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fouvent dans le cas de craindre d'être détruites (b).

Le droit de la guerre dérive donc de la néceffité & du jufte rigide. Si ceux qui dirigent la confcience, où les confeils des princes, ne fe tiennent pas là, tout est perdu; & lorfqu'on fe fondera fur des principes arbitraires de gloire, de bienféances, d'utilité, des flots de fang inonderont la terre.

Que l'on ne parle pas fur-tout de la gloire du prince; fa gloire feroit fon orgueil; c'eft une paffion, & non pas un droit légitime.

Il est vrai que la réputation de fa puisfance pourroit augmenter les forces de fon état; mais la réputation de fa justice les augmenteroit tout de même.

(b) Cette conféquence eft fauffe, parce que le principe dont elle eft titrée, eft faux, ainfi qu'on vient de le voir dans la note précédente. (R. d'un A.)

CHA

D

CHAPITRE III.

Du droit de conquête.

u droit de la guerre, dérive celui de conquête, qui en eft la conféquence; il en doit donc fuivre l'efprit.

Lorfqu'un peuple eft conquis, le droit que le conquérant a fur lui fuit quatre fortes de loix; la loi de la nature, qui fait que tout tend à la confervation des efpeces; la loi de la lumiere naturelle, qui veut que nous faffions à autrui ce que nous voudroins qu'on nous fît; la loi qui forme les fociétés politiques, qui font telles que la nature n'en a point borné la durée; enfin la loi tirée de la chofe même. La conquête eft une acquifition; l'efprit d'acquifition porte avec lui l'efprit de confervation & d'ufage, & non pas celui de deftruction (c).

Un

(c) Le droit du conquérant réfulte du droit de fureté, établi par le droit des gens, qui tire à fon tour fon origine du droit naturel, ou de la loi naturelle: il eft donc ridicule de dire que le droit du conquérant fuit quatre Ioix, vu qu'il eft uniquement fondé fur le grand principe de la loi

natu

Un état qui en a conquis un autre, le traite d'une des quatre manieres fuivantes. Il continue à le gouverner felon fes loix, & ne prend pour lui que l'exercice du gouvernement politique & civil; ou il lui donne un nouveau gouvernement politique & civil; ou il détruit la fociété & la difperfe dans d'autres; ou enfin il extermine tous les citoyens.

La premiere maniere eft conforme au droit des gens que nous fuivons aujourd'hui; la quatrieme eft plus conforme au droit des gens des Romains: fur quoi je laiffe à juger à quel point nous fommes devenus meilleurs. Il faut rendre ici hommage à nos temps modernes, à la raison préfente, à la réligion d'aujourd'hui, à notre philofophie, à nos mœurs.

Les auteurs de notre droit public, fondés fur les hiftoires anciennes, étant fortis des cas rigides, font tombés dans de

gran

naturelle, qui oblige le conquérant à traiter le peuple conquis fuivant les regles de l'humanité ; à n'avoir d'autre but que le bien être de ce peuple, confidéré relativement à la fureté qu'il a dû fe propofer par la conquête: & fuivant que les circonftances pourront le permettre, il continuera à gouverner le peuple conquis felon fes loix, ou lui donnera un nouveau gouvernement politique & civil, ou le réduira en efclavage, ou le détruira &c. (R. d'un A.).

grandes erreurs. Ils ont donné dans l'ar bitraire; ils ont fuppofé dans les conquérans un droit, je ne fais quel, de tuer : ce qui leur a fait tirer des conféquences terribles comme le principe; & établir des maximes que les conquérans eux-mêmes, lorfqu'ils ont eu le moindre fens, n'ont jamais prises. Il eft clair que, lorfque la conquête eft faite, le conquérant n'a plus le droit de tuer; puifqu'il n'eft plus dans le cas de la défenfe naturelle, & de fa propre confervation.

Ce qui les a fait penser ainfi, c'eft qu'ils ont eru que le conquérant avoit droit de détruire la fociété d'où ils ont conclu qu'il avoit celui de détruire les hommes qui la compofent (d), ce qui eft une conféquence fauffement tirée d'un faux principe. Car, de ce que la fociété feroit anéantie, il ne s'enfuivroit pas que les hommes qui la forment duffent auffi être anéantis. La fociété eft l'union des hommes, & non pas les hommes; le citoyen peut périr, & l'homme refter.

Du

(d) Les autres n'ont pofé ce droit que dans les cas de néceffité: ils en ont fait fentir la force, mais ils y ont oppofé en même temps les devoirs moraux qui le limitent. (R. d'un A.)

Du droit de tuer dans la conquête, les politiques ont tiré le droit de réduire en fervitude mais la conféquence eft auffi mal fondée que le principe.

:

On n'a droit de réduire en fervitude, que lorfqu'elle est néceffaire pour la confervation de la conquête. L'objet de la conquête eft la confervation: la fervitude n'eft jamais l'objet de la conquête; mais il peut arriver qu'elle foit un moyen néces-` faire pour aller à la confervation (e).

Dans ce cas, il eft contre la nature de la chofe, que cette fervitude foit éternelle. Il faut que le peuple efclave puiffe devenir fujet. L'efclavage dans la conquête eft une chofe d'accident. Lorfqu'après un certain efpace de temps, toutes les parties de l'état conquérant fe font liées avec celles de l'état conquis, par des coutumes, des mariages, des loix, des affociations & une certaine conformité d'efprit, la fervitude doit ceffer. Car les droits du con

quérant

(e) Voici plutôt comme on a raifonné. Contre un ennemi tout m'eft permis. Je puis donc le tuer, le réduire en fervitude &c. des temps plus éclairés ont changé ce raifonnement en celuici contre un ennemi je puis tout ce qui tend à ma fureté je le tue, s'il fait de la réfiftance; je le réduis en fervitude, fi je crains qu'il n'ohéiffe en fujet, &c. (R, d'un A.)

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