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Il écrivoit pour inftruire; & en inftruifant, il se faifoit toujours aimer. Tout refpire dans fes ouvrages, la candeur & la probité; le bon naturel s'y fait sentir; le grand homme ne s'y montre jamais qu'avec l'honnête homme.

Il fuivoit la vertu par un penchant naturel, & il s'y attachoit encore par fes réflexions. Il jugeoit qu'ayant écrit fur la morale, il devoit être plus difficile qu'un autre fur fes devoirs ; qu'il n'y avoit point pour lui de difpenfes, puifqu'il avoit donné les regles; qu'il feroit ridicule qu'il n'eût pas la force de faire des chofes dont il avoit cru tous les hommes capables; qu'il abandonnât fes propres maximes; & que dans chaque action, il eût en mêmetemps à rougir de ce qu'il auroit fait & de ce qu'il auroit dit.

Avec quelle nobleffe n'exerçoit-il pas fa profeffion? Tous ceux qui avoient befoin de lui devenoient fes amis. Il ne trou voit prefque pour récompense à la fin de chaque jour que quelques bonnes actions de plus. Toujours moins riche, & toujours plus défintéreffé, il n'a presque Jaiffé à fes enfans l'honneur d'avoir eu un fi illuftre pere.

que

Vous aimez, Meffieurs, les hommes vertueux, vous ne faites grace au plus beau génie d'aucune qualité du cœur ;

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& vous regardez les talens, fans la vertu, comme des préfens funeftes, uniquement propres à donner de la force ou un plus grand jour à nos vices.

Et par-là, vous êtes bien dignes de ces grands protecteurs qui vous ont confié leur gloire, qui ont voulu aller à la poitérité, mais qui ont voulu y aller avec vous. Bien des orateurs & des poëtes les ont célébrés ; mais il n'y a que vous qui ayez été établis pour leur rendre pour ainfi dire, un culte réglé.

Pleins de zele & d'admiration pour ces grands hommes, vous les rappellez fans ceffe à notre mémoire. Effet furprenant de l'art! vos chants font continuels, & ils nous paroiffent toujours nouveaux.

Vous nous étonnez toujours, quand vous célébrez ce grand miniftre, qui tira du chaos les regles de la monarchie; qui apprit à la France le fecret de fes forces, à l'Efpagne celui de fa foibleffe; ôta à l'Allemagne fes chaînes, lui en donna de nouvelles; brifa tour à tour toutes les puiffances; & deftina, pour ainfi dire, LOUIS LE GRAND aux grandes chofes qu'il fit depuis.

Vous ne vous reffemblez jamais dans lés éloges que vous faites de ce Chancelier, qui n'abufa ni de la confiance des Rois, ni de l'obéiffance des peuples; &

qui dans l'exercice de la magiftrature, fut fans paffion, comme les lois, qui ab. folvent & qui puniffent fans aimer ni haïr.

Mais on aime fur-tout à vous voir travailler à l'envi au portrait de LOUIS LE GRAND, ce portrait toujours commencé, & jamais fini, tous les jours plus avancé, & tous les jours plus difficile.

Nous concevons à peine le regne merveilleux que vous chantez. Quand vous nous faites voir les fciences par-tout encouragées, les arts protégés, les belleslettres cultivées, nous croyons vous entendre parler d'un regne paifible & tranquille. Quand vous chantez les guerres & les victoires, il femble que vous nous racontiez l'histoire de quelque peuple forti du nord, pour changer la face de la terre. Ici, nous voyons le Roi; là, le Héros. C'eft ainfi qu'un fleuve majestueux va fe changer en un torrent, qui renverfe tout ce qui s'oppose à fon paffage: c'eft ainfi que le ciel paroît au laboureur pur & ferein, tandis dans que la contrée voifine il fe couvre de feux, d'éclairs & de tonnerres.

Vous m'avez, Meffieurs, affocié à vos travaux, vous m'avez élevé jufqu'à vous; & je vous rends graces de ce qu'il m'eft permis de vous connoître mieux, & de vous admirer de plus près.

Je vous rends graces de ce que vous m'avez donné un droit particulier d'écrire la vie & les actions de notre jeune Monarque. Puiffe-t-il aimer à entendre les éloges que l'on donne aux Princes pacifiques! Que le pouvoir immenfe, que Dieu a mis entre fes mains, foit le gage du bonheur de tous ! que toute la terre repose sous fon trône! qu'il foit le Roi d'une nation & le protecteur de toutes les autres! que tous les peuples l'aiment; que fes fujets l'adorent; & qu'il n'y ait pas un feul homme dans l'univers qui s'afflige de fon bonheur & craigne fes profpérités! Périffent enfin ces jaloufies fatales qui rendent les hommes ennemis des hommes! Que le fang humain, ce fang qui fouille toujours la terre, foit épargné! & que, pour parvenir à ce grand objet, ce Miniftre néceffaire au monde, ce Miniftre, tel que le peuple François auroit pu le demander au ciel, ne celle de donner ces confeils qui vont au cœur du Prince, toujours prêt de faire le bien qu'on lui propose, ou à réparer le mal qu'il n'a point fait, & que le temps a produit!

LOUIS nous a fait voir que, comme les peuples font foumis aux lois, les Princes le font à leur parole facrée : que les grands Rois, qui ne fauroient être liés par une autre puiffance, le font in

vinciblement par les chaînes qu'ils fe font faites, comme le Dieu qu'ils représentent, qui eft toujours indépendant & toujours fidele dans fes promeffes.

Que de vertus nous préfage une foi fi religieufement gardée! Ce fera le deftin de la France, qu'après avoir été agitée fous les VALOIS, affermie fous HENRI, agrandie fous fon fucceffeur, victorieufe & indomptable fous LOUIS LE GRAND; elle fera entiérement heureuse fous le re

gne de celui qui ne fera point forcé à vaincre, & qui mettra toute fa gloire à gouverner.

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