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vore, mais ne nous absorbe pas; nous sommes consumés, non détruits.

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XXI.

Le courroux de Dieu est d'un moment; la miséri-corde divine est éternelle.

XXII.

La crainte de Dieu nous est aussi nécessaire pour nous maintenir dans le bien, que la crainte de la mort pour nous retenir dans la vie.

XXIII.

Dieu aime autant chaque homme que tout le genre humain. Le poids et le nombre ne sont rien à ses yeux. Éternel, infini, il n'a que des amours immenses.

XXIV.

Le ciel ne nous doit que ce qu'il nous donne, et il nous donne souvent ce qu'il ne nous doit pas.

XXV.

Rien dans le monde moral n'est perdu, comme dans le monde matériel rien n'est anéanti. Toutes nos pensées et tous nos sentiments ne sont ici-bas que le commencement de sentiments et de pensées qui seront achevés ailleurs.

XXVI.

Où vont nos idées ? Elles vont dans la mémoire de Dieu.

XXVII.

Dieu, en les créant, parle aux âmes et aux natures, et leur donne des instructions dont elles oublient le sens, mais dont l'impression demeure. De cette parole et de ce rayon ainsi déposés, il nous reste, dans les plus grands obscurcissements de l'âme et dans les plus grandes inattentions de l'esprit, une espèce de bour donnement et de crépuscule qui ne cessent jan.uis, et

nous troublent tôt ou tard dans nos dissipations extérieures.

XXVIII.

Dieu mettra-t-il les belles pensées au rang des belles actions? Ceux qui les ont cherchées, qui s'y plaisent et s'y attachent, auront-ils une récompense? Le philosophe et le politique seront-ils payés de leurs plans, comme l'homme de bien sera payé de ses bonnes œuvres? Et les travaux utiles ont-ils un mérite, aux yeux de Dieu, comme les bonnes mœurs? Peut-être bien; mais le premier prix n'est pas assuré comme le second, et ne sera pas le même; Dieu n'en a pas mis dans nos âmes l'espérance et la certitude; d'autres motifs nous déterminent. Pourtant, je me représente fort bien Bossuet, Fénelon, Platon, portant leurs ouvrages devant Dieu, même Pascal et La Bruyère, même Vauvenargues et La Fontaine, car leurs œuvres peignent leur âme, et peuvent leur être comptées dans le ciel. Mais il me semble que J.-J. Rousseau et Montesquieu n'auraient osé y présenter les leurs : ils n'y ont mis que leur esprit, leur humeur et leurs efforts. Quant à Voltaire, les siennes le peignent aussi, et elles lui seront comptées, je pense, mais à sa charge.

XXIX.

Dieu a égard aux siècles. Il pardonne aux uns leurs grossièretés, aux autres leurs raffinements. Mal connu par ceux-là, méconnu par ceux-ci, il met à notre décharge, dans ses balances équitables, les superstitions ét les incrédulités des époques où nous vivons. Nous vivons dans un temps malade : il le voit. Notre intelligence est blessée : il nous pardonnera, si nous lui donnons tout entier ce qui peut nous rester de sain.

XXX.

Il faut aller au ciel; là sont dans leurs types toutes les choses, toutes les vérités, tous les plaisirs, dont nous n'avons ici-bas que les ombres. Telle est la suprême beauté de ce monde, que bien nommer ce qui s'y trouve, ou même le désigner avec exactitude, suffirait pour former un beau style et pour faire un beau livre.

XXXI.

Au delà du monde et de la vie, il n'y a plus de tâtonnement. Il n'y a qu'inspection, et tout ce qu'on regarde est vérité.

XXXII.

Il me semble que dans cet avenir lointain d'une autre vie, ceux-là seront les plus heureux qui n'auront pas eu dans leur durée un seul moment qu'ils ne puissent se rappeler avec plaisir. Là-haut, comme ici-bas, nos souvenirs seront une part importante de nos biens et de nos maux.

XXXIII.

Le ciel est pour ceux qui y pensent.

XXXIV.

La piété est une sagesse sublime, qui surpasse toutes les autres, une espèce de génie, qui donne des ailes à l'esprit. Nul n'est sage s'il n'est pieux.

XXXV.

La piété est une espèce de pudeur. Elle nous fait baisser la pensée, comme la pudeur nous fait baisser les yeux, devant tout ce qui est défendu.

XXXVI.

La piété est au cœur ce que la poésie est à l'imagination, ce qu'une belle métaphysique est à l'esprit; elle exerce toute l'étendue de notre sensibilité. C'est un sentiment par lequel l'âme reçoit une telle modification,

qu'elle a par lui sa rondeur absolue et toute la perfection dont sa nature est susceptible.

XXXVII.

La piété est le seul moyen d'échapper à la sécheresse que le travail de la réflexion porte inévitablement dans les sources de nos sensibilités.

XXXVIII.

Il faut aux femmes une piété plutôt tendre que raisonnée, et aux hommes une grave plutôt que tendre piété.

XXXIX.

La piété nous attache à ce qu'il y a de plus puissant, qui est Dieu, et à ce qu'il y a de plus faible, comme les enfants, les vieillards, les pauvres, les infirmes, les malheureux et les affligés. Sans elle, la vieillesse choque les yeux; les infirmités répoussent, l'imbécillité rebute. Avec elle, on ne voit dans la vieillesse que le grand âge, dans les infirmités que la souffrance, dans l'imbécillité que le malheur; on n'éprouve que le respect, la compassion et le désir de soulager.

XL.

La charité est une espèce de piété. Les dégoûts se taisent tellement devant elle, qu'on peut dire que, pour les pieux, toutes les afflictions ont de l'attrait.

XLI.

La religion fait au pauvre même un devoir d'être libéral, noble, généreux, magnifique par la charité.

XLII.

Dieu n'a pas seulement mis dans l'homme l'amour de soi, mais aussi l'amour des autres. Le pourquoi de la plupart de nos qualités, c'est qu'on est bon, c'est qu'on est homme, c'est qu'on est l'ouvrage de Dieu.

XLIII.

Aimer Dieu, et se faire aimer de lui, aimer nos semblables et nous faire aimer d'eux : voilà la morale et la religion; dans l'une et dans l'autre, l'amour est tout fin, principe et moyen.

XLIV.

Dieu veut que nous aimions même ses ennemis.

XLV.

Il faut rendre les hommes insatiables de Dieu; c'est une faim dont ils seront malheureusement assez distraits par les passions et les affaires.

XLVI.

Penser à Dieu est une action.

XLVII.

Il faut aimer de Dieu ses dons et ses refus, aimer ce qu'il veut et ce qu'il ne veut pas.

XLVIII.

Dieu aime l'âme, et comme il y a un attrait qui porte l'âme à Dieu, il y en a un, si j'ose ainsi parler, qui porte Dieu à l'âme. Il fait de l'âme ses délices.

XLIX:

Nous sommes éclairés parce que Dieu luit sur nous, et nous sommes droits parce qu'il nous touche. Dieu nous éclaire comme lumière; il nous redresse comme règle. Cette règle, non discernée, mais sentie, sert de point de comparaison à nos jugements dans tout ce qui doit être estimé par une autre voie que celle des sens.

L.

Dieu! et de là toutes les vertus, tous les devoirs. S'il en est où l'idée de Dieu ne soit mêlée, il s'y trouve toujours quelque défaut ou quelque excès; il y manque ou le nombre, ou le poids, ou la mesure, toutes choses dont l'exactitude est divine.

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