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Fauftinien ayant écrit au même empereur, qu'ayant juré, par la vie du prince, qu'il ne pardonneroit jamais à son esclave; il fe voyoit obligé de perpétuer fa colere, pour ne pas fe rendre coupable du crime de lese - majesté : Vous avez pris de vai, nes terreurs (†), lui répondit l'empereur; & vous ne connoiffez pas mes maxi

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Un fénatus- confulte (4) ordonna que celui qui avoit fondu des ftatues de l'empereur, qui auroient été réprouvées, ne feroit point coupable de lefé - majesté. Les empereurs Sévere & Antonin écrivirent à Pontius (S) que celui qui vendroit des ftatues de l'empereur non confacrées, ne tomberoit point dans le crime de lefe - majesté. Les mêmes empereurs écrivirent à Julius Caffianus, que celui qui jetteroit, par hazard, une pierre contre une ftatue de l'empereur, ne devoit point être pourfuivi comme criminel de lefe- majefté (**). La loi Julie demandoit ces fortes de modifications: car elle avoit rendu coupables de lese - majesté, non-feulement ceux qui fon

(†) Alienam fecta mea folicitudinem concepifti. Leg. 2, cod. ad leg. Jul. maj.

(4) Voyez la loi 4, au ff. ad leg. Jul. maj. (S) Voyez la lois, au ff. ad leg. Jul. maj. (**) Ibid.

fondoient les ftatues des empereurs, mais ceux qui commettoient quelque action femblable (tt); ce qui rendoit ce crime arbitraire. Quand on eut établi bien des crimes de lefe - majesté, il fallut néceffairement diftinguer ces crimes. Auffi le jurisconfulte Ulpien, après avoir dit que l'accufation du crime de lefe - majefté ne s'éteignoit point par la mort du coupable, ajoute-t-il, que cela ne regarde pas tous (44) les crimes de lefe - majefté établis par la loi Julie; mais feulement celui qui contient un attentat contre l'empire, ou contre la vie de l'empereur.

UNE

CHAPITRE X.

Continuation du même sujet.

NE loi d'Angleterre paffée fous Henri VIII, déclaroit coupable de haute trahifon tous ceux qui prédiroient la mort du roi. Cette loi étoit bien vague. Le defpotifme eft fi terrible, qu'il fe tourne

même

(tt) Aliudve quid fimile admiferint. Leg. 6. ff. ad leg. Jul. maj.

(+4) Dans la loi derniere, au ff. ad leg. Jul. maj.

même contre ceux qui l'exercent. Dans la derniere maladie de ce roi, les médeeins n'oferent jamais dire qu'il fût en danger; & ils agirent, fans doute, en con féquence (*).

CHAPITRE XI.

Des pensées.

UN Marfias fongea qu'il coupoit la gorge

à Denys (†). Celui-ci le fit mourir, difant qu'il n'y auroit pas fongé la nuit, s'il n'y eût penfé le jour. C'étoit une grande tirannie: car, quand même il y auroit penfé, il n'avoit pas attenté (4). Les loix ne fe chargent de punir que les actions extérieures.

CHA..

(*) Voyez l'hiftoire de la réformation par Mr. Burnet.

(†) Plutarque, vie de Denys.

(4) Il faut que la pensée soit jointe à quelque forte d'action,

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CHAPITRE XII.

Des paroles indifcrettes.

RIEN ne rend encore le crime de lefemajefté plus arbitraire, que quand des paroles indifcrettes en deviennent la matiere. Les difcours font fi fujets à interprétation, il y a tant de différence entre l'indifcrétion & la malice, & il y en a fi peu dans les expreffions qu'elles emploient, que la loi ne peut guere foumettre les paroles à une peine capitale, à moins qu'elle ne déclare expreffément celles qu'elle y foumet (*).

Les paroles ne forment point un corps de délit; elles ne restent que dans l'idée. La plupart du temps elles ne fignifient point par elles-mêmes, mais par le ton dont on les dit. Souvent, en redifant les mêmes paroles, on ne rend pas le même fens: ce fens dépend de la liaifon qu'elles ont avec d'autres chofes. Quelquefois le filence exprime plus que tous les difcours. Il

(*) Si non tale fit delictum, in quod vel fcriptura legis defcendit, vel ad exemplum legis vindicandum eft, dit Modeftinus dans la loi 7, au ff. ad leg. Jul. maj.

Il n'y a rien de fi équivoque que tout cela. Comment donc en faire un crime de lefemajefté? Par - tout où cette loi est établie, non feulement la liberté n'eft plus, mais fon ombre même.

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Dans le manifefte de la feue czarine donné contre la famille d'Olgourouki (†), un de ces princes eft condamné à mort, pour avoir proféré des paroles indécentes qui avoient du rapport à fa perfonne; un autre pour avoir malignement interprété fes fages difpofitions pour l'empire, & of fenfé fa perfonne facrée par des paroles peu refpectueufes.

Je ne prétends point diminuer d'indignation que l'on doit avoir contre ceux qui veulent flétrir la gloire de leur prince: mais je dirai bien que, fi l'on veut modérer le defpotifme, une fimple punition correctionnelle conviendra mieux dans ces occafions, qu'une accufation de lefe - majefté toujours terrible à l'innocence même (+).

Les actions ne font pas de tous les jours; bien des gens peuvent les remarquer; une fauffe

(†) En 1740.

(4) Nec lubricum lingua ad panam facilè traben“ dum eft, Modeftin dans la loi 7, au ff. ad leg. Jul. maj.

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