Page images
PDF
EPUB

1

il fe formeroit en république. S'il étoit fort étendu, les principaux de l'état grands par eux-mêmes, n'étant point fous. les yeux du prince, ayant leur cour hors de fa cour, affurés d'ailleurs contre les exécutions promptes par les loix & par les mœurs, pourroient ceffer d'obéir; ils ne craindroient pas une punition trop lente & trop éloignée.

,

Auffi Charlemagne eut-il à peine fondé fon empire qu'il fallut le divifer; foit que les gouverneurs des provinces n'obéisfent pas; foit que, pour les faire mieux obéir, il fût néceffaire de partager l'empire en plufieurs royaumes.

Après la mort d'Alexandre, fon empire fut partagé. Comment ces grands de Grece & de Macédoine, libres, ou du moins chefs des conquérans répandus dans cette vafte conquête, auroient-ils pu obéir? Après la mort d'Attila, fon empire fut diffous: tant de rois qui n'étoient plus contenus, ne pouvoient point reprendre des chaînes.

Le prompt établiffement du pouvoir fans bornes, eft le remede qui, dans ces cas, peut prévenir la diffolution; nouveau malheur après celui de l'aggrandiffement! Les fleuves courent fe mêler dans la

[blocks in formation]

mer, les monarchies vont fe perdre dans le defpotifme.

CHAPITRE XVIII.

Que la monarchie d'Espagne étoit dans un cas particulier.

Q

U'ON ne cite point l'exemple de l'Espagne; elle prouve plutôt ce que je dis. Pour garder l'Amérique, elle fit ce que le defpotifme même ne fait pas, elle en détruifit les habitans; il fallut, pour conferver fa colonie, qu'elle la tînt dans la dépendance de fa fubfiftance même.

Elle effaya le defpotifme dans les PaysBas; & fitôt qu'elle l'eût abandonné, fes embarras augmenterent. D'un côté, les Wallons ne vouloient pas être gouvernés par les Espagnols; & de l'autre, les foldats Efpagnols ne vouloient pas obéir aux officiers Wallons (*).

Elle ne fe maintint dans l'Italie, qu'à force de l'enrichir & de fe ruiner: car ceux qui auroient voulu fe défaire du roi d'Espagne, n'étoient pas pour cela d'humeur à renoncer à fon argent.

CHA

(*) Voyez l'hiftoire des Provinces - Unies, par Mr. le Clerc.

1

e

CHAPITRE XIX.

Propriétés diftinctives du gouvernement defpotique.

UN grand empire fuppofe une autorité defpotique dans celui qui gouverne. Il faut que la promptitude des réfolutions fupplée à la diftance des lieux où elles font envoyées; que la crainte empêche la négligence du gouverneur ou du magiftrat éloigné; que la loi foit dans une feule tête; & qu'elle change fans ceffe, comme les accidens, qui fe multiplient toujours dans l'état à proportion de fa grandeur (i).

(i) Ce Chapitre fait fentir évidemment que les Etats, quels qu'ils foient, doivent être bornés dans leur étendue; & à cet égard il n'y a point de différence entre les Monarchiques, & les Républicains. La diftance des parties, qui doivent à la fois obéir & gouverner, exige feulement un certain degré de defpotisme dans le gouvernement, & ce degré de defpotisme peut avoir lieu dans les Républiques tout comme dans les autres Etats. (R. d'un A)

CHA

CHAPITRE XX.

Conféquence des chapitres précédens.

Qétats, elt d'ètre gouvernés en répu

UE fi la propriété naturelle des petits

blique, celle des médiocres d'être foumis à un monarque, celle des grands empires d'être dominés par un defpote; il fuit que, pour conferver les principes du gouverne ment établi, il faut maintenir l'état dans la grandeur qu'il avoit déja; & que cet état changera d'efprit, à mesure qu'on rétrécira ou qu'on étendra fes limites (k).

CHA

(k) On ne comprend pas comment l'étendue d'un pays peut entrer dans les effentialités qui constituent la forme d'un gouvernement: il eft vrai que, dans un Etat démocratique, où le peuple en corps doit décider les affaires, cet Etat doit être compris dans une ville; mais fi le peu. ple peut y fuppléer par des repréfentans, rien n'empêche que la démocratie ne puiffe fubfifter, quelque étendue qu'ait le pays. Il eft vrai que le gouvernement devient plus difficile à proportion que les parties de l'Etat font éloignées ou diftantes les unes des autres; mais cette difficulté eft commune à tous les Etats. Les facultés de l'homme étant bornées, tout ce qu'il embraffe

[ocr errors]

A

CHAPITRE XXI

De l'empire de la Chine.

VANT de finir ce livre, je répondrai à une objection qu'on peut faire fur tout ce que j'ai dit jufqu'ici.

Nos

doit l'être. Une conftitution formée relativement au gouvernement d'une certaine étendue, deviendra infuffifante dès que cette étendue viendra excéder la force de cette conftitution: voilà pourquoi il convient de conferver l'Etat dans fa premiere grandeur & qu'ordinairement un Etat change d'efprit à mesure qu'on rétrécit ou qu'on étend fes limites. Encore cela ne doit- il gueres s'entendre que de fes parties intégrantes. La conftitution de la République Romaine ne fut point altérée par fes conquêtes, parce qu'elle eut foin de les diftinguer du corps de l'Etat. Cette partie de la République des ProvincesUnies, que l'on nomme la généralité n'ap. porte aucune altération dans les principes de fa conftitution, non plus que tous ces pays que les Hollandois poffedent aux Indes: mais il n'en feroit pas de même fi elle s'affocioit des provinces. La conftitution pourroit en être ébranlée, & ce changement d'étendue pourroit en produire dans la conftitution. Il faut cependant remarquer par rapport aux changemens qui arrivent dans le gouvernement des Etats, qu'ils ne dépendent pas tant du plus ou du moins d'étendue d'un pays,

[ocr errors]

que

« PreviousContinue »