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VI.

Le repentir est un effort de la nature qui chasse de notre âme les principes de sa corruption.

VII.

Le remords est le châtiment du crime; le repentir en est l'expiation. L'un appartient à une conscience tourmentée; l'autre à une âme changée en mieux.

VIII.

Les hommes trouvent des motifs de défiance dans leur ignorance et dans leurs vices, et des motifs de confiance dans leurs lumières et leurs vertus. La défiance est le partage des aveugles.

IX.

Quand on a trop craint ce qui arrive, on finit par éprouver quelque soulagement lorsque cela est arrivé.

X.

Toutes les passions cherchent ce qui les nourrit: la peur aime l'idée du danger.

XI.

Le sentiment rend insipide tout ce qui n'est pas lui; c'est là son inconvénient. C'est aussi le grand inconvénient du plaisir : il dégoûte de la raison.

XII.

Celui qui craint les plaisirs vaut mieux encore que celui qui les hait.

XIII.

Il entre, dans toute espèce de débauche, beaucoup de froideur d'âme; elle est un abus réfléchi et volontaire du plaisir.

XIV.

La crainte est la grâce de la débauche.

XV.

Rien ne rapetisse l'homme comme les petits plaisirs

XVI.

Les plaisirs des grands, quand ils sont bruyants et gais, sont, pour les habitants de la campagne, un spectacle qui les réveille, les réjouit, exerce leur esprit, anime leurs conversations, et leur fait trouver plus de joie dans la vie.

XVII.

L'homme qui chante lorsqu'il est seul, et, pour ainsi dire, livré au désœuvrement de la machine, a par cela même dans sa position quelque équilibre, quelque harmonie; toutes ses cordes sont d'accord.

XVIII.

Les aveugles sont gais, parce que leur esprit n'est pas distrait de la représentation des choses qui peuvent leur plaire, et qu'ils ont encore plus d'idées que nous n'avons de spectacles. C'est un dédommagement que le ciel leur accorde.

XIX.

La bonne humeur est féconde en idées riantes, en perspectives, en espérances, en inventions pour le plaisir. Elle est aux plaisirs, dans l'homme, ce que l'imagination est aux beaux-arts. Elle s'y plaît, elle les aime, les multiplie et les crée.

XX.

Tout ce qui occupe des autres égaye; tout ce qui n'occupe que de soi attriste. De là cette mélancolie, sentiment de l'homme qui vit enfermé en lui-même.

XXI.

On n'est guère malheureux que par réflexion.

XXII.

La gaieté clarifie l'esprit, surtout la gaieté littéraire. L'ennui l'embrouille; l'extrême tension le fausse; le sublime le rajeunit.

XXIII.

La grâce est dans les vêtements, les mouvements ou les manières; la beauté, dans le nu et dans les formes. Cela est vrai quand il s'agit des corps; mais s'il s'agit des sentiments, la beauté est dans leur spiritualité, et la grâce dans leur modération.

XXIV.

La modération consiste à être ému comme les anges.

XXV.

La douleur a ses équilibres. La tranquillité de la vie peut quelquefois balancer, comme un contre-poids, la désolation du moment.

XXVI.

Dieu a ordonné au temps de consoler les malheureux.

XXVII.

Il y a, dans la colère et la douleur, une détente qu'il faut savoir saisir et presser.

XXVIII.

La colère dont le siége est dans les nerfs passe plus vite et plus entièrement que celle dont le siége est dans les humeurs. Celle-ci laisse de plus profondes traces; plus longue, plus intime, elle a pour suite des ran

cœurs.

XXIX.

Ce sont toujours nos impuissances qui nous irritent.

XXX.

Le bonheur est de sentir son âme bonne; il n'y en a point d'autre, à proprement parler, et celui-là peut exister dans l'affliction même; de là vient qu'il est des douleurs préférables à toutes les joies, et qui leur seraient préférées par tous ceux qui les ont ressenties.

XXXI.

Il entre dans la composition de tout bonheur l'idée de l'avoir mérité.

XXXII.

Ceux qui aiment toujours n'ont pas le loisir de se plaindre et de se trouver malheureux.

XXXIII.

Il faut non-seulement cultiver ses amis, mais cultiver en soi ses amitiés, les conserver avec soin, les soigner, les arroser, pour ainsi dire.

XXXIV.

Qui ne voit pas en beau est mauvais peintre, mauvais ami, mauvais amant; il ne peut élever son esprit et son cœur jusqu'à la bonté.

XXXV.

Il faut servir son estime à ses amis comme un repas où tout abonde, sans taxer ni couper les parts.

XXXVI.

Ceux qui épient d'un œil malin les défauts de leurs amis les découvrent avec joie. Qui n'est jamais dupe n'est pas ami.

XXXVII.

Quand on aime, c'est le cœur qui juge.

XXXVIII.

Qui n'a pas les faiblesses de l'amitié n'en a pas les forces.

XXXIX.

Nous perdons toujours l'amitié de ceux qui perdent notre estime.

XL.

C'est une cruelle situation que celle de ne pouvoir se résoudre à haïr et mépriser l'homme qu'on ne peut aimer ni estimer.

XLI.

La franchise se perd par le silence, par les ménagements, par la discrétion dont les amis usent entre

eux.

XLII.

Le temps calme les ivresses, même celle de l'amitié; une longue fidélité a ses dernières admirations.

XLIII.

Un homme qui ne montre aucun défaut est un sot ou un hypocrite dont il faut se méfier. Il est des défauts tellement liés à de belles qualités, qu'ils les annoncent et qu'on fait bien de ne pas s'en corriger.

XLIV.

On n'aime souvent et on ne loue nos belles qualités que parce que nos défauts en tempèrent l'éclat. Souvent même il arrive qu'on nous aime plus pour nos défauts que pour nos qualités.

XLV.

Les défauts qui rendent un homme ridicule ne le rendent guère odieux; de sorte qu'on échappe à l'odieux par le ridicule.

XLVI.

Il faut se faire aimer, car les hommes ne sont justes qu'envers ceux qu'ils aiment.

XLVII.

On ne peut espérer de véritable affection que de ceux qui sont naturellement doux et aimants.

XLVIII.

N'admets les avides ni parmi tes amis, ni parmi tes disciples, car ils sont incapables de sagesse et de fidélité.

XLIX.

On n'aime fortement, on n'aime sérieusement que

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