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peines, & elles font & elles font peu féveres; elles ne font pas même rigoureufement exécutées. Ils ont donné les neveux aux oncles, les orphelins aux tuteurs, comme on les donne ailleurs à leurs peres; ils ont réglé la fucceffion par le mérite reconnu du fucceffeur. Il femble qu'ils ont penfé que chaque Citoyen devoit fe repofer fur le bon naturel des autres.

Ils donnent aifément la liberté à leurs esclaves, ils les marient, ils les traitent comme leurs enfans [b]: heureux climat qui fait naître la candeur des mœurs & produit la douceur des Loix.

édifiantes, page 403. les principales Loix ou Coûtumes des Peuples de l'Inde de la prefqu'lfle deça le Gange.

[a] C'est, peut-être, ce qui a fait dire à Diodore qu'aux Indes il n'y avoit ni maître ni esclave.

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LIVRE QUINZE.

Les Loix de l'esclavage civil ont du rapport avec la nature du climat.

ARTICLE PREMIER.
L'esclavage civil.

? «

L'Efclavage, proprement dit, eft l'établiffement d'un droit qui rend un homme tellement propre à un autre homme, qu'il eft le maître abfolu de fa vie & de fes biens. Il n'eft Il n'eft pas bon par fa nature: il n'eft utile ni au maître ni à l'efclave ; à celui-cy parce qu'il ne peut rien faire par vertu; à celui-là parce qu'il contracte avec fes efclaves toutes fortes de mauvaises habitudes, qu'il s'accoûtume infenfiblement à manquer à toutes les vertus morales, qu'il devient fier, prompt, dur, colere, voluptueux, cruel.

Dans les pays defpotiques où l'on eft déja fous l'esclavage politique; l'efclavage civil eft plus tolérable qu'ailleurs. Chacun y doit être affez content d'y avoir fa fubfiftance & la vie. Ainfi, la condition de l'esclave n'y eft guére plus à charge que la condition du fujet,

Mais dans le Gouvernement Monar chique où il eft fouverainement important de ne point abattre ou avilir la nature humaine, il ne faut point d'esclave. Dans la Démocratie où tout le monde

eft égal, & dans l'Ariftocratie où les

Loix doivent faire leurs efforts pour que tout le monde foit auffi égal que la nature. du Gouvernement peut le permettre, des efclaves font contre l'efprit de la conftitution; ils ne fervent qu'à donner aux Citoyens une puiflance & un luxe qu'ils ne doivent point avoir.

ART. II. Origine du Droit de l'efclavage chez les Jurifconfultes Romains.

On ne croiroit jamais que c'eut été la pitié qui eut établi l'efclavage, & que pour cela elle s'y fut prife de trois manieres (a).

Le droit des gens a voulu que les prifonniers fuffent efclaves, pour qu'on ne les tuât pas. Le Droit civil des Romains permit à des Débiteurs, que leurs Créanciers pouvoient maltraiter, de fe vendre eux-mêmes, & le Droit naturel a voulu que des enfans, qu'un pere efclave ne pouvoit plus nourrir, fuffent dans l'efclavage comme leur pere.

[a] Inft. de Juftinien, Liv. I,

Ces

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Ces raifons des Jurifconfultes ne font point fenfées. Il eft faux qu'il foit permis de tuer dans la guerre autrement que dans le cas de néceffité : mais dès qu'un homme en a fait un autre esclave on ne peut pas dire qu'il ait été dans la néceffité de le tuer, puifqu'il ne l'a pas fait. Tout le droit que la guerre peut donner fur les captifs, eft de s'affurer tellement de leur perfonne qu'ils ne puiffent plus nuire. Les homicides faits de fang froid par les foldats & après la chaleur de l'action, font rejettés de toutes les Nations (a) du monde.

2o. Il n'eft pas vrai qu'un homme libre puiffe fe vendre. La vente fuppofe un prix; l'esclave fe vendant, tous fes biens entreroient dans la propriété du maître le maître ne donneroit donc rien, & l'esclave ne recevroit rien. Il au roit un pécule, dira-t-on. Mais le pécule eft acceffoire à la perfonne; s'il n'eft pas permis de fe tuer, parce qu'on fe dérobe à fa Patrie il n'eft pas plus permis de fe vendre. La liberté de chaque Citoyen eft une partie de la liberté publique. Čette qualité dans l'Etat populaire eft même une partie de la Souveraineté. Vendre fa

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(4) Si l'on ne veut citer celles qui mangent leurs prifonniers.

Tome II,

E

qualité de Citoyen est un (a) acte d'une telle extravagance, qu'on ne peut pas la fuppofer dans un homme. Si la liberté a un prix pour celui qui l'achete, elle est fans prix pour celui qui la vend. La Loi civile qui a permis aux hommes le partage des biens, n'a pu mettre au nombre des biens une partie des hommes qui devoient faire ce partage. La Loi civile qui reftituë fur les contrats qui contiennent quelque léfion, ne peut s'empêcher de reftituer contre un accord qui contient la léfion la plus énorme de toutes.

La troifiéme maniere c'eft la naiffance. Celle-cy tombe avec les deux autres. Car fi un homme n'a pu se vendre " encore moins a-t-il pu vendre fon fils qui n'étoit pas né. Si un prifonnier de guerre ne peut être réduit en fervitude, encore

moins fes enfans.

Ce qui fait que la mort d'un criminel eft une chofe licite, c'eft que la Loi qui le punit a été faite en fa faveur. Un meurtrier, par exemple, a joui de la Loi qui le condamne, elle lui a confervé la vie à tous les inftans: il ne peut donc pas reclamer contr'elle. Il n'en eft pas de mê

(a) Je parle de l'esclavage pris à la rigueur, tel qu'il étoit chez les Romains, & qu'il eft établi dans nos Colonies.

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