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Ces regles font un rapport constamment établi (g). Entre un corps mu, & un autre corps mu, c'eft fuivant les rapports de la maffe & de la viteffe, que tous les mouvemens font reçus, augmentés, diminués, perdus; chaque diverfité eft uniformité; chaque changement eft conftance.

Les êtres particuliers, intelligens, peuvent avoir des loix qu'ils ont faites: mais ils en ont auffi qu'ils n'ont pas faites (b). Avant qu'il y eût des êtres intelligens, ils étoient

poffi

(g) Point du tout. Les rapports font indépendans des regles entre un corps & un autre corps le même rapport demeure inaltérable, foit que ces corps foient mus ou qu'ils ne le foient pas. En eft-il de même des regles que les corps fuivent dans leurs mouvemens? Subfifteroient elles fans le mouvement? Entre un fouverain & des fujets, il y a un rapport invariable, celui du droit de commander d'une part & du devoir d'obéir de l'autre; ce rapport a conftamment lieu, foit que le fouverain commande, ou qu'il ne le faffe point. En eft de même des loix? Nullement: les loix n'ont lieu que lorfque le fouverain commande; preuve manifefte que les rapports & les loix font des fujets très différens qu'il faut bien fe garder de confondre. (R. d'un A.)

(b) Si les loix font des rapports nécessaires qui dérivent de la nature des chofes, comme Mr. de MONTESQUIEU vient de l'enfeigner plus haut, comment peut-on dire que des êtres intelligens en aient faites? (R. d'un A.)

poffibles ils avoient donc des rapports poffibles, & par conféquent des loix poffibles. Avant qu'il y eût des loix faites, il y avoit des rapports de juftice poffibles. Dire, qu'il n'y a rien de jufte ni d'injufte, que ce qu'ordonnent ou défendent les loixpofitives, c'eft dire, qu'avant qu'on eût tracé de cercle, tous les rayons n'étoient pas égaux (i).

Il faut donc avouer des rapports d'équité antérieurs à la loi pofitive qui les établit comme par exemple, que, fuppofé qu'il y eût des focietés d'hommes, il feroit jufte de fe conformer à leurs loix; que, s'il y avoit des êtres intelligens, qui euffent reçu quelque bienfait d'un autre être, ils devroient en avoir de la reconnoiffance; que, fi un être intelligent avoit créé un être intelligent, le créé devroit refter dans la dépendance qu'il a euë dès fon origine; qu'un être intelligent, qui a fait du mal à un être intelligent, mérite de recevoir le même mal; & ainfi du reste. (k).

Mais

(i) Ce raifonnement bien developpé est très-bon pour réfuter Carnéades & ceux qui foutiennent qu'il n'y a rien de jufte ni d'injufte que ce qui eft declaré tel par les loix pofitives. (R. d'un A.)

(k) Ces loix étant poffibles parce que les êtres intelligens l'étoient, l'exiftence de ces êtres en

Mais il s'en faut bien que le monde intelligent foit auffi bien gouverné que le monde phyfique (1) car, quoique celui-la ait auffi des loix, qui, par leur nature, font invariables, il ne les fuit pas conftamment, comme le monde phyfique fuit les fiennes. La raifon en eft, que les êtres particuliers intelligens font bornés par leur nature, & par conféquent fujets à l'erreur; & d'un autre côté, il eft de leur nature qu'ils agiffent par eux-mêmes. Ils ne fuivent donc pas conftamment leurs loix primitives; & celles même qu'ils fe donnent, ils ne les fuivent pas toujours.

On ne fçait fi les bêtes font gouvernées par les loix générales du mouvement, ou par une motion particuliere. Quoiqu'il en foit, elles n'ont point avec Dieu de rapport plus intime que le refte du monde matériel; & le fentiment ne leur fert que dans le rapport qu'elles ont entr'elles, ou avec elles-mêmes.

Par

traine néceffairement celle de ces loix; on ne peut donc pas dire à la rigueur que la loi pofitive les établit. (R. d'un A.)

(7) A la rigueur les loix s'obfervent dans le monde moral tout comme dans le monde phy. fique. (R. d'un A.)

Par l'attrait du plaifir, elles confervent leur être particulier; &, par le même attrait, elles confervent leur efpece. Elles ont des loix naturelles, parce qu'elles font unies par le fentiment; elles n'ont point de loix pofitives, parce qu'elles ne font point unies par la connoiffance. Elles ne fuivent pourtant pas invariablement leurs loix naturelles: les plantes, en qui nous ne remarquons ni connoiffance, ni fentiment, les fuivent mieux.

Les bêtes n'ont point les fupremes avantages que nous avons elles en ont que nous n'avons pas. Elles n'ont point nos efpérances, mais elles n'ont pas nos craintes; elles fubiffent comme nous la mort mais c'eft fans la connoître; la plupart même fe confervent mieux que nous, & ne font pas un auffi mauvais ufage de leurs paffions.

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L'homme, comme être phyfique, est, ainfi que les autres corps, gouverné par des loix invariables. Comme être intelligent, il viole fans ceffe les loix que Dieu a établies, & change celles qu'il établit luimême il faut qu'il fe conduife; & cependant il est un être borné: il eft fujet à l'ignorance & à l'erreur, comme toutes les intelligences finies: les foibles connoiffances qu'il a, il les perd encore. Comme

créature

créature fenfible; il devient fujet à mille paffions. Un tel être pouvoit, à tous les inftans, oublier fon créateur; Dieu l'a rappellé à lui par les loix de la religion. Un tel être pouvoit, à tous les inftans, s'oublier lui-même; les philofophes l'ont averti par les loix de la morale. Fait pour vivre dans la focieté, il y pouvoit oublier les autres; les législateurs l'ont rendu à fes devoirs par les loix politiques & civiles.

CHAPITRE II.

Des loix de la nature.

AVANT toutes ces loix, font, celles de la nature; ainfi nommées, parce qu'elles dérivent uniquement de la conftitution de notre être.

Pour les connoître bien, il faut confiderer un homme avant l'établif fement des focietés (m); les loix de la nature feront celles qu'il recevroit dans un état pareil.

Cette

(m) Mais il ne faut pas oblier non plus, lorfqu'on lui appliquera ce que l'on a découvert de cette maniere, qu'on a fait cette abftraction. (R. d'un A.)

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