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confondoit, sous l'action de la loi Aquilienne, la blessure faite à une bête et celle faite à un esclave; on n'avoit attention qu'à la diminution de leur prix. A Athènes 1, on punissoit sévèrement, quelquefois même de mort, celui qui avoit maltraité l'esclave d'un autre. La loi d'Athènes, avec raison, ne vouloit point ajouter la perte de la sûreté à celle de la liberté 2.

Germanie, comme on le peut voir dans leurs codes. (M.) ainsi dans tous les codes noirs de l'Amérique.

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1. Démosthène, orat. contra Midiam, p. 610, édit. de Francfort, de l'an 1604.

2. C'est une nouvelle preuve de l'humanité des Grecs: ils voyaient l'homme dans l'esclave. Mais à Rome, jusqu'aux Antonins, et en Amérique, jusqu'à la guerre de sécession, on n'a jamais vu dans l'esclave que la bête de somme.

DES AFFRANCHISSEMENTS.

On sent bien que quand, dans le gouvernement républicain, on a beaucoup d'esclaves, il faut en affranchir beaucoup. Le mal est que, si on a trop d'esclaves, ils ne peuvent être contenus; si l'on a trop d'affranchis, ils ne peuvent pas vivre, et ils deviennent à charge à la république outre que celle-ci peut être également en danger de la part d'un trop grand nombre d'affranchis et de la part d'un trop grand nombre d'esclaves. Il faut donc que les lois aient l'œil sur ces deux inconvénients.

Les diverses lois et les sénatus-consultes qu'on fit à Rome pour et contre les esclaves, tantôt pour gêner, tantôt pour faciliter les affranchissements, font bien voir l'embarras où l'on se trouva1 à cet égard. Il y eut même des temps où l'on n'osa pas faire des lois. Lorsque, sous Néron, on demanda au sénat qu'il fût permis aux patrons de remettre en servitude les affranchis ingrats, l'empereur écrivit qu'il falloit juger les affaires particulières, et ne rien statuer de général.

Je ne saurois guère dire quels sont les règlements qu'une bonne république doit faire là-dessus ; cela dépend trop des circonstances. Voici quelques réflexions.

1. A. B. Où l'on se trouvoit.

2. Tacite, Annales, liv. XIII, c. xxvII. (M.)

Il ne faut pas faire tout à coup, et par une loi générale, un nombre considérable d'affranchissements. On sait que, chez les Volsiniens', les affranchis, devenus maîtres des suffrages, firent une abominable loi qui leur donnoit le droit de coucher les premiers avec les filles qui se marioient à des ingénus.

Il y a diverses manières d'introduire insensiblement de nouveaux citoyens dans la république. Les lois peuvent favoriser le pécule, et mettre les esclaves en état d'acheter leur liberté. Elles peuvent donner un terme à la servitude, comme celles de Moïse, qui avoient borné à six ans celle des esclaves hébreux. Il est aisé d'affranchir toutes les années un certain nombre d'esclaves parmi ceux qui, par leur âge, leur santé, leur industrie, auront le moyen de vivre. On peut même guérir le mal dans sa racine : comme le grand nombre d'esclaves est lié aux divers emplois qu'on leur donne, transporter aux ingénus une partie de ces emplois, par exemple le commerce ou la navigation, c'est diminuer le nombre des esclaves.

Lorsqu'il y a beaucoup d'affranchis, il faut que les lois civiles fixent ce qu'ils doivent à leur patron, ou que le contrat d'affranchissement fixe ces devoirs pour elles.

On sent que leur condition doit être plus favorisée dans l'État civil que dans l'État politique, parce que, dans le gouvernement même populaire, la puissance ne doit point tomber entre les mains du bas peuple3.

A Rome, où il y avoit tant d'affranchis, les lois politiques furent admirables à leur égard. On leur donna peu, et on ne les exclut presque de rien. Ils eurent bien quelque

1. Supplément de Freinshemius, décade II, liv. V. (M.

2. Exode, chap. xxI. (M.)

3. Sup., XI, vI.

part à la législation, mais ils n'influoient presque point dans les résolutions qu'on pouvoit prendre. Ils pouvoient avoir part aux charges et au sacerdoce même 1; mais ce privilége étoit, en quelque facon, rendu vain par les désavantages qu'ils avoient dans les élections. Ils avoient droit d'entrer dans la milice; mais, pour être soldat, il falloit un certain cens. Rien n'empêchoit les affranchis de s'unir par mariage avec les familles ingénues; mais il ne leur étoit pas permis de s'allier avec celles des sénateurs. Enfin leurs enfants étoient ingénus, quoiqu'ils ne le fussent pas eux-mêmes.

1. Tacite, Annales, liv. XIII, c. xxvII. (M.)

2. Harangue d'Auguste, dans Dion, liv. LVI. (M.)

DES AFFRANCHIS ET DES EUNUQUES.

Ainsi, dans le gouvernement de plusieurs, il est souvent utile que la condition des affranchis soit peu audessous de celle des ingénus, et que les lois travaillent à leur ôter le dégoût de leur condition. Mais, dans le gouvernement d'un seul, lorsque le luxe et le pouvoir arbitraire règnent, on n'a rien à faire à cet égard. Les affranchis se trouvent presque toujours au-dessus des hommes libres ils dominent à la cour du prince et dans les palais des grands et, comme ils ont étudié les foiblesses de leur maître, et non pas ses vertus, ils le font régner, non pas par ses vertus, mais par ses foiblesses. Tels étoient à Rome les affranchis du temps des empereurs.

Lorsque les principaux esclaves sont eunuques, quelque privilége qu'on leur accorde, on ne peut guère les regarder comme des affranchis. Car, comme ils ne peuvent avoir de famille, ils sont, par leur nature, attachés à une famille; et ce n'est que par une espèce de fiction qu'on peut les considérer comme citoyens.

Cependant il y a des pays où on leur donne toutes les magistratures: « Au Tonquin, dit Dampier, tous les

1. C'étoit autrefois de même à la Chine. Les deux Arabes mahométans qui y voyagèrent au Ixe siècle, disent l'Eunuque, quand ils veulent parler

du gouverneur d'une ville. (M.) La relation de ces deux voyageurs a été

publiée en français par l'abbé Renaudot. Paris, 1718, in-8°.

2. Tome III, p. 91. (M.)

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