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Pour moi, en étudiant sérieusement les évolutions chinoises au Seu-tch'ouan et au Yun-nan, il m'a toujours semblé avec le P. MARTIN que: Les Lo-lo n'ont jamais dù dépasser la rivière de Ya-tcheou 17 ni le T'ong ho 1, entre Kia-tin et Su-fou. Il y avait cependant des Indigènes au Seu-tch'ouan, soit avant l'arrivée des Lo-lo, soit avant l'arrivée des Chinois. Quels étaient ces peuples? Des Pa, selon l'histoire chinoise. Qu'étaient ces Pa? J'ignore!

Des Lo-lo du Léang-chan au Seu-tch'ouan se disent venus là-bas des frontières du Yun-nan-Koui-tcheou. La chose n'est pas pour étonner, vu que de nos jours encore, des nobles du Yun-nanKoui-tcheou vont prendre femme au Leang-chan, et vice-versa. Je connais moi-même une famille patricienne de Tchou-uen (P'in-y hien), laquelle est allée chercher un gendre au Leang-chan.

Ces Lo-lo du Leang-chan ne disaient-ils pas eux-mêmes au P. FENOUIL✶ en parlant du Yun-nan: «Vous autres Chinois nous appelez volontiers voleurs et brigands; c'est vous-mêmes qui êtes les spoliateurs. Toutes ces contrées ont appartenu à nos pères: ils en avaient toujours été les maîtres et paisibles possesseurs, quand les Chinois vinrent les en chasser injustement... Notre pays ne fut ni vendu ni donné; nous venons donc en percevoir la rente!» Est-ce à dire cependant que tous les Lo-lo du Leang-chan viennent originairement des frontières Yun-nan-Koui-tcheou? Je ne le crois pas. Ils ont fort bien pu déboucher là-bas, venant directement de la Birmanie, en suivant le Fleuve bleu.

Les Lo-lo, à mon avis, se trouvaient déjà au Leang-chan, au moins dès les premiers siècles de l'ère chrétienne. Ils y étaient sûrement dès le Xe siècle, si nous nous en rapportons aux documents chinois, traduits par DEVERIA **. Ces documents nous montrent les Lo-lo noirs comptant sept tribus parmi lesquelles celle de Kiong, dont le chef se donnait au Xe siècle, le titre de Chef souverain de tous les barbares méridionaux des deux versants des montagnes de Kiong et du midi de la rivière Ta tou ho (alias rivière T'ong 19).

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ARTICLE II.

Caractères morphologiques.

La taille des Lo-lo p'o à Djo-kou-la, chez les hommes formés, varie de 1m 51 à 1m 65.

Chez les femmes, de 1m 39 à 1m 56. J'ai vu une seule femme de 1m 63.

Djo-kou-la est à 1440m d'altitude. Je constate que plus on s'élève dans la montagne, à 1700m et 2.000m, par exemple, plus aussi le type est grand, tant chez les hommes que chez les femmes. Comme on peut le constater, ici en général, la femme est sensiblement plus petite que l'homme. A Kou-ti, la taille est à peu près la même parmi les deux sexes.

A La-ba, les femmes sont presque toutes de haute taille, plus haute même que chez les hommes.

Les cheveux sont noirs, mais pas de ce noir vif des Chinois: ils tirent plutôt sur le blond. Je n'ai pas rencontré de roux, comme dans certains villages chez les A-Hi du Mi-lé hien.

La calvitie, sans être commune, se rencontre toutefois chez les vieillards. La canitie est plus fréquente chez les vieilles femmes. Bâtis droits, les Lo-lo p'o ont les membres élancés et bien musclés. Ils sont robustes, et l'on ne voit jamais chez eux l'obésité chinoise qui répugne tant à notre ail européen.

La poitrine est profonde, le visage presque ovale. Le teint quelque peu foncé, n'a rien de la couleur chinoise. L'oeil horizontal est aussi très-éloigné du type oblique chinois.

Le nez est presque droit et plus proéminent. La bouche est ordinaire avec des lèvres plutôt minces. Le menton est un peu pointu, les dents très-blanches.

N'étant pas à même de procéder à des observations exigeant des études spéciales et un outillage particulier qui n'est pas à ma

portée, je ne veux pas disserter davantage sur ce qui a trait à l'anthropologie proprement dite. Qu'on m'excuse donc de ne pouvoir donner ici que ces quelques vagues indications.

Avant de clore ce paragraphe, je veux cependant hasarder quelques réflexions, non pas pour le plaisir de nier ou de contredire les opinions de certains explorateurs, ayant écrit avant moi sur la question, mais pour noter seulement ce qui me paraît quelque peu invraisemblable dans ces opinions, tout scientifiques qu'elles soient.

Suivant les uns, les Indigènes lo-lo du Kien-tch'ang ne doivent pas être confondus avec les populations indigènes du Yun-nan. généralement désignées sous cette même appellation.

Suivant d'autres, même au Kien-tch'ang, sous cette appellation de Lo-lo, on englobe des races entièrement différentes. Le vrai Lo-lo est un homme de très-haute taille; et en opposition avec cet élément vraiment noble comme physique, se présentent les pygmées trapus, qui constituent probablement le plus ancien facteur ethnique de l'Indo-Chine.

Suivant d'autres encore, même au Seu-tch'ouan, même les Lo-lo du P. MARTIN Sont de faux Lo-lo, très-mélangés, métissés de toutes les races qui ont occupé la riche partie de la vallée du Ta tou ho. L'esclavage règne chez la nation des Lo-lo pour les deux sexes, et c'est là l'explication de l'existence de tant de métis disséminés dans le Seu-tch'ouan, de tant de faux Lo-lo. Cette belle race, au Seu-tch'ouan du moins, se serait mélangée avec d'autres, avec l'autochtone, d'abord; avec le Chinois, ensuite . . .!

