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CHAPITRE VIIL

Pourquoi les anciens n'avoient pas une
idée bien claire de la monarchie.

LES

Es anciens ne connoiffoient point le gouvernement fondé fur un corps de nobleffe, & encore moins le gouvernement fondé fur un corps législatif formé par les représentans d'une nation. Les républiques de Grece & d'Italie étoient des vil les qui avoient chacune leur gouvernement, & qui affembloient leurs citoyens dans leurs murailles. Avant que les Romains euffent englouti toutes les républiques, il n'y avoit prefque point de roi nulle part, en Italie, Gaule, Efpagne, Allemagne ; tout cela étoit de petits peuples ou de petites républiques. L'Afrique même étoit foumife à une grande, l'Afie mineure étoit occupée par les colonies Grecques. Il n'y avoit donc point d'exemple de députés de villes, ni d'affemblées d'états il falloit aller jufqu'en Perfe pour trouver le gouvernement d'un feul.

Il eft vrai qu'il y avoit des républiques fédératives; plufieurs villes envoyoient des députés à une affemblée. Mais je dis qu'il

n'y

n'y avoit point de monarchie fur ce modele - là.

Voici comment fe forma le premier plan des monarchies que nous connoiffons. Les nations Germaniques qui conquirent l'empire Romain, étoient, comme l'on fait, très libres. On n'a qu'à voir làdeffus Tacite fur les mœurs des Germains. Les conquérans fe répandirent dans le pays; ils habitoient les campagnes, & peu les villes. Quand ils étoient en Germanie, toute la nation pouvoit s'affembler. Lorsqu'ils furent difperfés dans la conquête, ils ne le purent plus. Il fanoit pourtant que la nation délibérât fur fes affaires, comme elle avoit fait avant la conquête: elle le fit par des repréfentans. Voilà l'origine du gouvernement Gothique parmi Il fut d'abord mêlé de l'ariftocratie & de la monarchie. Il avoit cet inconvénient, que le bas - peuple y étoit esclave c'étoit un bon gouvernement, qui avoit en foi la capacité de devenir meilleur. La coutume vint d'accorder des let tres d'affranchiffement; & bientôt la liberté civile du peuple, les prérogatives de la nobleffe & du clergé, la puiffance des roisfe trouverent dans un tel concert, que je ne crois pas qu'il y ait eu fur la terre de gouvernement fi bien tempéré que le fut Q6

nous.

ce.ui

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vernement d'un feul, ne pouvoient se faire une idée jufte de la monarchie.

CHAPITRE X.

→ Maniere de penfer des autres politiques.

POUR

OUR tempérer le gouvernement d'un feul, Arribas (*), roi d'Epire, n'imagina qu'une république. Les Moloffes, ne fachant comment borner le même pouvoir, firent deux rois (†): par-là on affoiblisfoit l'état plus que le commandement; on vouloit des rivaux, & on avoit des ennemis.

Deux rois n'étoient tolérables qu'à Lacédémone; ils n'y formoient pas la constitution, mais ils étoient une partie de la constitution.

CHAPITRE XI.

Des rois des temps héroïques chez
les Grecs.

CHEZ

HEZ les Grecs, dans les temps héroïques, il s'établit une efpece de monarchie,

(*) Voyez Juftin, Liv. XVII.

(†) Ariftote, Politiq. Liv. V: Chap. IX.

narchie, qui ne fubfifta pas (*). Ceux qui avoient inventé des arts, fait la guerre pour le peuple, affemblé des hommes disperfés, ou qui leur avoient donné des terres, obtenoient le royaume pour eux, & le tranfmettoient à leurs enfans. Ils étoient rois, prêtres & juges. C'eft une des cinq efpeces de monarchie dont nous parle Aristote (†); & c'eft la feule qui puiffe réveiller l'idée de la conftitution monarchique. Mais le plan de cette conftitution eft oppofé à celui de nos monarchies d'aujourd'hui.

Les trois pouvoirs y étoient diftribués de maniere que le peuple y avoit la puisfance législative (4); & le roi, la puiffance exécutrice avec la puiffance de juger: au lieu que, dans les monarchies que nous connoiffons, le prince a la puiffance exécutrice & la législative, ou du moins une partie de la législative; mais il ne juge pas.

Dans le gouvernement des rois des temps héroïques, les trois pouvoirs étoient mal diftribués. Ces monarchies ne pouvoient fubfifter: car, dès que le peuple avoit

(*) Ariftote, Politique, Liv. III. Chap. XIV. (t) Ibid.

(4) Voyez ce que dit Plutarque, vie de Thefee Voyez auffi Thucidide, Liv. 1.

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