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ARTICLE I.

Des termes Man-tse et Y-jen, appliqués au Lo-lo.

Dès la plus haute antiquité, les Chinois ont désigné les autres peuples sous les noms de Man et de Y.

Man 1

2

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gentes australes; avec les sens de «barbares» et «<sauvages».

Y porteurs de grands ares; et par extension «gens extera»; «barbari», mais «barbares» dans le sens du latin «<extranei» ou du francais «<étrangers».

De nos jours encore, les mots Man-tse et Y-jen sont employés par les Chinois et par les Européens.

1o Man-tse 3 = fils de Barbares, de Sauvages; sert à désigner tous les Lo-lo du Seu-tch'ouan; et ceux du Yun-nan, au nord du district de Yong-pé t'in. Cependant il s'applique surtout aux Lo-lo non-soumis du Léang-chan au Seu-tch ouan; et à ceux également plus ou moins indépendants au nord du Yong-pé t'in. 20 Y-jen hommes étrangers (barbares); sert à désigner tout ce qui n'est pas Chinois. Par conséquent Lo-lo, Thai, Min-kia, Miao-tse, Thibétains, et même nous autres Européens, somines des Y-jen, au point de vue chinois.

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Quand un Chinois emploie le terme de Y-jen, il importe cependant de bien distinguer ce qu'au juste il a en vue. En effet, malgré son sens très général, ce terme, au Yun-nan et au Seu-tch'ouan méridional, sert spécialement à désigner les Lo-lo.

Eux-mêmes admettent fort bien ce terme; et souvent des Lo-lo, parlant chinois, vous diront: «Ngo-men pou che té Hanjen, ngo-men che Y-jen nous ne sommes pas des Chinois, nous sommes des Y-jen.»

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3o Au lieu du terme Y-jen, on emploie souvent aussi celui de Y-kia 5 familles des étrangers; familles étrangères; celui de Y-kia jen

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hommes des familles étrangères.

En somme: Y-jen, Y-kia, Y-kia jen, c'est unum et idem. C'est la dénomination générale dont les Chinois se servent pour désigner les Lo-lo; et elle est fort bien admise par les Lo-lo eux-mêmes.

Et alors, toujours au Yun-nan, pour désigner les autres peuples, on spécifiera et l'on dira:

a) Pai-y, Long-jen, Cha-jen", Tchong-kia tse 10, pour les groupes de race Thaï.

b) Min-kia, Pé eul-tse 12, La-ma jen 13, pour les groupes de race Min-kia.

c) Miao-tse 1, pour la race Miao-tse.

d) Kou-tsong 15, Si-fan 16, Mo-so, pour les groupes de race

thibétaine.

4o Au Koui-tcheou, le terme Y-jen, ou Y-kia, désigne également tout ce qui n'est pas Chinois; et les Lo-lo de là-bas peuvent donc être appelés ainsi.

En réalité, cependant, dans cette province, ce terme est plutôt réservé pour désigner les groupes de race Thaï.

Il est donc bien important, comme on le voit, de distinguer à quel peuple ce terme est appliqué, suivant les provinces ou les pays, pour ne pas commettre d'erreurs dans les ouvrages scientifiques.

C'est pour n'avoir pas suffisamment pris garde à ces distinctions que, par ex.:

A. M. CORDIER* nous dit: «Les PP. ESQUIROL et WILLIATTE, du Kouei-tcheou, viennent de publier un Dictionnaire Y-jen . . .»; il semble croire qu'il s'agit d'un Dictionnaire Lo-lo. En réalité. il s'agit d'un Dictionnaire «Dioi» (en chinois, Tehong-kia tse 1. tribu de race Thaï).

B. C'est pour avoir oublié ces distinctions locales que M. Leclère ** est tout-à-fait inintelligible quand il écrit: «La race aborigène

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Etude géologique et minière. Dunod, Paris 1902, p. 163.

Avant

des Y-jen reste encore isolée au S. O. du Yun-nan. l'arrivée des Lolos, elle avait déjà subi . . . l'invasion des Méos. et celle des Thaïs et des Long-jen.»>

Quelle peut bien être cette race des Y-jen, autres que les Lo-lo, les Méo, les Thaï ou les Long-jen?

C. C'est également pour le même manque de précision que M. ROCHER* semble faire des Y-kia au Yun-nan, une race de métis. Il fait sans doute allusion aux Pen-ti jen 19, mélange de Chinois avec des femmes aborigènes min-kia ou lo-lo. Mais nulle part au Yun-nan, à ma connaissance du moins, ces vieux métis ne sont désignés sous le nom de Y-kia, terme spécialement réservé aux Lo-lo, et, en tout cas, ne servant jamais ici, je crois, à désigner les groupes métis de Pen-ti jen qui rentrent dans la race chinoise.

