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1-26-50

DE

L'ESPRIT DES LOIS.

LIVRE XVII.

COMMENT LES LOIS DE LA SERVITUDE POLITIQUE
ONT DU RAPPORT

AVEC LA NATURE DU CLIMAT.

CHAPITRE PREMIER.

De la servitude politique.

La servitude politique ne dépend pas moins de la nature du climat que la civile et la domestique, comme on va le faire voir.

CHAPITRE II.

Différence des peuples par rapport au courage.

Nous avons déja dit que la grande chaleur énervoit la force et le courage des hommes, et qu'il y avoit dans les climats froids une certaine force de corps et d'esprit qui rendoit les hommes capables des actions longues, pénibles, grandes et hardies.

DE L'ESPRIT DES LOIS. T. II.

Cela se remarque non seulement de nation à nation, mais encore dans le même pays d'une partie à une autre. Les peuples du nord de la Chine' sont plus courageux que ceux du midi : les peuples du midi de la Corée2 ne le sont pas tant que ceux du nord.

Il ne faut donc pas être étonné que la lâcheté des peuples des climats chauds les ait presque toujours rendus esclaves, et que le courage des peuples des climats froids les ait maintenus libres. C'est un effet qui dérive de sa cause naturelle.

Ceci s'est encore trouvé vrai dans l'Amérique : les empires despotiques du Mexique et du Pérou étoient vers la ligne, et presque tous les petits peuples libres étoient et sont encore vers les pôles.

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CHAPITRE III.

Du climat de l'Asie.

Les relations3 nous disent « que le nord de « l'Asie, ce vaste continent qui va du quarantième degré ou environ jusques au pôle, et des fron<< tières de Moscovie jusqu'à la mer orientale, est

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'Le P. du Halde, tom. I, pag. 112.

> Les livres chinois le disent ainsi. Ibid., tom. Iv, pag. 448.

3 Voyez les Voyages du nord, tom. vIII; l'Histoire des Tattars; et le 4 vol. de la Chine, du P. Duhalde.

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<< dans un climat tres froid; que ce terrain im<< mense est divisé de l'ouest à l'est par une chaîne << de montagnes qui laissent au nord la Sibérie et « au midi la Grande-Tartarie; que le climat de la « Sibérie est si froid qu'à la réserve de quelques <<< endroits elle ne peut être cultivée, et que, << quoique les Russes aient des établissements tout « le long de l'Irtis, ils n'y cultivent rien; qu'il ne << vient dans ce pays que quelques petits sapins et « arbrisseaux; que les naturels du pays sont divi<< sés en de misérables peuplades, qui sont comme << celles du Canada; que la raison de cette froidure << vient d'un côté de la hauteur du terrain, et de << l'autre de ce qu'à mesure que l'on va du midi << au nord, les montagnes s'aplanissent, de sorte « que le vent du nord souffle partout sans trouver « d'obstacles; que ce vent, qui rend la nouvelle << Zemble inhabitable, soufflant dans la Sibérie, la << rend inculte; qu'en Europe au contraire les << montagnes de Norwège et de Laponie sont des << boulevarts admirables qui couvrent de ce vent « les pays du nord; que cela fait qu'à Stockholm, << qui est à 59 degrés de latitude ou environ, le ter<< rain produit des fruits, des grains, des plantes; « et qu'autour d'Abo, qui est au 61o degré, de « même que vers les 63° et 64°, il y a des mines «d'argent, et que le terrain est assez fertile. »

Nous voyons encore dans les relations «< que la

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« Grande-Tartarie, qui est au midi de la Sibérie, << est aussi très froide; que le pays ne se cultive << point; qu'on n'y trouve que des pâturages pour << les troupeaux; qu'il n'y croît point d'arbres, « mais quelques broussailles, comme en Islande;

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qu'il y a auprès de la Chine et du Mogol quelques << pays où il croît une espèce de millet, mais que « le blé ni le riz n'y peuvent mûrir; qu'il n'y a guère d'endroits dans la Tartarie chinoise, aux 43, 44 et 45° degrés, où il ne gèle sept ou huit << mois de l'année, de sorte qu'elle est aussi froide << que l'Islande, quoiqu'elle dût être plus chaude << que le midi de la France; qu'il n'y a point de villes, excepté quatre ou cinq vers la mer orientale, et quelques unes que les Chinois, par des << raisons de politique, ont bâties près de la Chine; «< que dans le reste de la Grande-Tartarie, il n'y en << a que quelques unes placées dans les Boucharies, << Turkestan et Charisme; que la raison de cette << extrême froidure vient de la nature du terrain << nitreux, plein de salpêtre et sablonneux, et, de plus, de la hauteur du terrain. Le père Verbiest « avoit trouvé qu'un certain endroit, à quatre-vingts <«< lieues au nord de la grande muraille, vers la « source de Kavamhuram, excédoit la hauteur du rivage de la mer près de Pékin de trois mille pas géométriques; que cette hauteur est cause que,

«

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I

La Tartarie est donc comme une espèce de montagne plate.

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