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Toi surtout, toi, César 41, qui sur des bords lointains
Soumets l'Inde tremblante à l'aigle des Romains.

Terre féconde en fruits 42, en conquérants fertile,
Salut! je chante un art à ta grandeur utile;
Du Permesse pour toi les canaux sont rouverts :
Hésiode aux Romains va parler dans mes vers.

Maintenant des terrains distinguons la nature,
Leur force et leur couleur, leurs fruits et leur culture.
D'abord le sol pierreux de ces arides monts,
D'argile entremêlés, hérissés de buissons,
De l'arbre de Pallas aime l'utile ombrage:
En veux-tu des garants? vois l'olivier sauvage
Sur ces coteaux chéris croître de toutes parts,
Et sur la terre au loin semer ses fruits épars.

Mais ces terrains féconds que la nature engraisse,
Qui regorgent de sucs, où croît une herbe épaisse,
Tels qu'au pied de ces rocs s'étend ce beau vallon,
Où l'eau des monts voisins porte un riche limon,
Si des feux du midi le soleil les éclaire,
S'ils présentent au soc l'importune fougère,

Assuetumque malo Ligurem, Volscos que verutos,
Extulit; hæc Decios, Marios, magnosque Camillos,
170 Scipiadas duros bello; et te, maxime Cæsar,
Qui nunc extremis Asiæ jam victor in oris
Imbellem avertis Romanis arcibus Indum.
Salve, magna parens frugum, Saturnia tellus,
Magna virum! tibi res antiquæ laudis et artis
Ingredior, sanctos ausus recludere fontes,
Ascræumque cano Romana per oppida carmen.
Nunc locus arvorum ingeniis : quæ robora cuique,
Quis color, et quæ sit rebus natura ferendis.
Difficiles primum terræ, collesque maligni,
180 Tenuis ubi argilla, et dumosis calculus arvis,
Palladia gaudent silva vivacis oliva.

Indicio est tractu surgens oleaster eodem
Plurimus, et strati baccis silvestribus agri.

At quæ pinguis humus, dulcique uligine læta,
Quique frequens herbis et fertilis ubere campus,

Ils te prodigueront des vins délicieux,

Ces vins brillant dans l'or, et versés pour les dieux,
Lorsque, auprès des taureaux immolés à leur gloire,
Le Toscan 43 sous ses doigts fait résonner l'ivoire.

Voudrais-tu faire envie aux bergers tes rivaux ?
Les forêts de Tarente appellent tes troupeaux :
Va dans ces prés ravis à ma chère Mantoue 44,
Où le cygne argenté sur les ondes se joue;
Là tout rit aux pasteurs, la beauté du vallon,
La fraîcheur des ruisseaux, l'épaisseur du gazon;
Et tout ce qu'un long jour consume de pâture
La plus courte des nuits le rend avec usure.
Enfin pour le froment choisis ces terrains forts,
Pleins de sucs au dedans, noirâtres au dehors,
Dont la terre est broyée, et pour qui la nature
Semble avoir épargné les frais de la culture.
Aucun champ ne verra tant de bœufs attelés
T'apporter à pas lents le tribut de ses blés.

Qualem sæpe cava montis convalle solemus
Dispicere; huc summis liquuntur rupibus amnes,
Felicemque trahunt limum; quique editus Austro,
Et filicem curvis invisam pascit aratris :
190 Hic tibi prævalidas olim multoque fluentes
Sufficiet Baccho vites; hic fertilis uvæ,

Hic laticis, qualem pateris libamus et auro,
Inflavit quum pinguis ebur Tyrrhenus ad aras,
Lancibus et pandis fumantia reddimus exta.

Sin armenta magis studium vitulosque tueri,
Aut fetus ovium, aut urentes culta capellas;
Saltus et saturi petito longinqua Tarenti,

Et qualem infelix amisit Mantua campum,
Pascentem niveos herboso flumine cycnos.
200 Non liquidi gregibus fontes, non gramina desunt;
Et, quantum longis carpent armenta diebus,
Exigua tantum gelidus ros nocte reponet.

Nigra fere, et presso pinguis sub vomere terra,
Et cui putre solum, namque hoc imitamur arando,
Optima frumentis: non ullo ex æquore cernes
Plura domum tardis decedere plaustra juvencis.

Tel encor ce terrain couvert d'un bois stérile,
Que son maître rougit de laisser inutile.
D'une main indignée il y porte le fer,

Détruit les vieux palais des habitants de l'air :
L'oiseau tremblant s'enfuit de ses toits qu'on ravage,
Et le soc rajeunit cette plaine sauvage.

Mais fuis ce mont pierreux 45, dont le maigre terrain Offre à peine à l'abeille un humble romarin ;

Fuis de ce tuf ingrat la rudesse indocile,

Et ce fond plein de craie où gît l'affreux reptile;
Aucun champ ne fournit à ses enfants impurs
Ni d'aliments plus doux ni d'asiles plus sûrs.
Pour ce terrain poreux 46 où l'air trouve un passage,
Qui pompe sa vapeur et l'exhale en nuage;
Que tapisse à nos yeux un gazon toujours frais,
Où le coûtre brillant ne se rouille jamais,
Ce fond se prête à tout, pourvu qu'on le cultive;
Il se couvre d'épis, il fait mûrir l'olive.

