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venir ennuyer l'assemblée par un discours. Défense alors de sortir du thème donné aux écoliers (excepté pour MM. de la majorité) et quand on a tenté de parler de liberté, de règlement, de commission, d'acoustique, de décentralisation, de désitalianisation, on a vu se produire les scènes tumultueuses qui ont démoli les Cardinaux Rauscher et Schwarzenberg, les Évêques de Colocza, de Bosnie, d'Halifax, tandis qu'on trouvait bon que Moulins, Belley et d'autres introduisissent de force la grande question à propos de la vie des clercs.

La pauvre petite minorité est en butte aux injures, aux calomnies, et traquée par la Civiltà, l'Univers, le Monde, l'Union, l'Osservatore et la Correspondance de Rome. Ces journaux sont autorisés et encouragés. Ils soulèvent contre nous le clergé de nos diocèses, et ce clergé applaudi. Un de nous a osé écrire contre son collègue; est il n'a pas reçu un blâme officiel.

Mais voici ce qui achève d'opprimer notre liberté : elle est écrasée de tout le poids du respect que nous portons à notre chef.

La question est pendante; elle n'est pas même à l'ordre du jour, les juges de droit divin sont réunis et attendent pour la traiter. Or, en pleines assises, le chef se sert de sa haute et divine autorité pour blâmer devant les prêtres qui lui sont présentés leurs évêques mineurs. Il fait l'éloge funèbre de M. de Montalembert devant 400 personnes; il écrit à Dom Guéranger, à l'Abbé de Cabrières de Nîmes, qui s'est dressé devant l'Évêque d'Orléans, aux diocèses dont les prêtres font des Adresses pour forcer la main à leurs mandataires ;

et il fait tout cela en termes tels que la Gazette du Midi et tutti quanti déclarent qu'il n'est plus permis ni aux évêques ni à personne de soutenir le contraire; et on appelle cela de la liberté !

On nous menace de passer par-dessus une minorité imposante, contrairement à toute la tradition, de fouler aux pieds la règle suprême de saint Vincent de Lerins: Quod ubique, quod semper, quod ab omnibus. On prêche que l'unanimité morale n'est pas nécessaire, que le chef est maître de tout, et que nous devons rendre des services et non point des sentences, faire de l'affection quand il s'agit de la foi. Voilà notre liberté ! Un Cardinal me disait pour conclusion: "Mon cher, nous allons aux abîmes."

Tout cela est capable d'ébranler les faibles, de désagréger ce qui tient à si peu.

Je crois vous avoir peint la position ce qu'elle est. Priez pour nous, faites valoir la chose, parce qu'elle est vraie, parce que je crois servir l'Église en vous la

révélant.

Après mes souffrances de cet hiver, je ne pense pas pouvoir affronter les chaleurs. . . . D'ailleurs, Dieu seul peut nous sauver.

APPENDIX III.

DIFFICULTÉS DE LA SITUATION A ROME.1

I.

LA question de l'infaillibilité pontificale, devenue, contre l'attente universelle, l'objet capital du Concile du Vatican depuis son ouverture, ne semble pas toucher encore à une solution immédiate. Cette grave question qui devait, au dire de certains hommes, être définie par acclamation dès les premières séances du Concile, puis le jour de l'Epiphanie, puis, après de courts débats, pour la fête de Saint Joseph ou le 25 Mars jour de l'Annonciation; différée de jour en jour à raison des énormes difficultés qu'elle rencontre, à la grande surprise des partisans de l'infaillibilité, doit enfin, nous dit-on, être, sans nouveau délai, résolue solennellement le 29 Juin, jour de la fête du Prince des Apôtres. Si telle est véritablement la pensée des Présidents du Concile, il semble difficile qu'elle puisse se réaliser. Quelques jours seulement nous séparent de cette solennité, et près de cent orateurs sont inscrits pour traiter cette question devant le Concile. Dans cette situation, il faut qu'on choisisse entre trois partis: ou supprimer

1 From the Gazette de France of June 28. The Vicar-General of an eminent French Bishop, who had been at Rome, is the reputed author.

toute discussion, ou proroger le Concile, ou exiger qu'il poursuive ses travaux jusqu'à ce qu'enfin toutes les difficultés soient pleinement éclaircies, et que tous les Pères puissent donner leur suffrage en parfaite connaissance de cause.

Supprimer, ou du moins restreindre la discussion de telle sorte que la conscience d'un nombre considérable de Pères qui sentent vivement toute la gravité de la question et les difficultés de tout genre dont elle est hérissée, ne soit pas pleinement satisfaite, ce serait violer toutes les règles des délibérations conciliares que nous voyons de siècle en siècle pratiquées avec la liberté et la maturité la plus complète. Rien ne saurait dispenser d'un examen approfondi, lorsqu'il s'agit d'imposer un dogme nouveau à la croyance des fidèles; et, au dire des théologiens, toute définition rendue sans une discussion préalable qui porte jusqu'à l'évidence le caractère de doctrine révélée dans le point mis en délibération, demeure par cela même frappée de nullité. Il suffit de parcourir rapidement les actes des Conciles Ecuméniques pour se convaincre des patientes recherches, de la sage lenteur qu'ils out apportées à leurs délibérations; et il est incontestable que les questions à résoudre dans ces grandes assemblées étaient loin de présenter les difficultés qui se rencontrent dans celle qui s'agite en ce moment. Le monde Chrétien n'ignore pas cela, et il ne verrait pas d'un œil indifférent un jugement solennel, en une matière qui touche à la constitution même de l'Eglise, prononcé à la hâte et par un coup de majorité.

Sans doute ceux qui tiennent dans leurs mains la direction du Concile, se persuadent que la question est depuis longtemps assez discutée pour qu'on sache à quoi s'en tenir sans de plus amples recherches; et, parce qu'à leurs yeux l'infaillibilité du Pape est une vérité, ils regardent toute nouvelle discussion comme une pure formalité que rien ne commande impérieusement. Mais par cela même que la question est discutée depuis plusieurs siècles, et que l'on discute encore avec science, érudition et bonne foi, il faut conclure évidemment que la lumière n'est pas encore faite à ce point qu'on puisse dire que telle est incontestablement la tradition antique et universelle.

Si à leurs yeux l'infaillibilité du Pape est une vérité certainement révélée, et qu'ils tiennent à précipiter la définition par égard pour certaines impatiences, ils ont un moyen bien simple de les satisfaire, sans commettre une violation des lois conciliaires. Dans le système ultramontain, le Pape étant infaillible, et, du consentement de tous les catholiques, l'Église universelle ne pouvant jamais accepter l'erreur et y adhérer, toute définition ex cathedra sera immanquablement suivie de l'assentiment de tout le corps de l'Église. Pie IX., assure-t-on, est profondément convaincu de son infaillibilité comme Pontife suprême. Eh bien de deux choses l'une ou il faut que le concile agisse en concile, et par conséquent avec circonspection, pesant avec une attention scrupuleuse les raisons graves, les faits, les textes allégués de part et d'autre; ou le Pape, en vertu de son autorité apostolique, par un acte des plus solennels, doit trancher

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