& la paix feroit la premiere loi naturelle. Le défir que Hobbes donne d'abord aux hommes, de fe fubjuguer les uns les autres, n'eit pas raisonnable. L'idée de l'empire & de la domination eft fi compofée, & dépend de tant d'autres idées, que ce ne feroit pas celle qu'il auroit d'abord. HOBBES demande pourquoi, fi les hommes ne font pas naturellement en état de guerre, ils vont toujours armés ? & pourquoi ils ont des clefs pour fermer leurs maifons? Mais on ne fent pas que l'on attribue aux hommes avant l'établiffement des fociétés, ce qui ne peut leur arriver qu'après cet établiffement, qui leur fait trouver des motifs pour s'attaquer & pour fe défendre. Au fentiment de fa foibleffe, l'homme joindroit le fentiment de fes befoins. Ainfi une autre loi naturelle feroit celle qui lui infpireroit de chercher à fe nourrir. J'ai dit que la crainte porteroit les hommes à fe fuir: mais les marques d'une crainte réciproque les engageroient bientôt à s'approcher. D'ailleurs ils y feroient portés avec le plaifir qu'un animal fent à l'approche d'un animal de fon efpece. De plus, ce charme que les deux fexes s'infpirent par leur différence, augi enteroit ce plaifir; & la priere naturelle qu'ils fe font toujours l'un à l'autre, feroit une troisieme loi. Outre le fentiment que les hommes ont d'abord, ils parviennent encore à avoir des connoiffances; ainfi ils ont un fecond lien que les autres animaux n'ont pas. Ils ont donc un nouveau motif de s'unir; & le defir de vivre en fociété eft une quatrieme loi naturelle. CHAPITRE II I. Des Lois pofitives. I-TÔT que les hommes font en fociété, ils perdent le fentiment de leur foibleffe; l'égalité qui étoit entr'eux ceffe, & l'état de guerre commence. Chaque fociété particuliere vient à fentir fa force; ce qui produit un état de guerre de nation à nation. Les particuliers dans chaque fociété commencent à fentir leur force; ils cherchent à tourner en leur faveur les principaux avantages de cette fociété, ce qui fait entr'eux un état de guerre. Ces deux fortes d'état de guerre font établir les lois parmi les hommes. Confidérés comme habitans d'une fi grande planete, qu'il eft néceffaire qu'il y ait différens peuples, ils ont des lois dans le rapport que ces peuples ont entr'eux; & c'eft le DROIT DES GENS. Confidérés comme vivant dans une fociété qui doit être maintenue, ils ont des lois dans le rapport qu'ont ceux qui gouvernent avec ceux qui font gouvernés; & c'eft le DROIT POLITIQUE. Ils en ont encore dans le rapport que tous les citoyens ont entr'eux; & c'eft le DROIT CIVIL. Le droit des gens eft naturellement fondé fur ce principe; que les diverfes nations doivent fe faire dans la paix le plus de bien, & dans la guerre le moins de mal qu'il eft poffible, fans nuire à leurs véritables intérêts. L'objet de la guerre, c'eft la victoire; celui de la victoire, la conquête ; celui de la conquête, la confervation. De ce principe & du précédent doivent dériver toutes les lois qui forment le droit des gens. Toutes les nations ont un droit des gens; & les Iroquois mêmes, qui mangent leurs prifonniers, en ont un. Is envoient & reçoivent des ambaffades; ils connoiffent des droits de la guerre & de la paix le mal eft que ce droit des gens n'eft pas fondé fur les vrais principes. Outre le droit des gens qui regarde toutes les fociétés, il y a un droit politique pour chacune. Une fociété ne fauroit fubfifter fans un gouvernement. La réunion de toutes les forces particu lieres, dit très-bien GRAVINA, forme ce qu'on appelle l'état politique. pou La force générale peut être placée entre les mains d'un feul, ou entre les - mains de plufieurs. Quelques-uns ont pensé que la nature ayant établi le voir paternel, le gouvernement d'un feul étoit le plus conforme à la nature. Mais l'exemple du pouvoir paternel ne prouve rien. Car fi le pouvoir du. pere a du rapport au gouvernement d'un feul, après la mort du pere, le pouvoir des freres, ou après la mort des freres, celui des coufins germains, ont du rapport au gouvernement de plufieurs. La puiffance politique comprend néceffairement l'union de plufieurs familles. Il vaut mieux dire que le gouvernement le plus conforme à la nature, eft celui dont la difpofition particuliere fe rapporte mieux à la difpofition du peuple pour lequel il est établi. Les forces particulieres ne peuvent fe réunir, fans que toutes les volontés fe réuniffent. La réunion de ces volontés, dit encore très-bien GRAVINA, eft ce qu'on appelle l'ÉTAT CIVIL. La loi, en général, eft la raison humaine, entant qu'elle gouverne tous les peuples de la terre, & les lois politiques & civiles de chaque nation, ne doivent être que les cas particuliers où s'applique cette raifon humaine. Elles doivent être tellement propres au peuple pour lequel elles fon faites, que c'eft un très-grand hafard fi celles d'une nation peuvent convenir à une autre. Il faut qu'elles fe rapportent à la ture & au principe du gouvernement qui eft établi, ou qu'on veut établir; foit qu'elles le forment, comme font les lois politiques; foit qu'elles le maintiennent, comme font les lois civiles, |