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Nous allons examiner ce rapport dans chaque gouvernement; & nous commencerons par l'état républicain, qui a la vertú pour principe.

CHAPITRE II.

Ce que c'est que la vertu dans l'état
politique.

LA VERTU dans une république eft une chofe très fimple; c'eft l'amour de la république; c'eft un fentiment, & non une fuite de connoiffances; le dernier homme de l'état peut avoir ce fentiment comme le premier. Quand le peuple a une fois de bonnes maximes, il s'y tient plus long-temps que ce qu'on appelle les honlonêtes gens. Il eft rare que la corruption ecommence par lui; fouvent il a tiré de la O médiocrité de fes lumieres un attachement plus fort pour ce qui eft établi.

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L'amour de la patrie conduit à la bonté des mœurs, & la bonté des mœurs mene à l'amour de la patrie. Moins nous pouvons fatisfaire nos paffions particulieres, plus nous nous livrons aux générales. Pourquoi les moines aiment-ils tant leur ordre? C'est justement par l'endroit qui fait

qu'il leur eft infupportable. Leur regle les prive de toutes les chofes fur lesquelles les paffions ordinaires s'appuient: refte donc cette paffion pour la regle même qui les afflige. Plus elle eft auftere, c'est-àdire, plus elle retranche de leurs penchans, plus elle donne de force à ceux qu'elle leur laiffe (a).

CHA

(a) Mr. de MONTESQUIEU nous ayant appris que dans un état populaire il faut un reffort de plus que dans les gouvernemens monarchiques & defpoti. ques, que ce resort est la vertu, il a nommé cette vertu, vertu politique: il a dit qu'on peut la définir l'amour des loix de la patrie. Il nous enfeigne ici que cette vertu eft l'amour de la républi que; & que cet amour est un Sentiment, non une fuite de connoiffances; que l'amour de la patrie conduit à la bonté des mœurs, & que la bonté des mœurs mene à l'amour de la patrie. Si cette der niere propofition étoit exactement vraie, elle rendroit raifon pourquoi les vertus & les mœurs fe foutiennent mieux dans une république que dans d'autres Etats: mais elle paroît manquer de jus teffe. D'abord l'amour de la patrie, ou celui de la république, peut confifter foit dans un defir de conferver la conftitution du gouvernement, foit dans celui de conferver l'Etat, ou bien dans un defir qui fe porte à ces deux objets à la fois. Nous fuppofons que notre Auteur l'ait entendu dans ce dernier fens. D'où ce defir peut-il naître? De la force de l'éducation, dira Mr. de MONTESQUIEU. On n'aura qu'à répéter aux enfans qu'ils doivent aimer leur patrie, & le vif delir de la voir profpe

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et

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CHAPITRE III.

Ce que c'est que l'amour de la républi-
que dans la démocratie.

'AMOUR de la république dans une démocratie eft celui de la démocratie; l'amour de la démocratie eft celui de l'égalité (b).

reces.

L'amour

mérer leur viendra, & fe perpétuera de pere en fils: tad & de cette maniere l'amour de la république fera use un Sentiment non pas une fuite de connoiffan Nous lui accordons ce raifonnement qui eft très- jufte & confirmé par l'expérience: mais nous lane lui accordons point que ce fentiment conduife bont à la bonté des mœurs; nous nions même qu'il ette puifle y conduire: parce qu'un fentiment qui n'est ellet pas le réfultat de réflexions antérieures, qui n'eft no pas une fuite de connoiffances, eft également pro. pre à conduire au but & par des voies iniques & de par celles qui feroient juftes. Pour que ce fenticement puiffe conduire à la bonté des mœurs, il del faut qu'il foit foutenu par la conviction que le bien de la patrie eft intimément lié à la bonté des mœurs, & alors il pourra y conduire. Mais en ce cas il fuppofe plus ou moins une fuite de connoiffances, qui rendroit l'amour de la patrie plus ou moins fort. (R. d'un A.)

que d

dans

Dis. N

dan

se?

(b) Il paroît que notre Auteur ne prend pas ici l'amour de la patrie, dans le fens que nous l'avons

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fuppofe

L'amour de la démocratie eft encore l'amour de la frugalité. Chacun devant y

avoir

fuppofé dans la note précédente, mais uniquement pour le defir de voir la conftitution de l'Etat fe conferver. C'eft ainfi qu'en Hollande l'amour de la patrie fe borneroit à celui du gouvernement Stadhouderien ou anti-ftadhouderien. Pour moi je

penfe que l'amour de la patrie doit avoir pour objet tout ce qui tend à la conferver dans la fituation la plus heureufe; & que c'eft le mettre bien bas que de le réduire dans une démocratie à celui de l'égalité.

mais

Il y a deux fortes d'égalités: celle des conditions, & celle des fortunes. L'égalité des fortu nes peut fublifter en quelque maniere dans un Etat, dont le pays produit tout ce qui eft nécesfaire pour la fubfiftance, & dans lequel les loix bornent les befoins à ce que le pays produit; dès qu'on fuppofe que les citoyens doivent cher cher leur fubfiftance à force d'induftrie, l'égalité difparoît: celle qui devroit réfulter du facrifice que les plus laborieux & les plus induftrieux fe roient obligés de faire, à ceux qui le feroient moins, feroit naître une inégalité de conditions, fort odieufe. La nature de la fociété civile exige des magiftrats, des juges, des officiers tant civils que militaires: l'égalité de condition ne peut donc jamais avoir lieu dans un Etat. Mais voici en quoi confifte proprement l'égalité des citoyens: c'eft d'être foumis tous aux mêmes loix; qu'il n'y ait point d'ordres privilégiés pour entrer dans la gestion des affaires, ou pour toute autre chose; que ceux qui font en fonction ne foient que fim. ples citoyens dans leur vie privée, & uniquement magiftrats

avoir le même bonheur & les mêmes avantages, y doit goûter les mêmes plaifirs & former les mêmes efpérances; chofe qu'on ne peut attendre que de la frugalité générale.

L'amour de l'égalité dans une démocratie borne l'ambition au feul defir, au feul bonheur de rendre à fa patrie de plus grands fervices que les autres citoyens. Ils ne peuvent pas lui rendre tous des fervicés égaux; mais ils doivent tous également lui en rendre. En naiffant, On contracte envers elle une dette immenfe, dont on ne peut jamais s'acquiter.

Ainfi les diftinctions y naiffent du principe de l'égalité, lors même qu'elle paroît ôtée par des fervices heureux ou par des

talens fupérieurs.

L'amour

magiftrats &c. dans l'exercice de leur charge parce qu'alors ils font cenfés représenter tous les individus de la nation. C'eft au corps de l'état qu'on obéit, & non point à celui qu'on a chargé de le repréfenter. Cette égalité, la bafe du gouvernement démocratique, n'exige point qu'on foit frugal, qu'on ait contracté une dette immenfe en naillant; c. elle exige une bonne conftitution qui empêche les riches d'opprimer ceux qui le font moins, & de tourner à leur avantage particulier des charges, qui ne leur font confiées que comme adminiftrateurs de l'Etat. (R. d'un A.)

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