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CHAPITRE IX.

Du terrein de l'Amérique.

E qui fait qu'il y a tant de nations fauvages en Amérique, c'eft que la terre y produit d'elle même beaucoup de fruits dont on peut fe nourrir. Si les femmes y cultivent autour de la cabane un morceau de terre, le maïs y vient d'abord. La chaffe & la pêche achevent de mettre les hommes dans l'abondance. De plus, les animaux qui paiffent, comme les bœufs, les buffles, &c. y réuffiffent mieux que les bêtes carnacieres. Celles-ci ont eu de tous temps l'empire de l'Afrique.

Je crois qu'on n'auroit point tous ces avantages en Europe, fi l'on y laiffoit la terre inculte; il n'y viendroit guere que des forêts, des chênes & autres arbres ftériles.

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CHAPITRE X..

Du nombre des hommes, dans le rapport avec la maniere dont ils Je procurent la fubfiflance.

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UAND les nations ne cultivent pas les terres voici dans quelle proportion le nombre des hommes s'y trouve. Comゴ me le produit d'un terrein inculte eft au produit d'un terrein cultivé, de même le nombre des fauvages, dans un pays eft au nombre des laboureurs dans un autre: & quand le peuple qui cultive les terres, cultive auffi les arts, cela fuit des proportions qui demanderoient bien des détails.

Ils ne peuvent guere former une grande nation. S'ils font pafteurs, ils ont befoin d'un grand pays, pour qu'ils puiffent fubfifter en certain nombre: s'ils font chasfeurs, ils font encore en plus petit nombre; & forment, pour vivre, une plus petite nation.

Leur pays eft ordinairement plein de forêts; & comme les hommes n'y ont point donné de cours aux eaux, il eft rempli de marécages où chaque troupe fe cantonne & forme une patite nation. CHA

CHAPITRE XI.

Des peuples fauvages, & des peuples
barbares.

Ly a cette différence entre les peuples fauvages & les peuples barbares, que les premiers font de petites nations difperfées qui, par quelques raifons particulieres, ne peuvent pas fe réunir; au lieu que les barbares font ordinairement de petites nations qui peuvent fe réunir. Les premiers font ordinairement des peuples chaffeurs; les feconds, des peuples pasteurs. Cela fe voit bien dans le nord de l'Afie. Les peuples de la Sibérie ne fauroient vivre en corps, parce qu'ils ne pourroient fe nourrir; les Tartares peuvent vivre en corps pendant quelque temps, parce que leurs troupeaux peuvent être raffemblés pendant quelque temps. Toutes les hordes peuvent donc fe réunir; & cela fe fait lorfqu'un chef en a foumis beaucoup d'autres: après quoi, il faut qu'elles faffent de deux chofes l'une, qu'elles fe féparent, ou qu'elles aillent faire quelque grande conquête dans quelque empire du midi.

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CHAPITRE XII.

Du droit des gens chez les peuples qui ne cultivent point les terres.

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Es peuples ne vivant pas dans un terrein limité & circonfcrit, auront entr'eux bien des fujets de querelle; ils fe difputeront la terre inculte, comme parmi nous les citoyens fe difputent les héritages. Ainfi ils trouveront de fréquentes occafions de guerre pour leurs chaffes; pour leurs pêches, pour la nourriture de leurs beftiaux, pour l'enlèvement de leurs efclaves; & n'ayant point de territoire, ils auront autant de chofes à régler par le droit des gens, qu'ils en auront peu à décider par le droit civil.

CHAPITRE XIII.

Des loix civiles chez les peuples qui ne cultivent point les terres.

CEST le partage des terres qui groffit

principalement le code civil. Chez les

nations

nations où l'on n'aura pas fait ce partage, il y aura très-peu de loix civiles.

On peut appeller les inftitutions de ces peuples, des mœurs plutôt que des loix.

Chez de pareilles nations, les vieillards qui fe fouviennent des chofes paffées, ont une grande autorité; on n'y peut être distingué par les biens, mais par la main & par les confeils.

Ces peuples errent & fe difperfent dans les pâturages ou dans les forets. Le mariage n'y fera pas auffi affuré que parmi nous, où il eft fixé par la demeure & où la femme tient à une maison; ils peuvent donc plus aisément changer de femmes, en avoir plufieurs, & quelquefois fe mêler indifféremment comme les bêtes.

Les peuples pafteurs ne peuvent se séparer de leurs troupeaux qui font leur fubfiftance; ils ne fauroient non plus fe féparer de leurs femmes qui en ont foin. Tout cela doit donc marcher enfemble; d'autant plus que vivant ordinairement dans de grandes plaines, où il y a peu de lieux forts d'affiette, leurs femmes, leurs enfans, leurs troupeaux deviendroient la proie de leurs ennemis.

Leurs loix régleront le partage du butin; & auront, comme nos loix faliques, une attention particuliere fur les vols.

CHA

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