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législateur sage que les peuples du nôtre. Plus on est aisément et fortement frappé, plus il importe de l'être d'une manière convenable, de ne recevoir pas des préjugés, et d'être conduit par la raison.

Du temps des Romains, les peuples du nord de l'Europe vivoient sans arts, sans éducation, presque sans lois; et cependant, par le seul bon sens attaché aux fibres grossières de ces climats, ils se maintinrent avec une sagesse admirable contre la puissance romaine1, jusqu'au moment où ils sortirent de leurs forêts pour la détruire.

1. Ce fut la faiblesse romaine qui fit la force des Barbares. Quant à la sagesse admirable des Germains, des Goths et des Huns, il serait bien difficile d'en donner une preuve historique.

CAUSE DE L'IMMUTABILITÉ DE LA RELIGION, DES MOEURS, DES MANIÈRES, DES LOIS DANS LES PAYS

D'ORIENT.

Si, avec cette foiblesse d'organes qui fait recevoir aux peuples d'Orient les impressions du monde les plus fortes, vous joignez une certaine paresse dans l'esprit, naturellement liée avec celle du corps, qui fasse que cet esprit ne soit capable d'aucune action, d'aucun effort, d'aucune contention, vous comprendrez que l'âme, qui a une fois reçu des impressions, ne peut plus en changer. C'est ce qui fait que les lois, les mœurs et les manières, même celles qui paroissent indifférentes, comme la façon de se vêtir, sont aujourd'hui en Orient comme elles étoient il y a mille ans.

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1. On voit, par un fragment de Nicolas de Damas, recueilli par Constantin Porphyrogénète, que la coutume étoit ancienne en Orient d'envoyer étrangler un gouverneur qui déplaisoit ; elle étoit du temps des Mèdes. (M.)

QUE LES MAUVAIS LÉGISLATEURS

SONT CEUX QUI ONT FAVORISÉ LES VICES DU CLIMAT ET LES BONS SONT CEUX QUI S'Y SONT OPPOSÉS.

Les Indiens croient que le repos et le néant sont le fondement de toutes choses et la fin où elles aboutissent. Ils regardent donc l'entière inaction comme l'état le plus parfait et l'objet de leurs désirs. Ils donnent au souverain être le surnom d'immobile. Les Siamois croient que la félicité suprême consiste à n'être point obligé d'animer une machine et de faire agir un corps.

Dans ces pays, où la chaleur excessive énerve et accable, le repos est si délicieux et le mouvement si pénible, que ce système de métaphysique paroît naturel; et Foë, législateur des Indes, a suivi ce qu'il sentoit, lorsqu'il a mis les hommes dans un état extrêmement passif; mais sa doctrine, née de la paresse du climat, la favorisant à son tour, a causé mille maux.

1. Panamanack. Voyez Kircher. (M.)

2. La Loubère, Relation de Siam, p. 446. (M.)

3. Foë veut réduire le cœur au pur vuide. « Nous avons des yeux et des oreilles; mais la perfection est de ne voir ni entendre; une bouche, des mains, etc., la perfection est que ces membres soient dans l'inaction. »> Ceci est tiré du dialogue d'un philosophe chinois, rapporté par le P. du Halde, t. III. (M.) C'est le fonds même de la religion bouddhique. On sait que Fo est le nom chinois de Sakya-Mouni, le Bouddha

Les législateurs de la Chine1 furent plus sensés lorsque, considérant les hommes, non pas dans l'état paisible où ils seront quelque jour, mais dans l'action propre à leur faire remplir les devoirs de la vie, ils firent leur religion, leur philosophie et leurs lois toutes pratiques. Plus les causes physiques portent les hommes au repos, plus les causes morales les en doivent éloigner.

1. C'est-à-dire Confucius et son école.

DE LA CULTURE DES TERRES DANS LES CLIMATS CHAUDS.

La culture des terres est le plus grand travail des hommes. Plus le climat les porte à fuir ce travail, plus la religion et les lois doivent y exciter. Ainsi les lois des Indes, qui donnent les terres aux princes, et ôtent aux particuliers l'esprit de propriété, augmentent les mauvais effets du climat, c'est-à-dire la paresse naturelle.

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