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pofera fa propre liberté; parce qu'elle confiera une trop grande puiffance aux magiftrats qu'elle enverra dans l'état conquis.

Dans quel danger n'eût pas été la république de Carthage, fi Annibal avoit pris Rome? Que n'eût-il pas fait dans fa ville après la victoire, lui qui y caufa tant de révolutions après fa défaite (†) (g)?

Hannon n'auroit jamais pu perfuader au fénat de ne point envoyer de fecours à Annibal, s'il n'avoit fait parler que fa jaloufie. Ce fénat qu'Ariftote nous dit avoir été fi fage (chofe que la prospérité de cette république nous prouve si bien), ne pouvoit être déterminé que par des raifons fenfées. Il auroit fallu être trop ftupide pour ne pas voir qu'une armée, à trois cens lieues de là, faifoit des pertes néceffaires, qui devoient être réparées.

Le parti d'Hannon vouloit qu'on livrât Annibal aux Romains (4). On ne pouvoit

(†) Il étoit à la tête d'une faction.

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(g). Il eût fait ce que font les gouverneurs des Indes Orientales Hollandoifes, après qu'ils font repatriés: il eût vecu en fimple citoyen. (R. d'un A.)

(4) Hannon vouloit livrer Annibal aux Romains, comme Caton vouloit qu'on livrât Céfar anx Gaulois.

voit pour lors craindre les Romains, craignoit donc Annibal.

on

On ne pouvoit croire, dit-on, les fuccès d'Annibal: mais comment en douter? Les Carthaginois répandus par toute la terre, ignoroient - ils ce qui fe paffoit en Italie? C'est parce qu'ils ne l'ignoroient pas, qu'on ne vouloit pas envoyer de fecours à Annibal.

Hannon devient plus ferme après Trébies, après Trafimenes, après Cannes: ce n'eft point fon incrédulité qui augmente, c'eft fa crainte.

CHAPITRE VII.

Continuation du même fujet.

IL y a encore un inconvénient aux conquêtes faites par les démocraties. Leur gouvernement et toujours odieux aux états affujettis. Il eft monarchique par la fiction mais, dans la vérité, il eft plus dur que le monarchique, comme l'expérience de tous les temps & de tous les pays l'a fait voir.

Les

Les peuples conquis y font dans un état trifte; ils ne jouiffent ni des avantages de la république, ni de ceux de la monarchie (b).

Ce que j'ai dit de l'état populaire fe peut appliquer à l'aristocratie.

CHAPITRE VIII.

Continuation du même fujet.

AINSI, quand une république tient quelque peuple fous fa dépendance, il faut qu'elle cherche à réparer les inconvéniens qui naiffent de la nature de la chofe; en lui donnant un bon droit politique & de bonnes loix civiles (i).

Une république d'Italie tenoit des infulaires fous fon obéiffance; mais fon droit politique & civil à leur égard étoit vi

cieux.

(b) Ce chapitre affirme encore trop générale. ment. Une république peut faire précisément tout ce que l'auteur nous dit au Chap. IX, de ce livre que les monarchies doivent faire. (R. d'un A.)

(i) C'eft un devoir pour tous les états, qui en tiennent d'autres fous leur dépendance. (R. d'un A.)

cieux. On fe fouvient de cet acte (*) d'amniftie, qui porte qu'on ne les condamneroit plus à des peines afflictives fur la confcience informée du gouverneur. On

a vu fouvent des peuples demander des privileges; ici le fouverain accorde le droit de toutes les nations.

CHAPITRE IX.

D'une monarchie qui conquiert autour
d'elle.

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I une monarchie peut agir long-temps avant que l'aggrandiffement l'ait affoiblie, elle deviendra redoutable, & fa force durera tout autant qu'elle fera preffée par les monarchies voifines.

Elle ne doit donc conquérir que pendant qu'elle refte dans les limites naturelles à fon gouvernement. La prudence

veut

(*) Du 18 Octobre 1738, imprimée à Genes, chez Francbelli. Vietiamo al noftro general-governatore in detta ifola, di condanare in avenire folamente ex informatâ confcientiâ perfona alcuna nazionale in pena afflittiva: potrà ben fi far arreftare ed incarcerare le perfone che gli faranno foSpette; falvo di renderne poi à noi follecitamente, Art. VI.

veut qu'elle s'arrête, fitôt qu'elle paffe ces limites.

Il faut, dans cette forte de conquête, laiffer les chofes comme on les a trouvées; les mêmes tribunaux, les mêmes loix, les mêmes coutumes, les mêmes privileges, rien ne doit être changé, que l'armée & le nom du fouverain.

Lorfque la monarchie a étendu fes limites par la conquête de quelques provinces voifines, il faut qu'elle les traite avec une grande douceur.

Dans une monarchie qui a travaillé long temps à conquérir, les provinces de fon ancien domaine feront ordinairement très-foulées. Elles ont à fouffrir les nouveaux abus & les anciens; & fouvent une vafte capitale, qui engloutit tout, les a dépeuplées. Or, fi après avoir conquis autour de ce domaine, on traitoit les peuples vaincus comme on fait fes anciens fujets, l'état feroit perdu; ce que les provinces conquifes envoieroient de tributs à la capitale, ne leur reviendroit plus; les frontieres feroient ruinées, & par conféquent plus foibles; les peuples en feroient mal affectionnés ; la fubfiftance des armées, qui doivent y refter & agir, feroit plus précaire.

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