D. C'est pour les mêmes raisons, qu'on ne voit pas bien à quoi fait allusion M. VON RICHTHOFEN, quand il écrit **: «Tandis que les Man-tse... se marient avec des Chinois, jamais le cas ne se produit entre Lo-los et Chinois.» «Les Lo-los sont dans leur état actuel depuis un temps immémorial, même lorsque les Man-tse étaient les maitres du pays.»

Quelle différence y a-t-il entre Man-tse et Lo-lo? sinon que les Man-tse sont des Lo-lo non-soumis. Et des Man-tse qui se marient avec des Chinois! c'est plutôt rare! La chose au contraire a lieu, rarement c'est vrai, mais elle a lieu entre Lo-lo et Chinois! Ne serait-ce pas plutôt les Si-fan que M. VON RICHTHOFEN désignerait ici par le terme de Man-tse?

E. Au Tonkin, et même au Yun-nan, sur les frontières du K'aihoa fou, il existe également un peuple, gratifié du nom de Yao-jen 20 par les Chinois; et du nom de Man par les Tonkinois. Quoique ce mot Man ait le même sens au Tonkin qu'au Seutch'ouan, il faut bien constater cependant que le dit peuple n'a aucune parenté avec les Lo-lo. Aussi je m'étonne fort que M. LECLÈRE ***: «ayant recueilli à tout hasard les principaux

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termes du vocabulaire mann sur les bords du Fleuve Rouge, ait pu ensuite constater son identité avec celui des indigènes de la région de Lou-lan et avec celui des habitants du Léang-chan.»

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Pour être complet, disons qu'au Yun-nan, au pays de Ta-li, le terme Y-jen ou Y-kia, quoique connu, est souvent remplacé par celui de T'ou-kia 21 familles de la terre. Il peut s'employer pour tout ce qui n'est pas Chinois; mais il sert davantage lui aussi à désigner les Lo-lo, qui, eux-mêmes, parlant chinois, se donnent souvent entre eux le nom de T'ou-kia = compagnons des familles de la terre.

pan

22

Ce n'est pas à dire cependant que les Lo-lo du pays de Ta-li soient les individus désignés par les auteurs chinois sous le nom de T'ou-jen 23, ainsi que le croit M. MADROLLE*. A mon avis, en effet, les T'ou-jen des auteurs chinois sont des Thaï et non des Lo-lo.

A l'est, au pays de Lou-lan et K'iu-tsin, par ex., les termes de Y-jen, ou celui de T'ou-kia, sont souvent remplacés pour désigner les Lo-lo, par celui de Lao-pen-kia 24, avec le sens de «vieilles familles aborigènes».

*

v. Quelques peuplades Lo-lo. Extrait du T'oung-pao. Leide 1908, p. 17.

ARTICLE II.

Des termes Hé-y et Pé-y, appliqués aux Lo-lo.

Etant connu qu'au Yun-nan, le terme chinois Y-jen désigne les Lo-lo, il faut savoir également que les Chinois distinguent des Hé-y1, et des Pé-y2. C'est-à-dire des «Barbares noirs» et des <<Barbares blancs».

1o Les Barbares noirs seraient ainsi appelés à cause de leur teint plus bronzé. Ceci n'est pas très-sérieux.

2o La différence de noirs et de blancs viendrait de la différence des habits, en étoffe chez les premiers, en toile chez les seconds. Ceci est encore moins sérieux.

3o Les Barbares noirs seraient les «indépendants»; les Barbares blancs seraient ceux soumis à la Chine. Ceci est faux, vu qu'au Yun-nan, tous les Lo-lo sont soumis, et cependant, parmi ces soumis, nombreuses sont les tribus des Hé-y. Au Seutch'ouan également, nombreux sont les Pé-y qui vivent au milieu des indépendants; et parmi les soumis à la Chine on trouve également des Hé-y.

4o Enfin, les noirs seraient ceux qui gardent toute leur chevelure; les blancs ceux qui se rasent à la chinoise. Ceci n'est pas davantage exact.

Quoiqu'il en soit de cette classification en noirs et en blancs, la réalité est celle-ci, à savoir:

A. Au Seu-tch'ouan, les Hé-y sont les individus de cette caste lo-lo que l'on appelle communément la caste noble». Les Pé-y sont les représentants de la «caste moins noble». Sont compris aussi parmi le Pé-y les représentants de la caste des esclaves, qui sont d'origine purement chinoise.

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