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traire au génie & à la fituation des peuples qui les profeffent. C'eft dans ce point de vue qu'il faut lire tout ce qu'il a écrit fur cette matiere, & qui a été l'objet de tant de déclamations injuftes. Il eft furprenant fur- tout que, dans un fiecle qui en appelle tant d'autres barbares, on lui ait fait un crime de ce qu'il dit de la tolécomme fi c'étoit approuver une religion que de la tolérer; comme fi enfin l'évangile même ne profcrivoit pas tout autre moyen de la répandre que la douceur & la perfuafion. Ceux en qui la fu perstition n'a pas éteint tout fentiment de compaffion & de juftice, ne pourront lire, fans être attendris, la remontrance aux inquifiteurs, ce tribunal odieux, qui outrage la religion en paroiffant la venger.

Enfin, après avoir traité en particulier des différentes efpeces de loix que les hommes peuvent avoir, il ne refte plus qu'à les comparer toutes enfemble, & à les examiner dans leur rapport avec les chofes fur lesquelles elles ftatuent. Les hommes font gouvernés par différentes efpeces de loix par le droit naturel, commun à chaque individu; par le droit divin, qui eft celui de la religion; par le droit eccléfiaftique, qui eft celui de la police de la religion; par le droit civil, qui

eft

eft celui des membres d'une même fociété; par le droit politique, qui eft celui du gouvernement de cette fociété; par le droit des gens, qui eft celui des fociétés les unes par rapport aux autres. Ces droits ont chacun leurs objets diftingués, qu'il faut bien fe garder de confondre. On ne doit jamais régler par l'un ce qui appartient à l'autre, pour ne point mettre de défordre ni d'injuftice dans les principes

I qui gouvernent les hommes. Il faut enfin que les principes qui prefcrivent le genre des loix, & qui en circonfcrivent l'objet, regnent auffi dans la maniere de les compofer. L'efprit de modération doit, autant qu'il eft poffible, en dicter toutes les difpofitions. Des loix bien faites feront conformes à l'efprit du législateur, même en paroiffant s'y oppofer. Telle étoit la fameufe loi de Solon, par laquelle tous ceux qui ne prenoient point de part dans les féditions étoient déclarés infames. Elle prévenoit les féditions, ou les rendoit utiles, en forçant tous les membres de la république à s'occuper de fes vrais intérêts. L'oftracifme même étoit une trèsbonne loi: car, d'un côté, elle étoit honorable au citoyen qui en étoit l'objet; & prévenoit, de l'autre, les effets de l'ambition: il falloit d'ailleurs un très-grand nombre

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nombre de fuffrages, & on ne pouvoit
bannir que tous les cinq ans. Souvent les
loix qui paroiffent les mèmes n'ont ni le
même motif, ni le même effet, ni la mê-
me équité; la forme du gouvernement, les
conjonctures & le génie du peuple chan-
gent tout.
Enfin le ftile des loix doit être
fimple & grave. Elles peuvent fe difpen-
fer de motiver, parce que le motif est
fuppofé exifter dans l'efprit du législateur,
mais, quand elles motivent, ce doit être
fur des principes évidens: elles ne doivent
pas reffembler à cette loi qui, défendant
aux aveugles de plaider, apporte pour rai-
fon qu'ils ne peuvent pas voir les orne-
mens de la magiftrature.

Mr. de Montefquieu, pour montrer, par des exemples, l'application de fes principes, a choifi deux différens peuples, le plus célebre de la terre, & celui dont l'histoire nous intéreffe le plus, les Romains & les François. Il ne s'attache qu'à une partie de la jurifprudence du premier; celle qui regarde les fucceffions. A l'égard des François, il entre dans le plus grand détail fur l'origine & les révolutions de leurs loix civiles, & fur les différens ufages, abolis ou fubfiftans, qui en ont été la fuite. Il s'étend principalement fur les loix féodales, cette efpece de gouvernement

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inconnu à toute l'antiquité, qui le fera peut-être pour toujours aux fiecles futurs, & qui a fait tant de biens & tant de maux. Il difcute fur-tout ces loix dans le rapport qu'elles ont avec l'établiffement & aux révolutions de la monarchie françoife. Il prouve, contre Mr. l'abbé du Bos, que les Francs font réellement entrés en conquérans dans les Gaules; & qu'il n'eft pas vrai, comme cet auteur le prétend, qu'ils aient été appellés par les peuples pour fuccéder aux droits des empereurs romains qui les opprimoient: détail profond, exact & curieux, mais dans lequel il nous eft imposfible de le fuivre.

Telle eft l'analyfe générale, mais trèsinforme & très-imparfaite, de l'ouvrage de Mr. de Montefquieu. Nous l'avons feparée du refte de fon éloge, pour ne pas trop interrompre la fuite de notre récit.

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DISCOURS

prononcé le 24 janvier 1728.

Par Mr. le président de MONTESQUIEU, lors qu'il fut reçu à l'académie françoife, à la place de feu Mr. DE SACY.

MESSIEURS,

EN m'accordant la place de Mr. de Sacy, vous avez moins appris au public ce que je fuis, que ce que je dois être.

Vous n'avez pas voulu me comparer à lui, mais me le donner pour modele. Fait pour la fociété, il y étoit aimable, y étoit utile: il mettoit la douceur dans les manieres, & la févérité dans les mœurs.

il

Il joignoit à un beau génie une ame plus belle encore les qualités de l'efprit n'étoient chez lui que dans le fecond ordre: elles ornoient le mérite, mais ne le faifoient pas.

Il écrivoit pour inftruire; &, en inftruifant, il fe faifoit toujours aimer. Tout refpire, dans fes ouvrages, la candeur & la probité; le bon naturel s'y fait fentir; le grand homme ne s'y montre jamais qu'avec l'honnête homme.

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