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quiconque manque de refpect à l'Empe reur doit être puni de mort. Comme elles ne définiffent pas ce que c'eft que ce manquement de refpe&t, tout peut fournir un prétexte pour ôter la vie à qui l'on veut, & exterminer la famille que l'on veut.

Deux perfonnes chargées de faire la Gazette de la Cour, ayant mis dans quelque fait des circonftances qui ne se trouverent pas vraies, on dit que mentir dans une Gazette de la Cour, c'étoit manquer de respect à la Cour, & on les fit mou. rir. [a] Un Prince du Sang ayant mis quelque note par mégarde fur un mémorial figné du pinceau rouge par l'Empereur, on décida qu'il avoit manqué de respect à l'Empereur; ce qui caufa contre cette famille une des terribles perfécutions dont l'Hiftoire ait jamais parlé. [6]

C'eft affez que le crime de Léfe-Majefté foit vague, pour que le Gouverne ment dégénère en Defpotifme. Je m'étendrai davantage là deffus dans le Livre de la compofition des Loix.

ART. VII. Mauvaife application du nom de crime de Sacrilége & de Léfe-Majefté.

C'est encore un violent abus de don[a] Le P. Duhalde, Tome I. p. 43.

[b] Lettres du P. Perenain dans les Lettres édif.

ner le nom de crime de Léfe-Majesté á une action qui ne l'eft pas. Une Loi des Empereurs [a] poursuivoit comme facriléges ceux qui mettoient en queftion le jugement du Prince, & doutoient du mérite de ceux qu'il avoit choifi pour quelque emploi. [b] Ce furent bien le cabi net & les favoris qui établirent ce crime. Une autre Loi avoit déclaré que ceux qui attentent contre les Miniftres & les Of ficiers du Prince font criminels de LéfeMajefté, comme s'ils attentoient contre le Prince même. [c] Nous devons cette Loi à deux Princes [d] dont la foibleffe eft célébre dans l'hiftoire; deux Princes qui furent menés par leurs Miniftres, comme les troupeaux font conduits par les Pafteurs; deux Princes efclaves dans le Palais, enfans dans le Confeil, étrangers aux Armées, qui ne conferverent l'Empire que parce qu'ils le donnerent tous les jours. Quelques-uns de ces favoris confpirerent contre leurs Empereurs. Ils firent plus, ils confpirerent contre l'Em

[a] Gratien, Valentien & Théodofe. C'eft la fe conde au Cod. de Crimin. facril.

[b] Sacrilegii inftar eft dubitare an is dignus fit quem elegerit Imperator, ib. Cette Loi a fervi de modele à celle de Roger dans les Conftitutions de Naples. Tit. 4. [e La Loi cinquième, ad leg. Jul. maj. [d] Arcadius & Honorius.

pire, ils y appellerent les Barbares ; & quand on voulut les arrêter, l'Etat étoit fi foible qu'il fallut violer leur Loi, & s'expofer au crime de Léfe-Majefté pour les punir.

C'est pourtant fur cette Loi que fe fon doit le Rapporteur de M. de Cinq-Mars, (a) lorfque voulant prouver qu'il étoit coupable du crime de Léfe-Majefté pour avoir voulu chaffer le Cardinal de Richelieu des affaires, il dit : « Le crime qui » touche la perfonne des Miniftres des » Princes eft réputé par les conftitutions. » des Empereurs de pareil poids que ce» lui qui touche leur Personne. Un Mi» nistre sert bien fon Prince & son Etat; » on l'ôte à tous les deux ; c'est comme ; » fi l'on privoit le premier d'un bras (b) » & le fecond d'une partie de sa puif» fance. » Quand la fervitude elle-même viendroit fur la terre elle ne parleroit pas

autrement.

Une autre Loi de Valentinien, Théodofe & Arcadius (c) déclare les faux-mon noyeurs coupables du crime de Léfe-Majesté. Mais n'étoit-ce pas confondre les

.

(a) Mémoires de Montréfor, Tom. I.

(b) Nam ipfi pars corporis noftri funt ; même Loi Code ad leg. Jul. maj.

(c) C'eft la neuviéme au Code Théod. de falfa

moneta

idées des chofes? Porter fur un autre crime le nom de Lése-Majefté; n'eft-ce pas diminuer l'horreur du crime de Léfe-Majefté ?

Paulin ayant mandé à l'Empereur Alexandre qu'il fe préparoit à poursuivre » comme criminel de Léfe-Majesté un » Juge qui avoit prononcé contre fes Or» donnances », l'Empereur lui répondit, » que dans un fiécle comme le fien les » crimes de Majesté indirects n'avoient » point de lieu. (a)

Fauftinien ayant écrit au même Empereur qu'ayant juré par la vie du Prince qu'il ne pardonneroit jamais à son esclave, il fe voyoit obligé de perpétuer fa colere pour ne pas fe rendre coupable du crime de Léfe-Majefté : « Vous avez pris » de vaines terreurs, (b) lui répondit l'Em» pereur, & vous ne connoiffez pas mes » maximes. >>

Un Sénatus-Confulte (c) ordonna que celui qui avoit fondu des statues de l'Empereur, qui auroient été réprouvées, ne feroit point coupable de Léfe-Majefté. Les Empereurs Sévere & Antonin écri

(a) Etiam ex aliis caufis majeftaris crimina cessant meo faculo. Leg. 1. Cod. ad leg. Jul. maj.

(b) Alienam fečta meæ follicitudinem concepisti. Leg. 2. Cod. ad leg. Jul. maj.

(c) Voyez la Loi 4. au ff. ad leg. Jul. maj.

virent à Pontius (a) que celui qui vendroit des statues de l'Empereur non confacrées, ne tomberoit point dans le crime de LéfeMajesté. Les mêmes Empereurs écrivirent à Julius-Caffianus que celui qui jetteroit par hazard une pierre contre une statuë de l'Empereur, ne devoit point être pourfuivi comme criminel de Léfe-Majefté. (b) La Loi Julia demandoit ces fortes de modifications; car elle avoit rendu coupables de Léfe-Majefté, non feulement ceux qui fondoient les ftatues des Empereurs, mais ceux qui commettoient quelqu'action (c) femblable, ce qui rendoit ce crime arbitraire. Quand on eut établi bien des crimes de Léfe-Majefté, il fallut néceffairement diftinguer ces crimes. Auffi le Jurifconfulte Ulpien, après avoir dit que l'accufation du crime de Léfe-Majesté ne s'éteignoit point par la mort du coupable, ajoûte-t-il que cela ne regarde pas tous (d) les crimes de Léfe-Majefté établis par la Loi Julia, mais feulement celui qui contient un attentat contre l'Empire ou contre la vie de l'Empereur.

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(a) Voyez la Loi 5. au ff. ad leg. Jul. maj. (b) Ibid.

(e) Aliudve quid fimile admiferint. Leg. 6. ff. ad leg. Jul. maj.

(d) Dans la Loi derniere au ff. ad leg. Jul, de adulteriis.

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