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DU MONACHISME.

Le monachisme y fait les mêmes maux; il est né dans les pays chauds d'Orient, où l'on est moins porté à l'action qu'à la spéculation.

En Asie, le nombre des derviches, ou moines, semble augmenter avec la chaleur du climat; les Indes, où elle est excessive, en sont remplies on trouve en Europe cette même différence.

Pour vaincre la paresse du climat, il faudroit que les lois cherchassent à ôter tous les moyens de vivre sans travail; mais dans le midi de l'Europe elles font tout le contraire elles donnent à ceux qui veulent être oisifs des places propres à la vie spéculative, et y attachent des richesses immenses. Ces gens, qui vivent dans une abondance qui leur est à charge, donnent avec raison leur superflu au bas peuple : il a perdu la propriété des biens; ils l'en dédommagent par l'oisiveté dont ils le font jouir; et il parvient à aimer sa misère même1.

1. Lettres persanes, CXVII.

BONNE COUTUME DE LA CHINE.

2

Les relations de la Chine nous parlent de la cérémonie d'ouvrir les terres, que l'empereur fait tous les ans. On a voulu exciter les peuples au labourage par cet acte public et solennel.

De plus, l'empereur est informé chaque année du laboureur qui s'est le plus distingué dans sa profession; il le fait mandarin du huitième ordre'.

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Chez les anciens Perses le huitième jour du mois nommé Chorrem ruz, les rois quittoient leur faste pour manger avec les laboureurs. Ces institutions sont admirables pour encourager l'agriculture.

1. Le P. du Halde, Histoire de la Chine, t. II, p. 72. (M.)

2. Plusieurs rois des Indes font de même. Relation du royaume de Siam par La Loubère, p. 69. (M.)

3. Ven-ty, troisième empereur de la troisième dynastie, cultiva la terre de ses propres mains, et fit travailler à la soie, dans son palais, l'impératrice et ses femmes. Histoire de la Chine. (M.)

4. Cela n'empêche pas que la Chine ne soit sans cesse en proie à la famine, et que les parents n'exposent sur les rivières les enfants qu'ils sont hors d'état de nourrir. C'est que la Chine est un État despotique, et que, lorsque les cultivateurs sont soumis au bâton toute l'année, l'honneur qu'on croit leur faire une fois par an ne les dédommage ni ne les console. » B. Constant, Commentaire sur Filangieri, ch. iv.

5. M. Hyde, Religion des Perses. (M.)

MOYENS D'ENCOURAGER L'INDUSTRIE.

Je ferai voir, au livre XIX1, que les nations paresseuses sont ordinairement orgueilleuses. On pourroit tourner l'effet contre la cause, et détruire la paresse par l'orgueil. Dans le midi de l'Europe, où les peuples sont si frappés: par le point d'honneur, il seroit bon de donner des prix. aux laboureurs qui auroient le mieux cultivé leurs champs, ou aux ouvriers qui auroient porté plus loin leur industrie. Cette pratique réussira même par tout pays. Elle a servi de nos jours, en Irlande, à l'établissement d'une des plus importantes manufactures de toile qui soit en Europe.

1. A. B. Nous ferons voir au liv. XIX, etc.

2. A. B. Si fort frappés, etc.

3. Cette phrase manque dans A. B.

4. A. B. Cette pratique a réussi de nos jours en Irlande; elle y a établi une des plus importantes, etc.

DES LOIS QUI ONT RAPPORT A LA SOBRIETÉ
DES PEUPLES.

Dans les pays chauds, la partie aqueuse du sang se dissipe beaucoup par la transpiration1; il y faut donc substituer un liquide pareil. L'eau y est d'un usage admirable : les liqueurs fortes y coaguleroient les globules2 du sang qui restent après la dissipation de la partie aqueuse.

Dans les pays froids, la partie aqueuse du sang s'exhale peu par la transpiration; elle reste en grande abondance. On y peut donc user des liqueurs spiritueuses, sans que le sang se coagule. On y est plein d'humeurs; les liqueurs fortes, qui donnent du mouvement au sang, y peuvent être convenables.

La loi de Mahomet, qui défend de boire du vin, est donc une loi du climat d'Arabie; aussi avant Mahomet, l'eau étoit-elle la boisson commune des Arabes. La loi3 qui défendoit aux Carthaginois de boire du vin, étoit aussi

1. M. Bernier, faisant un voyage de Lalior à Cachemir, écrivoit : « Mon corps est un crible: à peine ai-je avalé une pinte d'eau, que je la vois sortir comme une rosée de tous mes membres jusqu'au bout des doigts; j'en bois dix pintes par jour, et cela ne me fait point de mal. » Voyage de Bernier, t. II, p. 261. (M.)

2. Il y a dans le sang des globules rouges, des parties fibreuses, des globules blancs, et de l'eau dans laquelle nage tout cela. (M.)

3. Platon, liv. II des Lois, Aristote, du soin des affaires domestiques, liv. I, c. v. Eusèbe, Prép. évang., liv. XII, chap. xvII. (M.)

une loi du climat; effectivement le climat de ces deux pays est à peu près le même.

Une pareille loi ne seroit pas bonne dans les pays froids, où le climat semble forcer à une certaine ivrognerie de nation, bien différente de celle de la personne. L'ivrognerie se trouve établie par toute la terre, dans la proportion de la froideur et de l'humidité du climat. Passez de l'équateur jusqu'à notre pôle, vous y verrez l'ivrognerie augmenter avec les degrés de latitude. Passez du même équateur au pôle opposé, vous y trouverez l'ivrognerie aller vers le midi1, comme de ce côté-ci elle avoit été vers le nord.

Il est naturel que, là où le vin est contraire au climat, et par conséquent à la santé, l'excès en soit plus sévèrement puni que dans les pays où l'ivrognerie a peu de mauvais effets pour la personne, où elle en a peu pour la société, où elle ne rend point les hommes furieux, mais seulement stupides. Ainsi les lois qui ont puni un homme ivre, et pour la faute qu'il faisoit, et pour l'ivresse, n'étoient applicables qu'à l'ivrognerie de la personne, et non à l'ivrognerie de la nation. Un Allemand boit par coutume, un Espagnol par choix.

Dans les pays chauds, le relâchement des fibres produit une grande transpiration des liquides; mais les parties solides se dissipent moins. Les fibres, qui n'ont qu'une action très-foible et peu de ressort, ne s'usent guère; il faut peu de suc nourricier pour les réparer on y mange donc très-peu3.

1. Cela se voit dans les Hottentots et les peuples de la pointe du Chili, qui sont plus près du sud. (M.)

2. Comme fit Pittacus, selon Aristote, Politique, liv. II, chap. I. Il vivoit dans un climat où l'ivrognerie n'est pas un vice de nation. (M.)

3. Dans les pays chauds, la sobriété n'est qu'un effet du climat. Comme

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