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thètes qui font image, et n'a pas conservé où elle le pouvait la gradation des idées, d'où résulte un si grand effet dans un tableau poétique.

Le temps a fixé le jugement qu'on devait porter de sa traduction. Tous les bons littérateurs se sont réunis à dire que tant qu'il n'en paraîtrait pas d'autre, Homère ne serait pas traduit en français.

La traduction de Pope est certainement l'ouvrage d'un grand poëte; on y reconnaît souvent le génie de l'original. Wood et d'autres critiques habiles y ont désiré plus de fidélité, et lui on reproché des ornemens qui sentent un peu trop le goût moderne.

« bras croisés. Donner le croc en jambe. Ce qui est fait est « fait, etc. etc. ».

Si elle n'avait signalé son zèle envers ce poëte d'une façon à ne pouvoir s'y méprendre, on croirait quelquefois que son dessein était de le rendre burlesque.

D'HOMÈRE.

CHANT PREMIER.

MUSE, chante la colère d'Achille fils de Pélée; cette colère inflexible qui causa tant de malheurs aux Grecs, qui précipita dans les enfers les ames généreuses de tant de héros, et livra leurs corps en proie aux chiens dévorans et aux vautours. Ainsi s'accomplit la volonté de Jupiter, depuis le moment où se divisèrent par une querelle fatale Agamemnon roi des hommes, et Achille descen dant des dieux.

Qui d'entre les immortels excita cette discorde? Le fils de Latone et de Jupiter. Courroucé contre le roi, il répandit une horrible contagion dans l'armée de tous côtés tombaient les soldats expirans. Atride avait outragé le sacrificateur Chrysès, qui s'était rendu près des vaisseaux des Grecs pour dégager sa fille des liens de l'esclavage. Il apportait une immense rançon, et tenait dans ses mains le I. II.

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sceptre d'or et les bandelettes sacrées d'Apollon qui lance au loin les traits; il implorait tous les Grecs et sur-tout les deux Atrides, chefs de l'armée :

Atrides, et vous Grecs belliqueux, puissent les dieux, habitans des palais de l'Olympe, renverser par vos mains la ville de Priam, et vous ramener, heureusement dans vos demeures! Rendez-moi une fille chérie, et recevez cette rançon, si vous craignez le fils de Jupiter, Apollon, qui lance les traits du haut des cieux.

A ces mots tous les Grecs témoignent par un murmure favorable, que l'on doit honorer le sacrificateur, et recevoir ses superbes dons. Mais Agamemnon sent au fond du cœur un violent courroux; il renvoie Chrysès avec fierté, et joint au refus la menace et l'insulte:

Vieillard, que je ne te rencontre plus auprès de ces vaisseaux : garde-toi d'y prolonger ton séjour, ou d'oser y reparaître; le sceptre et les bandelettes sacrées de ton dieu seraient pour toi une vaine défense. Je ne te rendrai point ma captive; elle vieillira dans mon palais, au sein d'Argos, loin de sa patrie; elle y ourdira la trame, et sera destinée à mon lit. Va, cesse de m'irriter, si tu veux rentrer dans Chryse.

1l dit. Le vieillard obéit, saisi de crainte. Il suivait en silence le rivage de la mer bruyante. Livré tout entier à sa douleur, il adresse de vives plaintes au fils de la blonde Latone :

Dieu qui tiens l'arc d'argent, protecteur de Chryse et de la divine Cilla, puissant roi de Ténédos, divinité de Sminthe, entends ma voix. Si jamais je couronnai ton temple de festons qui te furent agréables, si jamais je fis fumer sur tes autels la graisse des taureaux et des brebis, exauce aujourd'hui ma prière ; Que les Grecs, frappés de tes traits vengeurs, paient chèrement mes larmes !

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Telle fut sa prière, et Apollon l'entendit. Le cœur enflammé de colère, il descend du sommet de l'Olympe, portant sur son dos l'arc et le carquois rempli de traits : dans la course inégale du dieu courroucé, ses flèches retentissent sur ses épaules. Il s'avance semblable à la nuit. Il s'arrête non loin des vaisseaux, et lance un trait fatal; l'arc d'argent rend un son éclatant et terrible. Il atteint d'abord les 'mulets et les chiens agiles; mais bientôt tournant la flèche mortelle contre les Grecs, il les frappe eux-mêmes : les bûchers nombreux ne cessent d'être allumés. Pendant neuf jours les traits du dieu volent sur l'armée.

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