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Mars ni quelqu'autre des immortels ; c'est moi qui suis ton guide. Pousse hardiment contre lui tes coursiers impétueux; ose le frapper de près, et cesse de respecter un dieu féroce, enivré de rage, aussi barbare qu'inconstant. Il nous avait naguère promis à moi et à Junon de soutenir les Grecs, et maintenant il favorise les Troyens.

En disant ces mots elle tire Sthénélus par la main, et le fait descendre du char: il s'élance à terre. Elle monte sur le char, et se place à côté du grand Diomède, le cœur enflammé de courroux : l'essieu gémit sous le poids de la déesse terrible et du héros. Pallas prend le fouet et les rênes, et pousse les ardens coursiers vers le dieu de la guerre. Il venait d'étendre sur le sable le fils d'Ochésius, Périphas, d'une taille gigantesque, et le plus vaillant des étoliens: Mars ensanglanté l'immolait. Minerve ombrage sa tête du casque de Pluton, pour n'être pas aperçue du dieu des combats.

Dès que Mars voit le fils de Tydée, il laisse l'énorme Périphas étendu sur la place où il vient de lui arracher la vie, et court vers l'audacieux Diomède. Lorsqu'ils se joignent, le dieu alonge sa pique d'airain au-dessus du

le

joug et des rènes des coursiers de son ennemi, brûlant de lui ravir le jour; mais Pallas saisit la pique, l'écarte du char, et rend sa furie inutile. Diomède pousse à son tour sa lance que Minerve conduit vers les liens de la ceinture; c'est là qu'elle frappe Mars, et déchire sa peau immortelle. La déesse retire la lance, et ce dieu jette un grand cri, semblable à ceux de dix mille combattans livrés à une fureur homicide: un tremblement saisit les Troyens et les Grecs épouvantés, tant était terrible ce cri de Mars insatiable de carnage. Ainsi que naît tout à coup une nuit ténébreuse à l'arrivée des par nuages amenés souffle brûlant des vents du midi, ainsi parut à Diomède le sombre Mars s'élevant dans des nuages vers l'espace immense du ciel. Il arrive en un moment au séjour des dieux sur le haut Olympe : saisi de douleur et de colère, il s'assied près du trône de Jupiter, lui montre le sang immortel qui coulait de sa blessure, et prononce d'une voix lugubre ces paroles précipitées: Mon père, ton indignation n'éclatera-t-elle point à l'aspect de pareils attentats? Nous qui sommes des dieux, nous avons toujours éprouvé les plus cruelles disgrâces en voulant, à l'envi l'un de l'autre, favoriser

la race des mortels. Mais c'est de toi que naissent nos divisions, toi qui produisis cette déesse insensée, funeste, dévouée à l'injustice. Tous les autres dieux de l'Olympe obéissent avec soumission à tes lois; mais tu n'emploies ni paroles ni punitions pour retenir cette déesse dans le devoir, et tu es toujours indulgent à son égard, parce que tu mis seul au jour cette furie : c'est elle qui excite maintenant l'insolente rage que Diomède exerce contre les dieux. Il a blessé la main de la reine de Cypre; plus audacieux encore, et tel que l'un des immortels, il s'est élancé contre moimême. Sans ma course rapide j'eusse été étendu dans la foule hideuse des cadavres, ou, puisque je ne peux mourir, accablé sous les coups de l'airain.

Le maître du tonnerre lui lance un regard courroucé: Divinité inconstante, dit-il, ne viens point m'importuner de tes murmures. De tous les immortels qui habitent l'Olympe, tu m'es le plus odieux; tu ne respires toujours que discordes, que guerres, que combats. Je reconnais en toi l'esprit impérieux et indocile de ta mère Junon, que j'ai peine à réprimer par mes paroles; et je ne doute point que les maux qui fondent sur toi ne soient l'effet de

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gage

L'ILIADE, CHANT V.

ses conseils. Mais je ne permettrai ne permettrai pas que tú sois plus long-temps en proie à la douleur; tu es mon fils, et ta mère m'a donné en toi un désiré de notre hymen. Si, avec autant de perfidie, tu étais né de quelqu'autre dieu, tu serais depuis long-temps précipité dans des abîmes plus profonds que ceux où les Titans gémissent.

Il dit, et ordonne à Pæon de le guérir. Pæon verse dans la blessure un baume qui appaise les douleurs, et il le rétablit : la parque n'a aucun empire sur les dieux. Comme le suc de la figue, agité dans la blanche liqueur du lait, le coagule à l'instant sous la main qui le tourne avec rapidité; ce baume guérit promptement le farouche Mars. Hébé, après lui avoir préparé un bain qui le rafraîchit, choisit les plus beaux vêtemens de ce dieu pour l'en décorer. Il s'assied d'un air triomphant auprès du fils de Saturne.

Junon, reine d'Argos, et l'invincible Minerve, retournent au palais du grand Jupiter, satisfaites d'avoir réprimé les fureurs de Mars.

FIN DU CHANT CINQUIÈME.

SUR LE CHANT CINQUIÈME.

(Page 269. Pallas communique à Diomède...)

ON

N a vu que la valeur de ce chef avait été excitée par les reproches d'Agamemnon, et qu'il s'était élancé de son char avec un bruit terrible, présage des actions par lesquelles il va se signaler. Virgile a imité ici Homère en l'embellissant:

Ardet apex capiti, cristisque à vertice flamma
Funditur, et vastos umbo vomit aureus ignes:
Non secus ac liquidâ si quando nocte cometa
Sanguinei lugubrè rubent; aut sirius ardor,
Ille sitim morbosque ferens mortalibus ægris,
Nascitur, et lævo contristat lumine cœlum.

AENEID. LIB. X.

Ainsi qu'il y a toujours, dit Pope, un personnage principal dans un tableau historique, de même on voit dans chaque bataille de l'Iliade un chef qui est comme le héros du jour, d'où résulte l'unité de la peinture. Homère suppose que les dieux secourent tantôt un guerrier, tantôt un autre; ce qui explique quelques inégalités qu'on remarque dans la valeur de ses héros.

(Page 270, En même temps elle entraîne le farouche Mars.)

L'allégorie est claire. L'armée des Troyens se retirait

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