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Quant au gouvernement defpotique, fon principe eft la crainte. Si les ordres du maître étoient rede fang-froid; fi cette paffion n'interceptoit pas au moindre fignal de fa volonté toute faculté de raifonner, on pourroit faire attention à leur injustice, remonter à celle qui maintient un tyran fur le trône: comme çe n'eft que la loi du plus fort, en tournant les propres forces contre lui, on l'extermineroit. Si d'ailleurs l'amour de la liberté s'emparoit fubitement du peuple, comme il arriva à Rome fous Tarquin, le coup qui abattoit le tyran, abattroit la tyrannie; le defpotisme feroit anéanti, & l'on verroit naître une république.

Ces principes font lumineux; ils font puifés dans l'effence même des chofes. M. de Montesquieu, à l'occafion de ces réflexions, entre dans quelques détails, pour indiquer les routes qui peuvent conduire à l'é

tablissement & au maintien de la nature & du principe de chaque gouvernement. Mais il traite ces détails en grand homme; il écarte toutes les minuties qui caractérisent le génie étroit.

par

Le faifeur de notes n'a point apperçu tout cela. Il en a placé une fort longue à la fin du quatrieme Livre. Il y dit que M. de Montef quieu s'eft lourdement trompé, foit qu'il ait voulu nous développer ce qui eft, foit qu'il ait voulu nous développer ce qui doit être. Dans le premier cas, cet Auteur, dit le cenfeur, eft contredit l'expérience. On voit, dit-il, que chaque nation, chaque fouverain, eft conduit par un objet particulier, vers lequel ils tournent le fyftême de leur gouvernement. Les uns vifent aux richeffes, les autres à la conquête, les autres au commerce, &c.; & les fyftêmes politiques font plus ou moins ftables, à mesure que le fouverain eft plus

ou moins defpote; parce que le fucceffeur fubftitue fes idées à celles. de celui qui l'a précédé, & change par conféquent tout le plan de gouvernement qu'il a établi. Les républiques font moins fujettes à ces variations, qui ne peuvent arriver qu'autant que l'efprit de la nation entiere viendroit à changer.

Ces réflexions, qui font répétées dans tous nos Livres, & qu'un coup d'œil fur le cœur humain & fur fon hiftoire nous font appercevoir,font de la plus grande vérité; mais que la paffion dominante d'une république foit l'amour des richeffes ou la jaloufie contre les états qui l'environnent; qu'elle tourne tant qu'elle voudra fes opérations du côté de cet objet, cela fera-t-il que, pour qu'elle foit république, il foit indifpenfable que le peuple foit libre; & pour qu'il refte libre, qu'il ait & qu'il conferve le droit d'élire & de juger fes magistrats? Qu'un monarque tourne ses vues

du côté de la conquête, ou du côté du commerce; que fon fucceffeur change d'objet, ces variations feront-elles que l'on puiffe concevoir une monarchie fans un fouverain dont le pouvoir foit tempéré par les lois, fi ces lois ne font confiées à des dépofitaires qui puiffent les faire valoir en faveur de la nation, & s'il n'y a enfin dans l'état différens canaux qui transmettent fucceffivement les ordres du fouverain aux extrémités du peuple? En fera-t-il moins vrai que cette forte gouvernement ne fe maintiendra point, fi le monarque n'a dans fa main des motifs qui excitent les fujets à fe livrer au fervice de l'état; & fi ceux-ci n'en ont un qui les arrête, quand ces motifs leur font préfentés comme un appât pour le prêter à des injuftices, ou pour les exécuter?

de

On doit dire la même chofe du defpotifme. Quelles que foient les vues du defpote, il ne le fera pas,

s'il y a dans fes états d'autres lois que fa volonté; & il ceffera de l'être, dès que la crainte ne fera la caufe de l'obéiffance.

pas

Si M. de Montefquieu a voulu nous peindre ce qui doit être, le critique trouve que fon erreur eft encore plus groffiere ; & pour établir cette erreur, il appelle à fon fecours la théorie & l'expérience. Elles nous apprennent, dit-il, que la vertu, par laquelle il entend toutes les vertus morales qui nous portent à la perfection, eft le feul principe de conduite pour tous les gouvernemens, quels qu'ils foient, & qui ait fait fleurir & qui fera fleurir les états.

Cette maxime eft encore de toute vérité. Quand le peuple & ceux qui le gouvernent font doués de toutes les vertus morales, l'état eft néceffairement floriffant: on évite avec prudence tout ce qui peut nuire, & l'on exécute de même tout ce qui eft utile. Ceux

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