Cher et cruel époux, si tu cours au trepas, Me dit-elle, à la mort traîne-nous sur tes pas ! I. M.Moreau le Jr inv. Baquoy Sculp. * Mrs Howard Jorones. PRÉFACE. VOLTAIRE a Une des qualités les plus indispensables de l'épopée, c'est que le sujet en soit national. Les besoins de la vanité ne sont ni les moins sentis, ni les moins communs. Les peuples sont comme les particuliers et les familles : tous entendent avec plaisir l'histoire de leurs aïeux ou de leurs fondateurs, comme un enfant voit avec plus d'intérêt la maison paternelle et ses terres patrimoniales, que les plus belles possessions étrangères. Aussi les deux poëmes d'Homère ont-ils, sous ce rapport, un grand avantage. Celui de Virgile n'en a pas moins son sujet, comme national, est heureusement choisi. Les Romains étoient, au moins autant que les Grecs, flattés de leur origine, et de tout ce qui étoit favorable à leur orgueil généalogique. Le poëte étoit en cela secondé par toutes les traditions populaires; elles étoient pour lui un moyen naturel de caresser toutes les vanités. Jules César se plaisoit à faire croire que son prénom venoit d'Iule, fils d'Énée; Auguste, son fils adoptif, n'abandonna point cette prétention. Une foule de familles aimoient à se perdre dans la nuit des temps. Les Claudius vouloient remonter jusqu'à Clausus, les Memmius jusqu'à Mnesthée (genus a quo nomine Memmi), les Cluentius jusqu'à Cloanthe; et les différens auteurs de ces familles illustres goûtoient, en lisant Virgile, le plaisir d'y voir leurs fondateurs jouer un rôle distingué. Enfin, la nation elle-même prenoit sa part de ce que l'antiquité et le merveilleux de cette origine pouvoient avoir de flatteur. Un grand nombre de fêtes religieuses ou civiles, le culte de Vesta, celui de Cybèle et de presque tous leurs dieux, les cérémonies avec lesquelles on proclamoit la paix ou la guerre, les armes des guerriers, les vêtemens des pontifes, avoient passé des Troyens et des Grecs aux Romains; et ce n'étoit pas la partie de leur héritage dont ils se |