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Enfin ce que j'ai dit, que la bonté des mœurs n'eft pas le principe du gouvernement d'un feul, ne fe vérifia jamais mieux que fous ces premiers empereurs ; & fi l'on en doutoit, on n'auroit qu'à lire Tacite, Suétone, Juvénal, & Martial.

CHAPITRE XIV.

Loix fomptuaires chez les Romains.

Nous avons parlé de l'incontinence publique, parce qu'elle eft jointe avec le luxe, qu'elle en eft toujours fuivie, & qu'elle le fuit toujours. Si vous laiffez en liberté les mouvemens du cœur ment pourrez-vous gêner les foibleffes de l'efprit?

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A Rome, outre les inftitutions généra les, les cenfeurs firent faire par les ma giftrats plufieurs loix particulieres, pour maintenir les femmes dans la frugalité. Les loix Fannienne, Lycinienne & Oppienne eurent cet objet. Il faut voir dans TiteLive (*) comment le fénat fut agité, lorsqu'elles demanderent la révocation de la

(*) Décade IV, liv. IV. '

loi

loi Oppienne. Valere-Maxime met l'époque du luxe chez les Romains à l'abrogation de cette loi.

L

CHAPITRE XV.

Des dots & des avantages nuptiaux dans les diverfes conftitutions.

ES dots doivent être confidérables dans les monarchies, afin que les maris puiffent foutenir leur rang & le luxe établi. Elles doivent être médiocres dans les républiques, où le luxe ne doit pas gner (*). Elles doivent être à peu près nulles dans les états defpotiques, où les femmes font en quelque façon efclaves.

La communauté des biens introduite par les loix Françoifes entre le mari & la femme, est très-convenable dans le gouvernement monarchique; parce qu'elle intéreffe les femmes aux affaires domeftiques, & les rappelle comme malgré elles

au

(*) Marseille fut la plus fage des républiques de fon temps; les dots ne pouvoient passer cent écus en argent, & cinq en habits, dit Strabon. liv. IV.

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au foin de leur maifon. Elle l'eft moins dans la république, où les femmes ont plus de vertu. Elle feroit abfurde dans les états defpotiques, où prefque toujours les femmes font elles mêmes une partie de la propriété du maître.

Comme les femmes, par leur état, font affez portées au mariage, les gains que la loi leur donne fur les biens de leur mari font inutiles. Mais ils feroient très - pernicieux dans une république, parce que leurs richeffes particulieres produifent le luxe. Dans les états defpotiques, les gains de nôces doivent être leur fubfiftance, & rien de plus.

CHAPITRE XVI.

Belle coutume des Samnites.

LES Sammites avoient une coutume, qui, dans une petite république, & furtout dans la fituation où étoit la leur, devoit produire d'admirables effets. On affembloit tous les jeunes gens, & on les jugeoit. Celui qui étoit déclaré le meilleur de tous, prenoit pour fa femme la fille qu'il vouloit; celui qui avoit les fuffrages après lui choififfoit encore, & ainfi de

fuite (*). Il étoit admirable de ne regarder entre les biens des garçons que les belles qualités & les fervices rendus à la patrie. Celui qui étoit le plus riche de ces fortes de biens choififfoit une fille dans toute la nation. L'amour, la beauté, la chafteté, la vertu, la naiffance, les richeffes même, tout cela étoit, pour ainfi 3 dire, la dot de la vertu. Il feroit difficile d'imaginer une récompense plus noble, plus grande, moins à charge à un petit état, plus capable d'agir fur l'un & l'autre fexe.

Les Samnites defcendoient des Lacédémoniens; & Platon, dont les inftitutions ne font que la perfection des loix de Lycurgue, donna à peu près une pareille loi (†).

CHAPITRE

XVII.

De l'adminiftration des Femmes.

IL eft contre la raifon & contre la nature, que les femmes foient maîtreffes

dans

(*) Fragm. de Nicolas de Damas, tiré de Stobée dans le recueil de Conftantin Porphyrogénete. (†) Il leur permet même de fe voir plus fré quemment.

dans la maison, comme cela étoit établi chez les Egyptiens: mais il ne l'eft pas qu'elles gouvernent un empire. Dans le premier cas, l'état de foibleffe où elles font ne leur permet pas la prééminence ; dans le fecond, leur foibleffe même leur donne plus de douceur & de modération; ce qui peut faire un bon gouvernement, plutôt que les vertus dures & féroces.

Dans les Indes, on fe trouve très-bien du gouvernement des femmes; & il eft établi, que fi les mâles ne viennent pas d'une mere du même fang, les filles qui ont une mere du fang royal fuccedent (*). On leur donne un certain nombre de perfonnes pour les aider à porter le poids du gouvernement. Selon monfieur Smith (†), on fe trouve auffi très bien du gouvernement des femmes en Afrique. Si l'on ajoute à cela l'exemple de la Mofcovie & de l'Angleterre, on verra qu'elles réuffisfent également & dans le gouvernement modéré

(*) Lettres édif. 14 recueil.

(†) Voyage de Guinée, feconde partie, p. 165 de la traduction, fur le royaume d'Angona fur la Côte-d'Or..

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