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DE LA PUDEUR NATURELLE 1.

Toutes les nations se sont également accordées à attacher du mépris à l'incontinence des femmes : c'est que la nature a parlé à toutes les nations. Elle a établi la défense, elle a établi l'attaque; et, ayant mis des deux côtés des désirs, elle a placé dans l'un la témérité, et dans l'autre la honte. Elle a donné aux individus, pour se conserver, de longs espaces de temps, et ne leur a donné pour se perpétuer, que des moments.

Il n'est donc pas vrai que l'incontinence suive les lois de la nature; elle les viole au contraire. C'est la modestie et la retenue qui suivent ces lois.

D'ailleurs il est de la nature des êtres intelligents de sentir leurs imperfections: la nature a donc mis en nous la pudeur, c'est-à-dire la honte de nos imperfections.

Quand donc la puissance physique de certains climats viole la loi naturelle des deux sexes et celle des êtres intelligents, c'est au législateur à faire des lois civiles qui forcent la nature du climat et rétablissent les lois primitives.

1. V. Sup., VII, viii.

DE LA JALOUSIE.

Il faut bien distinguer, chez les peuples, la jalousie de passion d'avec la jalousie de coutume, de mœurs, de lois. L'une est une fièvre ardente qui dévore; l'autre froide, mais quelquefois terrible, peut s'allier avec l'indifférence et le mépris'.

L'une, qui est un abus de l'amour, tire sa naissance de l'amour même. L'autre tient uniquement aux mœurs, aux manières de la nation, aux lois du pays, à la morale, et quelquefois même à la religion.

Elle est presque toujours l'effet de la force physique du climat, et elle est le remède de cette force physique.

1. Lettres persanes, VI.

2. Mahomet recommanda à ses sectateurs de garder leurs femmes. Un certain iman dit, en mourant, la même chose, et Confucius n'a pas moins prêché cette doctrine. (M.)

« Les Persans, rapporte Chardin (Voyage en Perse, Description du gouvernement, ch. x11), disent que Mahomet, étant à l'agonie, dit à ses fidèles : Gardez votre religion et vos femmes. » C'est de ce commandement que serait venue la clôture des harems. A cela il n'y a rien d'impossible; mais il semble que les anciens peuples d'Orient avaient des harems bien des siècles avant Mahomet.

DU GOUVERNEMENT DE LA MAISON EN ORIENT.

On change si souvent de femmes en Orient qu'elles ne peuvent avoir le gouvernement domestique. On en charge donc les eunuques; on leur remet toutes les clefs, et ils ont la disposition des affaires de la maison. «En Perse, dit M. Chardin, on donne aux femmes leurs habits, comme on feroit à des enfants1. » Ainsi ce soin qui semble leur convenir si bien, ce soin qui, partout ailleurs, est le premier de leurs soins, ne les regarde pas.

1. Les Persans disent que les femmes ne servent qu'à la génération; et ils n'en font aucun cas pour leur adresse, pour leur esprit et pour leur application à toutes sortes d'ouvrages; aussi ne se mêlent-elles communément de rien, pas même du ménage. Elles passent leur vie dans la nonchalance, l'oisiveté et la mollesse, étant toute la journée occupées, ou à se faire frotter par de petites esclaves, ce qui est une des plus grandes voluptés des Asiatiques, ou à fumer le tabac du pays, qui est si doux que l'on en peut prendre du matin au soir sans en être incommodé. Les moins vicieuses s'appliquent à des ouvrages à l'aiguille, qu'elles font très-bien. On leur donne leur nourriture tout apprêtée, et quelquefois leurs habits tout faits, comme on ferait à des enfants. CHARDIN, Voyage en Perse, Description du gouvernement, ch. XII.

DU DIVORCE ET DE LA RÉPUDIATION.

Il y a cette différence entre le divorce et la répudiation, que le divorce se fait par un consentement mutuel à l'occasion d'une incompatibilité mutuelle; au lieu que la répudiation se fait par la volonté et pour l'avantage d'une des deux parties, indépendamment de la volonté et de l'avantage de l'autre.

Il est quelquefois si nécessaire aux femmes de répudier, et il leur est toujours si fâcheux de le faire, que la loi est dure1, qui donne ce droit aux hommes sans le donner aux femmes. Un mari est le maître de la maison; il a mille moyens de tenir ou de remettre ses femmes dans le devoir; et il semble que, dans ses mains, la répudiation ne soit qu'un nouvel abus de sa puissance. Mais une femme qui répudie, n'exerce qu'un triste remède. C'est toujours un grand malheur pour elle d'être contrainte d'aller chercher un second mari, lorsqu'elle a perdu la plupart de ses agréments chez un autre. C'est un des avantages des charmes de la jeunesse dans les femmes, que, dans un âge avancé, un mari se porte à la bienveillance par le souvenir de ses plaisirs.

C'est donc une règle générale que, dans tous les

1. A. B. Que la loi est tyrannique, etc.

pays où la loi accorde aux hommes la faculté de répudier, elle doit aussi l'accorder aux femmes. Il y a plus dans les climats où les femmes vivent sous un esclavage domestique, il semble que la loi doive permettre aux femmes la répudiation, et aux maris seulement le di

vorce.

Lorsque les femmes sont dans un sérail, le mari ne peut répudier pour cause d'incompatibilité de mœurs: c'est la faute du mari, si les mœurs sont incompatibles.

La répudiation pour raison de la stérilité de la femme, ne sauroit avoir lieu que dans le cas d'une femme unique1 lorsque l'on a plusieurs femmes, cette raison n'est, pour le mari, d'aucune importance.

La loi des Maldives permet de reprendre une femme qu'on a répudiée. La loi du Mexique défendoit de se réunir, sous peine de la vie. La loi du Mexique étoit plus sensée que celle des Maldives; dans le temps même de la dissolution, elle songeoit à l'éternité du mariage: au lieu que la loi des Maldives semble se jouer également du mariage et de la répudiation.

La loi du Mexique n'accordoit que le divorce. C'étoit une nouvelle raison pour ne point permettre à des gens qui s'étoient volontairement séparés, de se réunir. La répudiation semble plutôt tenir à la promptitude de l'esprit et à quelque passion de l'âme; le divorce semble être une affaire de conseil.

1. Cela ne signifie pas que la répudiation, pour raison de stérilité, soit permise dans le christianisme. (M.) Cette note n'est point dans A. B.

2. Voyage, de François Pyrard. On la reprend plutôt qu'une autre, parce que, dans ce cas, il faut moins de dépenses. (M.)

3. Histoire de sa conquête, par Solis, page 499. (M.) 4. A. Est plus sensée, etc.

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