Page images
PDF
EPUB

Elles doivent être relatives au phyfique du pays, au climat glacé, brûlant ou tempéré; à la qualité du terrein, à fa fituation, à fa grandeur; au genre de vie des peuples, laboureurs, chaffeurs, ou pafteurs: elles doivent fe rapporter au degré de liberté, que la conftitution peut fouffrir; à la religion des habitans, à leurs inclinations, à leurs richesses à leur nombre, à leur commerce, à leurs mœurs, à leurs manieres. Enfin, elles ont des rapports entr'elles; elles en ont avec leur origine, avec l'objet du légiflateur, avec l'ordre des chofes fur lefquelles elles font établies. C'est dans toutes ces vues qu'il faut les confidérer.

C'est ce que j'entreprends de faire dans cet ouvrage. J'examinerai tous ces rapports: ils forment tous enfemble ce que l'on appelle l'ESPRIT DES Lois.

Je n'ai point féparé les lois politiques des civiles: Car comme-je ne traite point des lois, mais de l'efprit des lois; & que cet efprit confifte dans les divers rapports que les lois peuvent avoir avec diverfes chofes ; j'ai dû moins fuivre l'ordre naturel des lois, que

celui de ces rapports & de ces choses.

J'examinerai d'abord les rapports que les lois ont avec la nature & avec le principe de chaque gouvernement: & comme ce principe a fur les lois une fuprême influence, je m'attacherai à le bien connoître ; & fi je puis une fois l'établir on en verra couler les lois comme de leur fource. Je pafferai enfuite aux autres rapports, qui femblent être plus particuliers.

[ocr errors]

LIVRE I I.

Des Lois qui dérivent directement de la nature du gouvernement.

CHAPITRE PREMIER.

De la nature des trois divers gouver

nemens.

IL yatrois efpeces de gouvernemens;

le RÉPUBLICAIN, le MONARCHIQUE, & le DESPOTIQUE. Pour en découvrir la nature, il fuffit de l'idée qu'en ont les hommes les moins inftruits. Je fuppofe trois définitions, ou plutôt trois faits : l'un que le gouvernement répu blicain eft celui où le peuple en corps, out feulement une partie du peuple, a la fouveraine puiffance: le monarchique, celui où un feul gouverne, mais par des lois fixes & établies: au lieu que dans le def potique, un feul, fans loi & fans regle, entraîne tout par fa volonté & par fes caprices.

Voilà ce que j'appelle la nature de chaque gouvernement. Il faut voir quelles font les lois qui fuivent directement de cette nature, & qui par conféquent font les premieres lois fondamentales.

CHAPITRE II. «

Du gouvernement républicain, & des Lois relatives à la démocratie.

L

ORSQUE dans la république, le peuple en corps a la fouveraine puiffance, c'eft une démocratie. Lorfque la fouveraine puiffance eft entre les mains d'une partie du peuple, cela s'appelle une ariftocratie.

Le peuple, dans la démocratie, eft à certains égards le monarque; à certains autres, il eft le fujet.

Il ne peut être monarque que par fes fuffrages qui font fes volontés. La volonté du fouverain eft le fouverain luimême. Les lois qui établiffent le droit de fuffrage, font donc fondamentales dans ce gouvernement. En effet, il est auffi important d'y régler comment par qui, à qui, fur quoi les fuffrages

doivent être donnés, qu'il l'eft dans une monarchie de favoir quel eft le monarque, & de quelle maniere il doit gouverner.

LIBANIUS (a) dit, qu'à Athenes un étranger qui fe méloit dans l'affemblée du peuple, étoit puni de mort. C'est qu'un tel homme ufurpoit le droit de fouveraineté.

Il eft effentiel de fixer le nombre des citoyens qui doivent former les affemlées; fans cela on pourroit ignorer fi le peuple a parlé, ou feulement une partie du peuple. A Lacédémone, il falloit dix mille citoyens. A Rome, née dans la petiteffe pour aller à la grandeur; à Rome, faite pour éprouver toutes les viciffitudes de la fortune; à Rome, qui avoit tantôt presque tous fes citoyens hors de fes murailles tantôt toute l'Italie & une partie de la terre dans fes murailles on n'avoit point fixé ce nombre (b); & ce fut une des grandes caufes de fa ruine.

[ocr errors]
[ocr errors]

Le peuple qui a la fouveraine puiffance, doit faire par lui-même tout ce qu'il peut bien faire; & ce qu'il ne

:) Déclamations 17 & 18.

(b) Voyez les confidérations fur les caufes de la grandeur des Romains & de leur décadence, chap. IX. Paris, 1755

« PreviousContinue »