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que deux

du vase auquel est consacré le présent article monuments d'assez basse époque. Le premier est une fibule circulaire mérovingienne, où le svastika se compose de quatre protomés d'oiseau (et non de serpents)'; le second est une monnaie d'Ujjarin dans le nord de l'Inde, où les branches en retour du svastika sont constituées par des têtes d'oiseaux à bec recourbé (fig. 8). En attendant que l'on puisse citer des exemples plus anciens, ceux que je viens de rappeler ont leur intérêt et prêtent un certain appui à l'hypothèse de M. K. von den Steinen ".

Je ne veux pas exposer ici ce que le même auteur, emporté par sa fougue ingénieuse, a écrit sur les huttes-cabanes d'Albano, dont les ornements incisés lui paraissent représenter schématiquement autant de cigognes, de cigogneaux et de lézards. Non seulement il reconnaît, dans certaines fusaïoles, les images de nids de cigognes, mais il voit l'image de ces nids dans les cercles à point central qui figurent souvent, sur les fusaïoles, à côté des svastikas. Les points qui cantonnent les croix seraient les quatre œufs de la cigogne. Même le méandre devrait son origine à un alignement de cigogneaux stylisés. Sur les vases-ossuaires de Villanova, le svastika au centre d'un ou plusieurs carrés serait aussi l'image de la cigogne sur son nid. Comme les cigognes ne pondent pas en Italie, M. von den Steinen se croit même autorisé à conclure

1. Bertrand, La religion des Gaulois, p. 157, fig. 19.

2. Numismatic Chronicle, t. XX, pl. II; Archaeol., t. XLVIII, 2, pl. XIX, 29. M. Hill a bien voulu m'envoyer des empreintes de trois de ces monnaies. 3. Si l'on disposait d'un album assez complet reproduisant les monuments où figurent des svastikas, des ornements serpentiformes et en S, des croix, des oiseaux schématiques, etc., on pourrait sans doute établir beaucoup de faits intéressants, que la dispersion actuelle des matériaux rend très difficiles à contrôler. Ainsi, je suis frappé de l'alternance et de la correspondance des oiseaux, des motifs serpentiformes et en S (Montelius, Civil. primitive, pl. 85, 92); il semble que le signe S, si fréquent sur les monuments gaulois, dérive du type stylisé de l'oiseau ou bien qu'il l'ait inspiré. Dans la poterie primitive de l'Egypte, on voit nettement l'image d'un grand oiseau dégénérer en ornement affectant la forme d'un S (Schweinfurth, Ornamentik der ältesten Culturepoche Aegyptens, in Verh. Berl. Ges., 1897, p. 394). D'autre part, il y a des séries de grands échassiers en marche sur de très anciens tessons de vases découverts à Suse (Morgan, Rech. archéol. à Suse, 1900, pl. XX et p. 188).

que les motifs des ossuaires de Villanova sont importés... Il y a certainement, dans tout cela, bien des témérités, dont une critique superficielle a pu et pourrait s'autoriser encore pour refuser tout crédit à la partie essentielle de la thèse soutenue par l'auteur'. J'avoue m'être laissé aller autrefois à cette impression fâcheuse et n'avoir pas rendu, à l'ingéniosité de M. K. von den Steinen, la justice qui lui est certainement due. La publication du vase béotien du Musée de Madrid, en m'inclinant à poursuivre des recherches dans la même voie, m'a rappelé l'opuscule que j'avais parcouru trop rapidement et m'a fait trouver, à le relire, un vif intérêt. Voilà donc un tort réparé. Mais je tiens à dire que je ne suis pas encore convaincu de l'origine animale des motifs du triscèle et de la croix gammée. Il est toujours possible que ces motifs décoratifs, peut être même symboliques (ils le sont sûrement devenus), aient suggéré des formes animales et aient été parfois modifiés en conséquence. Dans deux mémoires, publiés dans la Revue archéologique et dans L'Anthropologie, sur la représentation du galop et sur la sculpture en Europe avant les influences grécoromaines, j'ai eu l'occasion de montrer combien l'art primitif de l'Europe a facilement cédé à la tendance de transformer en protomés d'animaux, en particulier d'oiseaux, les extrémités terminales des objets, par exemple les bois de cervidés. Étant donnés un motif naturaliste et le même motif stylisé, comment affirmer à priori que le premier est antérieur au second? Il y a des exemples nombreux de l'un et l'autre processus. On ne peut donc considérer comme établi que le svastika et le triscèle aient été primitivement des oiseaux ou des poulpes, du fait que certains svastikas et triscèles se présentent à nous avec des formes animales; la preuve ne serait faite que si les svastikas et triscèles en question étaient incontestablement plus anciens que les exemplaires purement géomé

1. Ce qui doit nous mettre en défiance contre les prétendus idéogrammes du nid, de la couveuse, etc., c'est que l'on ne trouve pas, à ma connaissance du moins, de représentation naturaliste de ces objets. Je ne croirai au nid schématique que lorsqu'on me l'aura fait voir à côté d'un nid non schématique, comme le svaslika à côté de l'oiseau.

triques, ce qui n'est pas. Je termine donc ce petit mémoire sur un point d'interrogation ou plutôt sur deux, car il n'est pas moins nécessaire de placer sous la sauvegarde de ce signe aussi tutélaire que le svastika - les développements où je suis entré sur la cigogne et le totémisme des Pélasges.

