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CHAPITRE XX.
Fin de ce Livre.

E voudrois rechercher dans tous les

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matiere, vous trouverez qu'ils regardent les trois pouvoirs, dont il s'agit ici, comme des attributs de la fouveraineté, comme des parties effentielles qui ne peuvent en être féparées; bien qu'elles puiffent être modifiées par des loix fondamentales qui en reglent l'exercice. Cependant fi nous prenons la peine de remonter fur ce fujet à des no. tions diftinctes nous trouverons que la distinction que Mr. de MONTESQUIEU met entre le pouvoir législatif, le judiciaire, & la puiljance exécutrice, eft non jeulement fondée, mais préfcrite même par les regles de la plus faine politique Quel eft Pobjet de la fouveraineté ? Ce n'est point d'ôter aux hommes leur liberté naturelle; c'eft de regler leurs actions au plus grand bien du tout: or le gouvernement qui produit le mieux cet effet, en limitant le moins la liberté naturelle, c'eft celui qui répond le mieux aux vues qu'on doit fuppofer dans des êtres raifonnables, & au but que les hommes fe propofent par l'établiffement des fo. ciétés civiles. S'il n'étoit queftion que de chercher à regler les actions des hommes vers le bien général, fans confulter la liberté naturelle, l'af faire feroit bientôt faite: il n'y auroit qu'à fe foumettre à l'empire arbitraire d'un feul, Mais tout ce qu'il y a jamais eu de gouvernemens modérés, prouve que les hommes, par- là même qu'ils font portés à former des fociétés civiles, le font égale.

ment

trois pouvoirs, & calculer par - là les degrés de liberté dont chacun d'eux peut jouir. Mais il ne faut pas toujours telle

ment

ment à fe conferver les droits naturels de la li berté, autant que le but de la fociété peut le per. mettre. Or c'eft de quoi il eft proprement ques tion dans ce livre, & dans le livre fuivant. On le voit manifeftement malgré le peu d'ordre & de clarté qu'on y trouve. Mr. de MONTESQUIEU recherche dans quelle conftitution cette liberté eft le mieux confervée, & comment elle peut être attaquée par cette conftitution, par les loix, & par la geftion des affaires.

Afin de fentir combien jufte eft la divifion des trois pouvoirs dont nous parlons, & combien il eft néceffaire de les diftinguer, & de ne pas les regarder comme des parties inféparables de la fouveraineté, examinons ce que c'eft proprement que la fouveraineté. Vous répondrez fans héziter que c'est le droit de gouverner, c'eft-à-dire, la faculté de regler par notre volonté celle de tous les membres d'un état; ou, ce qui revient au même, le droit (ou fi vous voulez le pouvoir) de déterminer les actions libres des citoyens fuivant fa volonté. Cette faculté, ce droit, ou ce pouvoir peut être plus ou moins abfolu fuivant que les loix fondamentales en auront difpofe ; & puifqu'il oblige les citoyens de conformer leurs actions aux ordres de celui qui commande, il leur ôte la liberté naturelle, en vertu de la laquelle ils étoient les maîtres d'agir fuivant leur gré; & la leur ôte plus ou moins, fuivant que ce droit de gouverner eft plus ou moins abfolu. Plus ce droit fera limité, moins le fera la liberté naturelle; & vicis

ment épuifer un fujet, qu'on ne laiffe Il ne s'agit pas

rien à faire au lecteur.

de faire lire, mais de faire penfer.

fim. Puis donc que la fouveraineté, ou la puisfance fuprême confifte dans le droit ou le pouvoir de déterminer les actions des citoyens fuivant fa volonté, il est évident que rien n'eft effentiel à ce droit, que ce fans quoi il ne peut fubfifter D'où réfulte que l'eflence du pouvoir fuprême confifte uniquement dans la faculté d'énoncer fa volonté d'une façon qui foit obligatoire pour les sujets; & c'eft cette faculté, cette puiffance, ou ce pouvoir qu'on nomme législatif. Dès qu'on peut énoncer fa volonté pour regle de la conduite des autres, & qu'on peut le faire d'une façon qui foit obligatoire pour ceux auxquels elle s'étend, on détermine dans un état, par fa volonté, les actions libres des citoyens; & voilà précisément le pouvoir qu'exige la fouverai neté. Mais ce pouvoir exige-t-il qu'on juge foimême des transgreffions, qu'on exécute foi-même? Point du tout. 11 fuffit que la fociété foit établie de façon que les jugemens & les exécutions aient lieu, parce que cela fuffit pour faire refpecter la volonté du fouverain. Or comme il n'eft pas néceffaire que le fouverain lui-même juge, & exécute, c'eft-à-dire, qu'il poffede avec la puisfance législative, l'exécutrice & celle de juger, il est évident que ces pouvoirs n'appartiennent point effentiellement à la fouveraineté, qu'ils peuvent en être féparés, qu'ils doivent même l'ê. tre dès que la réunion de ces trois pouvoirs menacent la fureté du citoyen & le but qu'on s'eft propofé par la confociation or ceci eft évidemment prouvé par ce que Mr. de MONTESQUIEU nous dit à ce fujet. (R. d'un A.).

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