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A SA MAJESTÉ

LE ROI DE PRUSSE.'

GRAND ROI, la nuit régnait ; je vis l'ombre d'Homère :

Il tenait d'une main la trompette guerrière,

Et de l'autre tes chants, le code des héros,

Où de l'art des combats tu règles les travaux.
Aux sublimes accens de sa mâle harmonie

On sentait que tes vers enflammaient son génie :
«Du nom de FRÉDÉRIC dit-il, mes chants;

orne,

« Ce nom comme le mien, doit triompher du temps.

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Que ce prince éclairé t'accorde son suffrage,

« Zoïle, en pâlissant, t'offrira son hommage.
<< Jadis on vit ma lyre, au milieu des combats,
<< Embraser et ravir le grand coeur d'Alexandre:
« J'oublîrai les autels qu'il dressait à ma cendre;
« Je plais à FRÉDÉRIC, ma lyre suit ses pas.

1 Frédéric II.

Que ne puis-je du Styx repasser l'onde errante! « C'est alors qu'on verrait dans le sacré vallon << Brûler d'un feu plus beau ma verve renaissante:

« Seul il serait pour moi l'Olympe et l'Ilion;

« Ou plutôt à ses yeux attentive, muette,

« Ma muse entre ses mains remettrait la trompettê.

« Que dis-je? il la saisit; vous entendez sa voix :

« Dans ses vers immortels dictant l'ART DE LA GUERRE,

« Il a, sans le vouloir, célébré ses exploits.

«Ε

Pleure, ô vainqueur d'Arbelle, une seconde fois :

<< FRÉDÉRIC de son siècle est l'Achille et l'Homère. »

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RÉFLEXIONS

'SUR

HOMÈRE.

JE

E ne me propose point ici de faire un examen détaillé des ouvrages d'Homère, qui ont été l'objet d'un si grand nombre d'écrits; mais peut-être que les traits dont je peindrai ce poëte, à mesure que l'occasion s'en présentera, formeraient, s'ils étaient réunis, un portrait assez ressemblant. Mon but principal est de placer le lecteur dans le point de vue où il me semble que l'on doit considérer Homère.

Rien n'est plus connu que ses ouvrages; rien n'est plus obscur que ce qui regarde sa personne. Homère, le père de la poésie, nous est inconnu. Quoiqu'il aimât tant à raconter, il ne parle point de lui-même '. L'historien de la Grèce (car on peut le considérer sous cet

Il est parlé très-peu d'Homère dans les hymnes que, selon les meilleurs critiques, on lui attribue faussement.

aspect) n'a trouvé aucun écrivain' qui nous le fit bien connaître ; et cependant il paraît qu'il jouissait d'une grande estime, puisque, malgré cet oubli, ses ouvrages ont été transmis à la postérité, et qu'après sa mort une famille décorée de son nom' allait de toutes parts chantant ses vers.

L'admiration même qu'il inspira contribua peut-être, dans ce siècle ami du merveilleux, à couvrir de ténèbres les événemens de sa vie : nous possédons, au lieu de son histoire, un tissu de fables. Il est de leur nature de s'accroître, de s'altérer, et enfin de n'offrir à la curiosité que des traces obscures, à demi-effacées.

Des indices nous apprennent qu'il fut engagé dans des voyages assez fréquens, tant pour satisfaire l'ardeur qu'il avait de s'instruire, que pour répandre ensuite ses connaissances parmi ses contemporains, et pour chanter ses vers. Il ne demeura probable

' L'ancien auteur de la vie d'Homère, quel qu'il soit, ne cite aucun écrivain dont les mémoires l'aient guidé sur ce sujet, et il paraît n'avoir compilé que des bruits fabuleux. Selon Pausanias, Climène, mère d'Homère, était née dans l'ile de Chio. Voyez Phocica.

2 Homerida.

ment dans sa patrie, que les premières années de sa jeunesse. S'il n'a paru que rarement au même endroit, on a eu le temps d'admirer le poëte, mais non pas assez de connaître l'homme; nouvelle raison d'adopter des bruits populaires et des fables.

Après lui, il paraît que des guerres et des migrations réduisirent les Muses comme au silence, et firent bientôt retomber les lettres dans la barbarie : quelques villes gardèrent le dépôt précieux de ses ouvrages; mais la curiosité que devait inspirer sa personne vint à s'éteindre. Lorsqu'ensuite on rassembla ses ouvrages en un seul corps, sa renommée fut telle, qu'un grand nombre de villes, sorties comme du sommeil, prétendirent avoir été son berceau; rivales l'une de l'autre, elles contribuèrent sans doute par divers récits à rendre la vérité toujours plus douteuse.

Il semble que tout ce qui regarde ce poëte doive être extraordinaire. Dans l'histoire des lettres, nous voyons que lorsqu'il s'élève un grand génie, il féconde, si je puis ainsi parler, son siècle, et bientôt naissent autour de lui d'illustres rivaux : ainsi Corneille eut des émules qui balancèrent sa gloire; ainsi le Dante ne tarda pas à être suivi de Pétrarque

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