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dié dans le sanctuaire de ces déesses un siècle environ après l'établissement de leur culte (vers 580 avant J-.C.).

On objectera peut-être qu'Athéna n'est pas représentée. Mais, d'abord, elle pouvait être figurée en peinture seulement; un bas-relief aussi plat, où si peu de détails sont indiqués sur les vêtements, devait être entièrement peint. En second lieu, comme nous allons le voir, il existe toute une série de vases où est représentée non pas la naissance d'Athéna, mais la minute qui précède immédiatement sa naissance, celle où Zeus, en proie aux douleurs de l'enfantement, est veillé ou, plus rarement, soulagé par les Ilithyes.

Ce mythe n'est raconté ni dans l'Iliade, ni dans l'Odyssée, ce qui ne veut pas dire qu'il soit plus récent, car le caractère de naïveté grossière qui le distingue semble impliquer une antiquité très haute'. Il se trouve indiqué dans le XXVIII hymne homérique, puis, augmenté de détails qui le précisent, dans la Théogonic dite d'Hésiode (v. 886-926) et dans un fragment d'une autre Théogonie que Galien nous a conservé d'après un ouvrage perdu de Chrysippe'. L'hymne à Apollon pythien, qu'on rapporte également à l'école d'Hésiode, fait mention de la naissance d'Athéna sortant de la tête de Zeus. D'après les scholies d'Apollonius (IV, 1312), Stésichore d'Himère, qui florissait vers 600 avant J.-C., aurait le premier raconté qu'Athéna naquit avec ses armes, témoignage qui crée une difficulté, la même tradition se trouvant déjà, comme nous l'avons dit, dans le XXVIII hymne homérique. La première mention du rôle d'Héphaistos, fendant la tête de Zeus avec son marteau, est dans Pindare. Nous savons par Pausanias' et par Philo

1. Il y a des allusions à la naissance miraculeuse d'Athéna dans l'lliade, V, 875, 880.

2. Galien, De placitis Hippocratis et Platonis lib. IX (éd. de Müller, III, p. 350). Pour tout ce qui suit, je renvoie à la dissertation de Rob. Schneider, Die Geburt der Athena, Vienne, 1880, et à l'article de Dümmler dans PaulyWissowa, t. I, p. 1985.

3. Il se pourrait bien que cet hymne fût postérieur aux premiers poèmes de Stésichore; mais il en faudrait d'autres preuves que l'opinion d'un érudit alexandrin.

4. Pindare, Olymp., VII, 35.

5. Pausanias, III, 17, 2.

dème1 que, dans le temple d'Athéna Chalkioikos à Sparte, Gitiadas avait représenté en bronze la naissance d'Athéna et que Hermès (et non Héphaistos) était figuré, une hache à la main, à côté du dieu. D'autres récits attribuaient cette intervention obstétricale à Palamaon ou à Prométhée 2. Quoi qu'il en soit, la légende de la naissance d'Athéna était populaire vers l'an 600 avant J.-C., mais particulièrement en Béotie et dans les pays doriens. Outre le sculpteur spartiate Gitiadas, on cite un peintre corinthien, Kléanthès, auteur d'une Naissance d'Athéna qu'on voyait dans un temple d'Artémis près d'Olympie'. Il n'est question nulle part d'anciennes œuvres d'art attiques ou ioniennes qui auraient représenté le même sujet.

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Les monuments connus jusqu'à présent étaient des peintures de vases, presques toutes à figures noires, des miroirs étrusques et le bas-relief du puteal de Madrid, imitation libre du fronton oriental du Parthénon". Cette œuvre de Phidias, sculptée vers 440, est, à notre connaissance, le seul exemple d'une représentation de la naissance d'Athéna dans l'art classique il faut la considérer comme le terme d'un développement dont le bas-relief récemment découvert marque le début. On ne peut savoir à quelle époque se rapporte une sculpture vue par Pausanias sur l'Acropole d'Athènes, Athéna sortant de la tête de Zeus, ni à quelle école de statuaire elle appartenait. Le tableau décrit par Philostrate' est une œuvre savante qui, par son isolement même, se place en dehors de la série que nous étudions. En somme, l'importance de notre bas-relief est d'autant plus grande pour l'histoire de l'art qu'il est le seul monument en pierre de cette

1. Philodème, Пept evσebeiaç, 59 (éd. Gomperz, p. 31), témoignage omis dans les Schriftquellen d'Overbeck.

2. Schol. Pind. Olymp., VII, 66; Eurip., lon, 452.

3. Strabon, VIII, 343; Athénée, VIII, 346, B, C (Overbeck, Schriftquellen, 382 et 383).

4. Schneider, op. laud., p. 9 et suiv., pl. I.

5. Schneider, op. laud., p. 8.

6. Pausanias, I, 24, 2.

7. Philostrate, Imag., II, 27.

série qui nous soit parvenu, le seul qui provienne certainement de la côte asiatique et le seul qui ait été employé comme ex-voto. En outre, les ressemblances frappantes qu'il présente avec les vases peints reproduisant le même épisode, non moins que les divergences que cette comparaison permet de constater, fournissent matière à des réflexions multiples, dont nous allons soumettre quelques-unes à nos lecteurs, avec la certitude de ne point épuiser du premier coup une question qui en fait naître tant d'autres.

