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jours, fur les forces de terre & de mer qu'elle doit confier à la puiffance exécutrice.

Pour que celui qui exécute ne puiffe pas opprimer, il faut que les armées qu'on lui confie foient peuple, & aient le même efprit que le peuple, comme cela fut à Rome jufqu'au temps de Marius. Et, pour que cela foit ainfi, il n'y a que deux moyens; on que ceux que l'on emploie dans l'armée aient affez de bien pour répondre de leur conduite aux autres citoyens, & qu'ils ne foient enrôlés que pour un an,. comme il fe pratiquoit à Rome; ou, fi on a un corps de troupes permanent, & où les foldats foient une des plus viles parties de la nation, il faut que la puiffance législative puiffe le cafferfi-tôt qu'elle le defire; que les foldats habitent avec les citoyens; & qu'il n'y ait ni camp féparé, ni cafernes, ni place de guerre (o).

L'armée

(o) La puiffance exécutrice eft confidérée ici relativement aux affaires étrangeres : & l'on peut dire en général que par rapport à ceux auxquels on confie la puiflance militaire, il faut avoir foin de faire dépendre abfolument le corps militaire de la puiffance législative, fans quoi ce corps pourroit agir d'une maniere contraire à la volonté du fouverain. Afin d'empêcher les inconvéniens

dont

L'armée étant une fois établie, elle ne doit point dépendre immédiatement du corps législatif, mais de la puiffance exécutrice, & cela par la nature de la chofe: fon fait confiftant plus en action qu'en délibération.

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Il eft dans la maniere de penfer des hommes, que l'on faffe plus de cas du courage, que de la timidité de l'activité, que de la prudence; de la force, que des confeils. L'armée méprifera toujours un fénat, & refpectera fes officiers. Elle ne fera point cas des ordres qui lui feront envoyés de la part d'un corps compofé de gens qu'elle croira timides, & indignes parlà de lui commander. Ainfi, fi-tôt que l'armée dépendra uniquement du corps législatif, le gounement deviendra militaire; & fi le contraire eft jamais arrivé, c'eft l'effet de quelques circonftances extraordinaires. C'eft que l'armée y eft tou jours féparée; c'eft qu'elle eft compofée de plufieurs corps qui dépendent chacun de leur province particuliere; c'eft que les villes capitales font des places excellentes, qui fe défendent par leur fituation feule, & où il n'y a point de troupes.

La

dont notre auteur parle plus bas, on peut fe fervir des mêmes précautions que nous avons mar uées ci- deffus Liv. II. Ch. 1V. n. h. (R, ďun A.)

La Hollande eft encore plus en fureté que Venife; elle fubmergeroit les troupes révoltées, elle les feroit mourir de faim ;. elles ne font point dans les villes qui pourroient leur donner la fubfiftance; cette fubfiftance eft donc précaire.

Que fi, dans le cas où l'armée eft gouvernée par le corps législatif, des circonstances particulieres empêchent le gouvernement de devenir militaire, on tombera dans d'autres inconvéniens: de deux choLes l'une; ou il faudra que l'armée détruise le gouvernement, ou que le gouvernement affoibliffe l'armée.

Et cet affoibliffement aura une caufe bien fatale, il naîtra de la foibleffe même du gouvernement.

Si l'on veut lire l'admirable ouvrage de Tacite fur les mœurs (**) des Germains, on verra que c'eft d'eux que les Anglois ont tiré l'idée de leur gouvernement politique. Ce beau fyftême a été trouvé dans les bois.

Comme toutes les chofes humaines ont une fin, l'état dont nous parlons perdra

fa

(**) De minoribus rebus principes confultant, de majoribus omnes; ita tamen ut ea quoque quorum penes plebem arbitrium eft, apud principes pertrac➡

tentur.

&

fa liberté, il périra. Rome, Lacédémone Carthage ont bien péri. Il périra, lorfque la puiffance législative fera plus corrompue que l'exécutrice.

Ce n'est point à moi à examiner files Anglois jouiffent actuellement de cette liberté, ou non. Il me fuffit de dire qu'elle eft établie par leurs loix, & je n'en cherche pas davantage.

Je ne prétends point par-là ravaler les autres gouvernemens, ni dire que cette liberté politique extrême doive mortifier ceux qui n'en ont qu'une modérée. Comment dirois-je cela, moi qui crois que l'excès même de la raifon n'eft pas tou jours defirable; & que les hommes s'accommodent prefque toujours mieux des milieux, que des extrémités?

Arrington, dans fon Oceana, a auffi examiné quel étoit le plus haut point de liberté où la conftitution d'un état peut être portée. Mais on peut dire de lui, qu'il n'a cherché cette liberté qu'après l'avoir méconnue; & qu'il a bâti Chalcédoine, ayant le rivage de Bifance devant les

yeux.

CHA

CHAPITRE VII.

Des monarchies que nous connoiffons.

Es monarchies que nous connoiffons n'ont pas, comme celle dont nous venons de parler, la liberté pour leur objet direct; elles ne tendent qu'à la gloire des citoyens, de l'état, & du prince. Mais, de cette gloire, il réfulte un efprit de liberté, qui, dans ces états, peut faire d'auffi grandes chofes, & peut-être contribuer autant au bonheur que la liberté même.

Les trois pouvoirs n'y font point diftribués & fondus fur le modele de la constitution dont nous avons parlé; ils ont chacun une diftribution particuliere, felon laquelle ils approchent plus ou moins de la liberté politique; & s'ils n'en appro choient pas, la monarchie dégénéreroit en defpotifme.

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