Malgré la compétence et l'autorité dans la matière de ces savants explorateurs, je ferai remarquer que les Lo-lo du Seu-tch'ouan sont un même peuple avec ceux du Yun-nan et du Koui-tcheou. Les mœurs et la langue de tous ces individus sont trop ressemblantes pour qu'il puisse en être autrement.

Et je ne vois pas alors pourquoi il ne faut pas confondre les Lo-lo du Kien-tch'ang avec les populations du Yun-nan qui portent le même nom, et qui ne sont pas, à mon avis, ce qu'on appelle ordinairement des pygmées.

Au Yun-nan et au Koui-tcheou, tout comme au Kien-tch'ang, il y a 1o les Lo-lo que nous appelons de caste noble, connus en

1

chinois sous le nom de Hé-y ou Hé Lo-lo.

Ici comme là-bas,

il y a également 2o les Lo-lo que nous appelons de caste moins noble, appelés en Chinois Pé-y ou Pé Lo-lo.

Ceux-ci se croient de même race que ceux-là; les Hé se disent de même race que les Pé; et les anciens auteurs chinois eux-mêmes nous donnent ces Pé Lo-lo comme de la même famille que les Hé Lo-lo*. Et enfin, au Kien-tch'ang, tant chez les Hé-y que chez les Pé-y, et au Yun-nan-Koui-tcheou, chez les Hé-y seulement, il existe 3o la caste des esclaves, d'origine purement chinoise, qui sont connus aussi sous le nom chinois de Pé-y ou Pé Lo-lo. N'est-ce pas cette dernière catégorie qui déroute quelque peu les ethnographes?

D'après certains explorateurs donc, les représentants de la caste noble du Leang-chan, les Hé-y, sont des Lo-lo purs! Tous les autres Lo-lo, tant au Seu-tch'ouan qu'au Yun-nan, etc. ... sont des faux Lo-lo, des métis, et surtout des métis de Mongols!

Et pour appuyer cette opinion, on commence par mettre en avant la stature de ces Lo-lo nobles indépendants!

Le P. MARTIN m'écrit: «Certains endroits du Leang-chan sont en effet peuplés presque uniquement de Hé-y, qui, il est vrai, ont une stature assez haute, souvent dépeinte par les voyageurs. Mais nombreux sont les Pé-y qui répondent à ce signalement. Rien d'étonnant cependant à ce que, même en admettant l'unité de souche ethnique et linguistique des Lo-lo (la caste des esclaves exceptée), la bifurcation entre Noirs et Blancs, qui date de tas de siècles, ait amené une différenciation de traits et de stature.»

Cette différence de taille ne pourrait-elle pas tenir du reste à autre chose qu'à un métissage? L'existence menée là-bas dans leurs hautes montagnes par ces Noirs Indépendants ne leur est-elle pas plus favorable? J'ai constaté moi-même, au Yun-nan, que les Lo-lo sont généralement plus grands, suivant qu'ils habitent à une plus haute altitude. De plus, dans une même famille, je rencontre des enfants de 1m 68, tandis qu'un frère plus jeune ne mesure que 1m 51. Egalement, dans une même famille, je vois une jeune fille, à la taille élançée, au teint clair, rosé même, au pur ovale, au cou

v. CORDIER, 1. c. p. 8.

long et gracile, au nez fin et à la bouche bien dessinée, tandis que sa sœur a plutôt la taille courte et ramassée, le nez plutôt camus que pyramidal, etc.... Allez-vous conclure à une monstruosité? C'est chose possible pour un passant, pour un voyageur dans l'obligation de se hater de voir et de conclure! Pour moi, qui ai vécu longtemps chez ce peuple, je recherche d'autres causes; car. la monstruosité n'existe pas.

Evidemment, l'esclavage existe chez cette nation. Mais est-ce là l'explication d'un métissage? Nullement, et tous ceux qui ont vécu chez les Lo-lo seront de mon avis. Les Nobles, en effet, ne s'allient qu'entre eux, de même les moins Nobles, de même les esclaves, qui se savent d'origine purement chinoise et qui cependant rougiraient de se dire Chinois.

De plus, si un Noble riche prend des femmes secondaires, il ne les prendra que parmi la caste noble; de même, les moins Nobles prendront leurs concubines dans leur propre caste; et jamais, dans la caste des esclaves.

Qu'il puisse y avoir des accidents, même dans les trois castes, je ne le nie pas. Où n'y en a-t-il pas? Mais ce ne sont que des accidents, remarquez-le bien; et nullement aussi fréquents que certains semblent le croire. Ces accidents sont absolument incapables de modifier ainsi une race.

Cette belle race, nous dit-on, se serait mélangée avec l'autochtone d'abord, avec les Chinois, ensuite.

Quelle a été cette race autochtone? Comment se fait-il que malgré ces métissages, la langue soit restée la même dans son essence parmi les diverses tribus de tous les pays?

Cette théorie est quelque peu soutenable, à priori, si les Lo-lo sont venus du Chen-si au Seu-tch'ouan, originairement habité par une vague race, celle des Pa. Mais, s'ils ne viennent pas de là-bas? Y avait-il une race occupant le Yun-nan et le Seu-tch'ouan méridional, à l'arrivée des Lo-lo? Voilà qui n'est pas prouvé du tout et qui me paraît peu probable.

Au Yun-nan, les Lo-lo sont allés tamponner les Miao-tse au Koui-tcheou; et ils ont été tamponnés, à l'ouest et au sud, par les Min-kia et les Pai-y. Y a-t-il mélange entre ces races? Pour qui

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