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qu'ils faisoient mourir tous les hommes roux qui leur tomboient entre les mains.

Une preuve que les nègres n'ont pas le sens commun, c'est qu'ils font plus de cas d'un collier de verre que de l'or, qui, chez des nations policées, est d'une si grande conséquence.

Il est impossible que nous supposions que ces gens-là soient des hommes; parce que, si nous les supposions des hommes, on commenceroit à croire que nous ne sommes pas nous-mêmes chrétiens.

De petits esprits exagèrent trop l'injustice que l'on fait aux Africains. Car, si elle étoit telle qu'ils le disent, ne seroit-il pas venu dans la tête des princes d'Europe, qui font entre eux tant de conventions inutiles, d'en faire une générale en faveur de la miséricorde et de la pitié 1?

1. Cette convention, les princes d'Europe ont commencé à la faire en 1815; et, grâce au zèle de quelques hommes de bien et au concours de l'opinion, on a fini par abolir l'esclavage chez les peuples chrétiens. Il n'y a plus que l'Espagne qui reste en dehors du nouveau droit des gens.

VÉRITABLE ORIGINE DU DROIT DE L'ESCLAVAGE.

Il est temps de chercher la vraie origine du droit de l'esclavage. Il doit être fondé sur la nature des choses1: voyons s'il y a des cas où il en dérive.

Dans tout gouvernement despotique, on a une grande l'esclavage politique y anéantit en

facilité à se vendre

quelque façon la liberté civile.

M. Perry dit que les Moscovites se vendent très-aisément. J'en sais bien la raison : c'est que leur liberté ne vaut rien.

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A Achim tout le monde cherche à se vendre. Quelquesuns des principaux seigneurs n'ont pas moins de mille esclaves, qui sont des principaux marchands, qui ont aussi beaucoup d'esclaves sous eux, et ceux-ci beaucoup d'autres; on en hérite et on les fait trafiquer. Dans ces États, les hommes libres, trop foibles contre le gouvernement, cherchent à devenir les esclaves de ceux qui tyrannisent le gouvernement.

C'est là l'origine juste, et conforme à la raison, de ce droit d'esclavage très-doux que l'on trouve dans quelques pays; et il doit être doux parce qu'il est fondé sur le choix libre qu'un homme, pour son utilité, se fait d'un maître; ce qui forme une convention réciproque entre les deux parties.

1. Qu'est-ce que la nature des choses quand il s'agit de l'esclavage? N'est-ce pas tout simplement la force et l'égoïsme?

2. État présent de la grande Russie, par Jean Perry. (M.)

3. Nouveau Voyage autour du monde, par Dampierre, t. III. (M.)

AUTRE ORIGINE DU DROIT DE L'ESCLAVAGE.

Voici une autre origine du droit de l'esclavage, et même de cet esclavage cruel que l'on voit parmi les hommes.

Il y a des pays où la chaleur énerve le corps, et affoiblit si fort le courage, que les hommes ne sont portés à un devoir pénible que par la crainte du châtiment : l'esclavage y choque donc moins la raison; et le maître y étant aussi lâche à l'égard de son prince, que son esclave l'est à son égard, l'esclavage civil y est encore accompagné de l'esclavage politique.

Aristote veut prouver qu'il y a des esclaves par nature, et ce qu'il dit ne le prouve guère. Je crois que, s'il y en a de tels, ce sont ceux dont je viens de parler.

Mais, comme tous les homines naissent égaux, il faut dire que l'esclavage est contre la nature, quoique dans certains pays il soit fondé sur une raison naturelle; et il faut bien distinguer ces pays d'avec ceux où les raisons naturelles même les rejettent, comme les pays d'Europe où il a été si heureusement aboli.

Plutarque nous dit, dans la vie de Numa, que du temps de Saturne il n'y avoit ni maître ni esclave. Dans nos climats, le christianisme a ramené cet âge.

1. Politique, liv. I, chap. 1. (M.)

INUTILITÉ DE L'ESCLAVAGE PARMI NOUS.

Il faut donc borner la servitude naturelle à de certains pays particuliers de la terre. Dans tous les autres, il me semble que, quelque pénibles que soient les travaux que la société y exige, on peut tout faire avec des hommes libres.

Ce qui me fait penser ainsi, c'est qu'avant que le christianisme eût aboli en Europe la servitude civile, on regardoit les travaux des mines comme si pénibles, qu'on croyoit qu'ils ne pouvoient être faits que par des esclaves ou par des criminels. Mais on sait qu'aujourd'hui les hommes qui y sont employés vivent heureux'. On a, par de petits priviléges, encouragé cette profession; on a joint à l'augmentation du travail celle du gain; et on est parvenu à leur faire aimer leur condition plus que toute autre qu'ils eussent pu prendre.

Il n'y a point de travail si pénible qu'on ne puisse proportionner à la force de celui qui le fait, pourvu que ce soit la raison, et non pas l'avarice, qui le règle. On peut, par la commodité des machines que l'art invente ou applique, suppléer au travail forcé qu'ailleurs on fait faire

1. On peut se faire instruire de ce qui se passe à cet égard dans les mines du Hartz dans la basse Allemagne et dans celles de Hongrie. (M.)

aux esclaves. Les mines des Turcs, dans le banat de Témeswar, étoient plus riches que celles de Hongrie, et elles ne produisoient pas tant, parce qu'ils n'imaginoient jamais que les bras de leurs esclaves.

Je ne sais si c'est l'esprit ou le cœur qui me dicte cet article-ci. Il n'y a peut-être pas de climat sur la terre où l'on ne pût engager au travail des hommes libres. Parce que les lois étoient mal faites on a trouvé des hommes paresseux parce que ces hommes étoient paresseux, on les a mis dans l'esclavage 2.

:

1. A. B. Étoient mauvaises.

2. Voyez la lettre de Montesquieu à Grosley.

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