La vigne, si je veux, s'y marie aux ormeaux,
Ou dans des prés fleuris il nourrit mes troupeaux

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Aut unde iratus silvamı devexit arator,
Et nemora evertit multos ignava per annos,
Antiquasque domos avium cum stirpibus imis
210 Eruit illæ altum nidis petiere relictis ;

At rudis enituit impulso vomere campus.
Nam jejuna quidem clivosi glarea ruris
Vix humiles apibus casias roremque ministrat,
Et tophus scaber, et nigris exesa chelydris
Creta: negant alios æque serpentibus agros
Dulcem ferre cibum, et curvas præbere latebras.

Quæ tenuem exhalat nebulani fumosque volucres,
Et bibit humorem, et, quum vult, ex se ipsa remittit;
Quæque suo viridi semper se gramine vestit,

220 Nec scabie et salsa lædit rubigine ferrum,
Illa tibi lætis intexet vitibus ulmos;
Illa ferax oleæ est ; illam experiere colendo,
Et facilem pecori, et patientem vomeris unci.
Talem dives arat Capua, et vicina Vesevo

Telles on aime à voir 47 ces campagnes fécondes,
Que le Clain trop souvent engloutit sous ses ondes :
Tels les champs du Vésuve, et ces heureux vallons
Dont la riche Capoue admire les moissons.

Apprenons maintenant par quelle épreuve sûre
On peut des sols divers distinguer la nature.
Ici la terre est forte, et Cérès la chérit;
Ailleurs elle est légère, et Bacchus lui sourit.
Pour ne pas t'y tromper, que la bêche la sonde.
Creuse dans son enceinte une fosse profonde :
Ce qui vient d'en sortir, il faut l'y repousser;
Sur ce monceau poudreux bondis pour l'affaisser.
Descend-il sous les bords, cette terre est légère;
Là ton troupeau s'engraisse, ou ta vigne prospère.
Si cet amas épais, rebelle à ton effort,

Refuse de rentrer dans le lieu dont il sort,

A la plus forte terre il faut dès lors t'attendre :
Que tes plus forts taureaux gémissent pour la fendre.
Mais ce terrain amer qu'aucun soin n'adoucit,
Où l'arbre de Pallas jamais ne réussit,

Où le cep dégénère, où le blé craint de naître,
Apprends par quel moyen tu peux le reconnaître.

Ora jugo, et vacuis Clanius non æquus Acerris.
Nunc, quo quamque modo possis cognoscere, dicam.
Rara sit, an supra morem si densa, requiras;
Altera frumentis quoniam favet, altera Baccho;
Densa magis Cereri, rarissima quæque Lyæo :

230 Ante locum capies oculis, alteque jubebis

In solido puteum demitti, omnemque repones
Rursus humum, et pedibus summas æquabis arenas.
Si deerunt, rarum, pecorique et vitibus almis
Aptius, uber erit: sin in sua posse negabunt
Ire loca, et scrobibus superabit terra repletis,
Spissus ager; glebas cunctantes crassaque terga
Exspecta, et validis terram proscinde juvencis.

Salsa autem tellus, et quæ perbibetur amara,
Frugibus infelix (ea nec mansuescit arando,
240 Nec Baccho genus, aut pomis sua nomina servat),

Sous tes toits enfumés prends ces paniers de jones
Dont le tissu n'admet que de faibles rayons;
Ces vases du pressoir, où des raisins qu'on foule
En ruisseaux épurés le jus brillant s'écoule.
Là, pour mieux l'éprouver, j'ordonne que ta main
Détrempe d'une eau douce et presse ce terrain :
Ces eaux, pour s'échapper se frayant une route,
Coulent le long des joncs, et tombent goutte à goutte:
Alors fais-en l'essai; ton palais révolté

Connaît ce sol ingrat à leur triste âcreté.

Un sol maigre est celui qui, prompt à se dissoudre, Sitôt qu'on l'a touché, tombe réduit en poudre. Un terrain gras, semblable à la gomme des bois, S'amollit dans tes mains et s'attache à tes doigts. La hauteur de l'herbage annonce un fond humide : Ah! de ces jeunes blés crains la beauté perfide! De la couleur du sol l'œil décide aisément, Et la main de son poids t'informe sûrement : Mais son froid meurtrier coûte plus à connaître ; Quelquefois cependant les plantes qu'il fait naître,

Tale dabit specimen : tu spisso vimine qualos
Colaque prælorum fumosis deripe tectis :
Huc ager ille malus, dulcesque a fontibus unde
Ad plenum calcentur: aqua eluctabitur omnis
Scilicet, et grandes ibunt per vimina guttæ ;
At sapor indicium faciet manifestus, et ora
Tristia tentantum sensu torquebit amaror.

Pinguis item quæ sit tellus, hoc denique pacto
Discimus : haud unquam manibus jactata fatiscit,
230 Sed picis in morem ad digitos lentescit habendo.
Humida majores herbas alit, ipsaque justo
Lætior: ah! nimium ne sit mihi fertilis illa,
Neu se prævalidam primis ostendat aristis!
Quæ gravis est, ipso tacitam se pondere prodit,
Quæque levis. Promptum est oculis prædiscere nigram,
Et quis cui color: at sceleratum exquirere frigus
Difficile est; piceæ tantum, taxique nocentes
Interdum, aut hederæ pandunt vestigia nigræ.

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