III

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Le dernier auteur quì ait étudié, dans leur ensemble, les monuments relatifs à la naissance d'Athéna, a énuméré trentecinq vases sur lesquels cette scène est représentée. Ces vases se divisent en quatre séries, suivant qu'Athéna est figurée sortant en armes de la tête de Zeus que Zeus est assis, en proie aux dernières douleurs de l'enfantement qu'Athéna nouvellement née est debout sur les genoux de son père enfin que la déesse, déjà grande, est admise parmi les dieux de l'Olympe. Les deux premiers groupes, comprenant trente vases, doivent seuls nous occuper ici, puisqu'ils comportent seuls des rapprochements instructifs avec l'ex-voto chalcédonien.

Une première observation qui s'impose, c'est que, de ces trente vases, il n'y en a que trois à figures rouges. De ces trois, l'un, au Musée Britannique, est bien à figures rouges, mais dans le style des vases à figures noires'; il doit appartenir tout à fait au début du v° siècle. Le second (autrefois dans la collection Piot, n° 8 du catalogue de Lenormant) n'a pas été publié ; le troisième, également au Musée Britannnique*, offre le même caractère archaïque que le premier. Le second groupe de vases, celui qui correspond le plus exactement à

1. Élite, 1, 64, 65.

2. Élite, 1, 63.

notre bas-relief- parce qu'il représente le moment qui précède la naissance - comprend exclusivement des vases à figures noires. En résumé, le motif qui nous occupe appartient à l'art du vi° siècle; il est absolument inconnu de la céramique à figures rouges du beau style. Rayet a donc eu tort d'écrire que la naissance d'Athéna était un « sujet national pour les Athéniens»; bien au contraire, si l'on fait abstraction du fronton oriental du Parthénon, on peut dire que le sujet n'est pas attique du tout, du moins à partir des guerres médiques. Mais peut-on dire que cet épisode de la fable ait été familier aux Athéniens du vi° siècle? Nous avons déjà vu que les témoignages littéraires ne nous y inclinent pas; les monuments de la céramique vont nous conduire à la même conclusion.

Autant qu'on peut en juger par ceux des trente vases qui ont été publiés, les scènes qui les décorent dérivent d'un modèle unique ou d'un groupe de modèles apparentés, appartenant au milieu ou plutôt au début du vi° siècle. Il ne serait même pas impossible que ces vases fussent sortis d'un unique atelier. Presque tous, en effet, ont été exhumés à Caere et à Vulci; presque tous sont des amphores (24 sur 30). Cet atelier était, suivant toute vraisemblance, établi à Athènes : mais les artistes qu'il occupait étaient-ils Athéniens? Il y a de bonnes raisons d'en douter.

Constatons, avant d'aller plus loin, qu'on ne possède pas une seule représentation de la naissance d'Athéna ni dans la céramique corinthienne, ni dans la série ionienne (peut-être samienne ou milésienne) des hydries de Caere. Les recueils de MM. Wilisch et Endt permettent d'être affirmatif à cet égard, sous la réserve de découvertes ultérieures.

D'autre part, deux des vases où est figurée la naissance d'Athéna portent des inscriptions qui ne peuvent être attiques et qui nous obligent à chercher ailleurs la patrie de ceux qui les ont peints.

4. Rayet et Collignon, Céramique grecque, p. 102.

IV

Le premier est une amphore de Caere, conservée au Musée de Berlin'. Les personnages sont désignés par leurs noms, parmi lesquels on remarque les suivants : ABEVS (Aɛúş), ΚΟΕΛΙΟΣ (Κυέλνιος = Κυλλήνιος). La graphie ABEVS pour Zeug a donné lieu à une singulière hypothèse qui, proposée par M. Loeschcke, a été adoptée par MM. de Wilamowitz et Wackernagel. Le peintre, a t-on dit, avait sous les yeux un modèle corinthien, où le nom de Zeus était écrit ABVM. A quoi il suffit de répondre : 1° que de ABYM à ABEYΣ il y a loin; 2° que le motif en question n'est pas corinthien, puisqu'il est étranger à la céramique corinthienne; 3° que les Corinthiens. disaient Zeug et non Acús1. En réalité, le ▲ initial nous oblige à chercher une région où le Z vulgaire est remplacé par un ▲. Or, la forme ▲ɛús est béotienne et laconienne' et il paraît, d'autre part, que les Mégariens disaient pźèèx et pèère pour μáša et xpýšete, c'est-à-dire que là où le Grec d'Athènes prononçait, ils faisaient entendre un double . Comme il ne peut être question d'un céramiste laconien en Attique, on peut choisir entre un Béotien et un Mégarien. Mais, en Boétie, le B n'a jamais que sa valeur ordinaire, de sorte que la graphie Aßus y est impossible. En revanche, le mégarien, comme le corinthien, connaît un BE, qui est attesté dans deux textes du vi° siècle, de sorte que la graphie Aẞsuç s'explique facilement, dans la paléographie mégarienne, par le redoublement de l'e. Sur le même vase de Caere on lit KQVEANIOS, c'est-à-dire Kqueλvos, comme épithète d'Hermès.

1. Monumenti, IX, 55; Furtwangler, Berl. Vasen, 1704.
2. Cf. Kretschmer, Griech. Vaseninschriften, p. 103.
3. Meyer, Griech. Grammatik, p. 256.

4. Kretschmer (op. laud., p. 103), après Schneider, révoque en doute ce témoignage, conservé par les Acharniens d'Aristophane (v. 732, 734); mais le fait que les inscriptions mégariennes donnent Ζεύξις, Ζώπυρος, etc., ne prouve rien, ces textes étant relativement récents.

5. Roberts, Introd. to Greek epigr., nos 113 et 113 a; C. I. G. S., I, 35 et 37.

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