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bandon, qui fera que l'état n'aura plus de force ni de reffort (†).

Une aristocratie peut maintenir la force de fon principe, fi les loix font telles qu'elles faffent plus fentir aux nobles les périls & les fatigues du commandement que fes délices; & fi l'état est dans une telle fituation, qu'il ait quelque chofe à redouter; & que la fureté vienne du dedans, & l'incertitude du dehors.

Comme une certaine confiance fait la gloire & la fureté d'une monarchie, il faut au contraire qu'une république redoute quelque chofe (4). La crainte des Perfes maintint les loix chez les Grecs. Carthage & Rome s'intimiderent l'une l'autre, & s'affermirent. Chofe finguliere! plus ces états ont de fureté, plus, comme des eaux trop tranquilles, ils font fujets à fe corrompre (c).

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(†) Venise eft une des républiques qui a le mieux corrigé par fes loix les inconvéniens de l'aristocratie héréditaire

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en

(4) Juftin attribue à la mort d'Epaminondas, l'extinction de la vertu à Athenes. N'ayant plus d'émulation ils dépenferent leurs revenus fêtes, frequentiùs cœnam quàm caftra vifentes. Pour lors les Macédoniens fortirent de l'obfcurité, Liv. VI.

(c) Je ne trouve pas la chofe fi finguliere:

toute

CHAPITRE VI.

De la corruption du principe de la
monarchie.

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les

OM ME les démocraties fe perdent lorsque le peuple dépouille le fénat, magiftrats & les juges de leurs fonctions; les monarchies fe corrompent, lorsqu'on peu les prérogatives des corps, ou les privileges des villes. Dans le premier cas, on va au defpotifme de tous; dans l'autre, au defpotifme d'un feul (d).

ôte peu

à

Ce

toute action demande un principe; ce qui ne tend pas à fon élévation tend vers fon déclin; dès qu'on fe croit en fureté & qu'on n'appré hende rien, on fe néglige; la négligence mene à la pareffe & fait perdre les idées de ce qui eft néceffaire pour fa défenfe; la nonchalance eft la fe compagne de la pareffe, les parties du corps relâchent, la force s'anéantit, & voilà comme les états tombent & s'abîment.

(d) Ajoutez qu'une Démocratie change en une Ariftocratie defpotique, lorfque ceux auxquels on a confié le maniement des affaires, s'approprient la geftion comme un domaine, ou comme un bien de famille, &c. lorfqu'ils anéantiffent les différens ordres établis dans les villes, obfcurcis fent les loix, ôtent peu à peu aux corps leurs pré.

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LIV. VIII. CHAP. VI.

CHAP. VI. 257

Ce qui perdit les dynafties de Tfin

& de Soui, dit un auteur Chinois, c'eft„, qu'au lieu de fe borner, comme les anciens, à une infpection générale, feule digne du fouverain. les princes voulurent gouverner tout immédiatement par eux-mêmes (*)". L'auteur Chinois nous donne ici la caufe de la corruption de prefque toutes les monarchies.

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La monarchie fe perd, lorfqu'un prince croit qu'il montre plus fa puiffance, en changeant l'ordre des chofes qu'en le fuivant, lorfqu'il ôte les fonctions naturelles des uns pour les donner arbitrairement à d'autres, & lorfqu'il eft plus amoureux de fes fantaifies que de fes volontés.

La monarchie fe perd, lorfque le prince rapportant tout uniquement à lui, appelle l'état à fa capitale, la capitale à la cour, & la cour à fa feule perfonne.

Enfin

prérogatives; expliquent les privileges accordés aux villes, communautés &c. comme s'ils avoient été donnés aux magiftrats. Dans ces cas il s'in troduit dans l'état un defpotisme d'un certain ordre de perfonnes, qui n'auront d'autres vues que de conferver l'opulence dans leurs familles, par des emplois aifés, & à l'abri de toute perquifition.

(*) Compilation d'ouvrages faits fous les Ming, rapportés par le P. du Halde.

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Enfin elle fe perd, lorfqu'un prince méconnoît fon autorité, fa fituation, l'amour de fes peuples; & lorfqu'il ne fent pas bien qu'un monarque doit fe juger en fureté, comme un defpote doit fe croire en péril.

CHAPITRE VII.

Continuation du même fujet.

E principe de la monarchie fe corrompt, lorfque les premieres dignités font les marques de la premiere fervitude, lorsqu'on ôte aux grands le refpect des peuples, & qu'on les rend de vils inftrumens du pouvoir arbitraire.

Il fe corrompt encore plus, lorsque l'honneur a été mis en contradiction avec les honneurs, & que l'on peut être à la fois couvert d'infamie (*) & de dignités.

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(*) Sous le regne de Tibere on éleva des ftatues & l'on donna les ornemens triomphaux aux délateurs; ce qui avilit tellement ces honneurs, que ceux qui les avoient mérités les dédaignerent. Fragm. de Dion, liv. LVIII, tiré de l'extrait des vertus && des vices de Conft. Porphyrog. Voyez dans Tacite, comment Néron, fur la découverte & la punition

d'une

Il fe corrompt, lorfque le prince change fa juftice en févérité; lorfqu'il met, comme les empereurs Romains, une tête de Médufe fur fa poitrine (†); lorfqu'il prend cet air menaçant & terrible que Commode faifoit donner à fes ftatues (4).

Le principe de la monarchie fe corrompt, lorfque des ames finguliérement lâches, tirent vanité de la grandeur que pourroit avoir leur fervitude; & qu'elles. croient que ce qui fait que l'on doit tout au prince, fait que l'on ne doit rien à fa patrie.

Mais, s'il eft vrai (ce que l'on a vu dans tous les temps), qu'à mefure que le pouvoir du monarque devient immenfe, fa fureté diminue; corrompre ce pouvoir, 8. jufqu'à le faire changer de nature, n'eftce pas un crime de leze-majefté contre lui?

d'une prétendue conjuration, donna à Petronius Turpilianus, à Nerva, à Tigellinus, les ornemens triomphaux. Annal. Liv. XIV. Voyez auffi comment les généraux dédaignerent de faire la guerre, parce qu'ils en méprifoient les honneurs, pervulgatis triumphi infignibus, Tacit. Annal. Liv. XIII.

(†) Dans cet état, le prince favoit bien quel étoit le principe de fon gouvernement. (+) Hérodien.

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