et quand le peuple qui cultive les terres, cultive aussi les arts', cela suit des proportions qui demanderoient bien des détails 2.

Ils ne peuvent guère former une grande nation. S'ils sont pasteurs, ils ont besoin d'un grand pays pour qu'ils puissent subsister en certain nombre; s'ils sont chasseurs, ils sont encore en plus petit nombre, et forment, pour vivre, une plus petite nation.

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Leur pays est ordinairement plein de forêts; et comme les hommes n'y ont point donné de cours aux eaux, il est rempli de marécages, où chaque troupe se cantonne et forme une petite nation.

1. L'industrie.

2. A. B. Cultive aussi les arts, le nombre des sauvages est au nombre de ce peuple, en raison composée du nombre des sauvages à celui des laboureurs, et du nombre des laboureurs à celui des hommes qui cultivent les arts.

3. A. Mais les hommes, etc.

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