Inventio Ancorae'

Les Grecs d'Homère ne connaissaient pas encore les ancres de métal; ils se servaient de grosses pierres, eva', qui, attachées au navire par des cables, étaient descendues jusqu'au fond de l'eau pour faire contre-poids à l'action des flots et du vent.

Nombre d'auteurs modernes attribuent l'invention de l'ancre au roi Midas. Avant de démontrer que cela résulte d'un contre-sens, je vais citer en note quelques passages d'ouvrages autorisés qui se sont faits les échos de cette erreur'.

Le passage unique de Pausanias, auquel renvoient tous ces auteurs, est relatif à la ville d'Ancyre, fondée par Midas, dont le Périégète explique ainsi le nom: "Ayxupz è, qy & Mixę áveûpev, ¡y ëtɩ xai és éμè èv iepữ) Atós ». Ce qui signifie : « L'ancre qu'avait découverte Midas était encore de mon temps dans le temple de Zeus' ».

Les modernes ont cru qu'il s'agissait d'une découverte, au

1. [Extrait des Mélanges Boissier, Paris, Fontemoing, 1903, p. 415-418.] 2. Homère, Odyssée, IX, 137; XV, 498; Iliade, 1, 436. Il en était de même dans l'Europe occidentale; une « pierre d'ancre » a été découverte à Nidau (Matériaux pour l'histoire de l'homme, t. XXI, p. 104).

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3. Saglio, Dictionnaire des Antiquités, t. I, p. 267 : « L'ancre à deux bras a une origine fort douteuse. Pausanias en attribue l'invention à Midas, roi de Phrygie... ; Luebeck, art. Anker, daus la Real-Enkyklopädie de PaulyWissowa « Während die Erfindung eisener Ankern... von Pausanias, I, 4, 5 dem phrygischen König Midas zugeschrieben wird... »; Kuhnert, art. Midas, dans le Lexikon der Mythologie de Roscher, p. 2960: « Die dem König zugeschriebene Erfindung des Ankers, der im Zeustempel zu Ankyra gezeigt wurde (Paus., I, 4, 5 ..; Torr, Ancient ships (Cambrige, 1894, p. 70): "Some sort of anchor had already been invented by Midas, according to Pausanias, 1, 4, 5 ».

4. M. Frazer traduit (Pausanias, t. I, p. 6): The anchor which Midas found still existed, even down to my time, in the sanctuary of Zeus. Il ne donne aucun éclaircissement dans son commentaire (t. II, p. 74).

sens où nous disons que Graham Bell a découvert le téléphone; or il est évident qu'il s'agit d'une rencontre, c'est-àdire encore d'une découverte, mais au sens où nous disons que le paysan Yorgos a découvert la Vénus de Milo.

Cette ancre, que le hasard fit trouver au roi Midas, probablement sur la colline « haute, étroite et longue » où s'éleva plus tard la ville d'Ancyre, dont on lui attribuait la fondation, était conservée comme une précieuse relique dans le temple de Zeus; la ville lui devait son nom, comme la colline du Capitole à Rome tenait, disait-on, le sien de la découverte d'une tête humaine faite en creusant les fondations du temple de Jupiter'.

Le double sens qu'offrent les mots súpisxev et invenire a sans doute encombré l'« histoire des inventions » de plus d'une légende non moins fragile que celle de l'invention de l'ancre métallique par Midas. Ici, le contre-sens a été commis par les modernes sur un texte, d'ailleurs suffisamment clair, de Pausanias; mais les anciens déjà étaient tombés dans des erreurs analogues. On lit dans Pline: Obliquam tibiam invenit Midas in Phrygia; geminas tibias Marsyas in eadem gente. » Or, nous connaissons d'autre part une tradition, dont s'était inspiré le célèbre sculpteur Myron, dans son groupe d'Athéna et Marsyas sur l'Acropole d'Athènes, suivant laquelle Marsyas aurait découvert (mais non inventé) une double flûte qu'Athéna avait jetée de dépit, parce qu'elle trouvait qu'en jouant de cet instrument elle altérait la beauté de son visage. Cet incident se serait produit en Phrygie3. Pline n'est d'ailleurs pas le premier qui se soit autorisé de cette légende pour faire de Marsyas l'inventeur de la flûte; déjà

1. Varron, De lingua latina, V, 4.

2. Un contre-sens plus excusable, parce que le texte sur lequel on se fondait était corrompu, a introduit dans le Lexikon de Roscher un certain inventeur mythique, Kyropalatès (cf. Th. Reinach, Un intrus byzantin dans le Panthéon hellénique, in Byzantinische Zeitschrift, 1900, p. 52).

3. Pline, Hist. Nat.. VII, 57.

4. Voir les textes et les monuments dans l'article Marsyas du Lexikon de Roscher.

5, Anthol. Palat., IX, 266; Claudien, XX, 355.

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