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COMMENT LES LOIS DE LA SERVITUDE POLITIQUE

ONT DU RAPPORT

AVEC LA NATURE DU CLIMAT.

CHAPITRE PREMIER.

DE LA SERVITUDE POLITIQUE.

a servitude politique ne dépend pas moins de la nature du climat, que la civile et la domestique, comme on va le faire voir 1.

1. Plus on médite ce principe, établi par Montesquieu, plus on en sent la vérité; plus on le conteste, plus on donne occasion de l'établir par de nouvelles preuves. Dans tous les gouvernements du monde, la personne publique consomme et ne produit rien. D'où lui vient donc la subsistance consommée? Du travail de ses membres. C'est le superflu des particuliers qui produit le nécessaire du public. D'où il suit que l'état civil ne peut subsister qu'autant que le travail des hommes rend au delà de leurs besoins. Or cet excédant n'est pas le même dans tous les pays du monde. Dans plusieurs il est considérable, dans d'autres médiocre, dans d'autres nul, dans d'autres négatif. Ce rapport dépend de la fertilité de climat, de la sorte de travail que la terre exige, de la nature de ses productions, de la force de ses habitants, de la plus ou moins grande consommation qui leur est nécessaire, et de plusieurs autres rapports semblables, desquels il est composé. J.-J. ROUSSEAU, Contrat social, liv. I, ch. vII.

G

DIFFÉRENCE DES PEUPLES PAR RAPPORT

AU COURAGE.

Nous avons déjà dit que la grande chaleur énervoit la force et le courage des hommes; et qu'il y avoit dans les climats froids une certaine force de corps et d'esprit qui rendoit les hommes capables des actions longues, pénibles, grandes et hardies'. Cela se remarque non-seulement de nation à nation, mais encore dans le même pays, d'une partie à une autre. Les peuples du nord de la Chine sont plus courageux que ceux du midi2; les peuples du midi de la Corée ne le sont pas tant que ceux du Nord.

Il ne faut donc pas être étonné que la lâcheté des

1. Suivant l'historien de Thou, le froid apportait une grande altération dans le tempérament de Henri III; ce prince s'abandonnait alors à une mélancolie profonde, dormait peu, travaillait sans relâche, tourmentait ses ministres, et décidait les affaires en homme qui se laisse dominer par une humeur austère; ce qui ne lui arrivait jamais dans les autres temps de l'année. De Thou ajoute que, s'étant arrêté chez le chancelier de Chiverny, en se rendant à Blois où était la Cour, le chancelier lui dit que si, pendant la gelée, le duc de Guise continuait de chagriner le roi, ce prince le ferait expédier sans forme de justice. Et en effet Guise fut tué peu de jours après cette conversation. On était alors à Noël et au milieu des rigueurs de la saison. (PARRELLE.)

2. Le P. du Halde, t. I, p. 112. (M.)

3. Les livres chinois le disent ainsi. Ibid., t. IV, p. 448. (M.)

peuples des climats chauds les ait presque toujours rendus esclaves, et que le courage des peuples des climats froids les ait maintenus libres. C'est un effet qui dérive de sa cause naturelle 1.

Ceci s'est encore trouvé vrai dans l'Amérique; les empires despotiques du Mexique et du Pérou étoient vers la ligne, et presque tous les petits peuples libres étoient et sont encore vers les pôles.

1. Quand tout le midi seroit couvert de Républiques. et tout le nord d'États despotiques, il n'eu seroit pas moins vrai que, par l'effet du climat, le despotisme convient aux pays chauds, la barbarie aux pays froids, et la bonne police aux régions intermédiaires. J.-J. ROUSSEAU, Contrat social, liv. III, ch. vIII.

DU CLIMAT DE L'ASIE.

Les relations nous disent « que le nord de l'Asie, ce vaste continent qui va du quarantième degré, ou environ, jusques au pôle, et des frontières de la Moscovie jusqu'à la mer Orientale, est dans un climat très-froid; que ce terrain immense est divisé de l'ouest à l'est par une chaîne de montagnes qui laissent au nord la Sibérie, et au midi la grande Tartarie; que le climat de la Sibérie est si froid, qu'à la réserve de quelques endroits, elle ne peut être cultivée; et que, quoique les Russes aient des établissements tout le long de l'Irtis, il n'y cultivent rien ; qu'il ne vient dans ce pays que quelques petits sapins et arbrisseaux; que les naturels du pays sont divisés en de misérables peuplades, qui sont comme celles du Canada; que la raison de cette froidure vient, d'un côté, de la hauteur du terrain, et de l'autre, de ce qu'à mesure que l'on va du midi au nord, les montagnes s'aplanissent, de sorte que le vent du nord souffle partout sans trouver d'obstacles; que ce vent, qui rend la Nouvelle-Zemble inhabitable, soufflant dans la Sibérie, la rend inculte;

1. Voyez les Voyages du Nord, t. VIII; l'Hist. des Tattars et le quatrième volun.e de la Chine, du P. du Halde. (M.)

qu'en Europe, au contraire, les montagnes de Norwége et de Laponie sont des boulevards admirables qui couvrent de ce vent les pays du nord; que cela fait qu'à Stockholm, qui est à cinquante-neuf degrés de latitude ou environ, le terrain produit des fruits, des grains, des plantes; et qu'autour d'Abo, qui est au soixante-unième degré, de même que vers les soixante-trois et soixantequatre, il y a des mines d'argent, et que le terrain est assez fertile. »>

Nous voyons encore dans les relations, « que la grande Tartarie, qui est au midi de la Sibérie, est aussi trèsfroide; que le pays ne se cultive point; qu'on n'y trouve que des pâturages pour les troupeaux ; qu'il n'y croît point d'arbres, mais quelques broussailles, comme en Islande; qu'il y a, auprès de la Chine et du Mogol, quelques pays où il croît une espèce de millet, mais que le bled ni le riz n'y peuvent mûrir; qu'il n'y a guère d'endroits dans la Tartarie chinoise, aux 43, 44 et 45 degrés, où il ne gèle sept ou huit mois de l'année; de sorte qu'elle est aussi froide que l'Islande, quoiqu'elle dût être plus chaude que le midi de la France; qu'il n'y a point de villes, excepté quatre ou cinq vers la mer Orientale, et quelques-unes que les Chinois, par des raisons de politique, ont bâties près de la Chine; que dans le reste de la grande Tartarie, il n'y en a que quelques-unes placées dans les Boucharies, Turkestan et Charisme; que la raison de cette extrême froidure vient de la nature du terrain nitreux, plein de salpêtre, et sablonneux, et de plus, de la hauteur du terrain. Le P. Verbiest avoit trouvé qu'un certain endroit à quatre-vingts lieues au nord de la grande muraille, vers la source de Kavamhuram, excédoit la hauteur du rivage de la mer, près de Pékin, de trois mille pas géométriques;

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